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Wright

 

     
Wright (John Wesley) 1769-1805. Né à Cork en Irlande le 14 juin 1769, fils d’un payeur général de l’armée. Entré dans l’armée à l’âge de 10 ans comme enseigne dans le 61e régiment, il passa l’année suivante dans la marine, et se fit remarquer malgré son jeune âge au siège de Gibraltar. Entré dans une maison de commerce, il passa cinq années à Petersbourg, où il apprit à parler couramment la langue russe. Rentré en Angleterre, il se présenta à Sidney Smith, qui le prit comme secrétaire. Il accompagna celui-ci dans sa tentative manquée près du Havre le 17 avril 1796, et tous deux furent faits prisonniers et enfermés au Temple à Paris. Ils parvinrent à s’évader en 1798, et Wright accompagna Sidney Smith dans ses campagnes en Orient en 1798 et 1799. Wright seconda Djezzar-Pacha dans la défense de Saint-Jean d’Acre, où il fut blessé. Elevé au grade ce capitaine de corvette, il prit part aux négociations d’El-Arich. Après la rupture de la paix d’Amiens (1803), Wright reçut le commandement d’une corvette et eut pour mission d’entretenir des relations avec les royalistes de l’intérieur de la France. Capturé le 17 mai 1804, il fut incarcéré au Temple et, appelé à témoigner dans le procès de Cadoudal et de ses complices, il refusa de parler et de donner la moindre indication sur ses missions. Soumis à un régime de détention de plus en plus sévère, Wright persista dans son mutisme. A la fin du mois d’octobre 1805, il fut trouvé mort dans sa cellule, la gorge tranchée. La version officielle voulait qu’il s’était donné la mort en apprenant les premiers succès des troupes françaises sur les Autrichiens.  
 

 

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WRIGHT (John Wesley), capitaine dans la marine anglaise, est moins connu par ses exploits que par sa mort déplorable, qui donna lieu à d'affreuses conjectures. L'auteur de cet article [de Beauchamp] s'étant trouvé à portée de faire, au sujet du capitaine Wright, l'enquête historique la plus complète à laquelle on puisse arriver, garantit l'exactitude des faits qu'il rapporte, et l'impartialité des éclaircissements qui les accompagnent. John Wesley Wright naquit le 14 juin 1769, à Corke, en Irlande. Son père, payeur-général à Minorque pendant l'occupation anglaise, le fit élever avec soin sous ses yeux. Le jeune Wright excella de bonne heure dans la musique et dans la langue française. A dix ans, il fut placé par le colonel James Murray, comme enseigne volontaire, dans le soixante-unième régiment. Il n'y resta qu'une année, entra dans la marine , et fut également placé comme volontaire auprès du capitaine Curtis ( depuis sir Roger), qui alors commandait à Minorque la frégate la Brillante. Employé pendant le siège de Gibraltar, comme aide-de-camp de son capitaine, Wright se distingua en combattant contre les batteries flottantes à bord des chaloupes canonnières ; et, dans une circonstance importante, il contribua à sauver la vie à tout un équipage. Lorsque la paix fut rétablie, il continua pendant deux ans ses études à l'académie de George Barker, à Wandsworth. L'état de paix ne lui offrant aucune chance d'avancement dans la marine, et son père l'engageant à s'adonner au commerce, il entra chez un riche négociant de la cité, et mérita sa confiance par son intelligence et son assiduité. Il reçut de lui la mission d'aller à Saint-Pétersbourg, à l'effet d'y suivre les affaires de son négoce. Il arriva dans cette capitale en 1790, et y résida cinq ans, pendant lesquels il acquit une parfaite connaissance de la langue russe, visita Moscou et d'autres villes de l'empire. Il revint en Angleterre, après avoir rempli sa mission à l'entière satisfaction de ses commettants. Tout en se livrant au mouvement de sa nouvelle profession, il avait conservé le même goût pour la marine, et depuis le renouvellement de la guerre contre la France, il nourrissait l'idée de reprendre son service. Une seule considération le retenait : il n'aurait pas voulu rentrer dans cette carrière comme garde-marine. Pendant son séjour à Saint-Pétersbourg, il avait entendu vanter les exploits de sir Sidney Smith , qui avait combattu sur la flottille de Suède, dans la guerre de Finlande, et qui, rentré depuis dans la marine britannique, commandait la frégate le Diamant. Ayant su que cet officier cherchait un secrétaire, il se présenta de lui-même, et fut accueilli ; Sidney Smith, dont il était devenu l'ami, le fit, à son insu, porter sur les registres de la marine, comme simple garde, dans la vue de lui faire reprendre son tour d'avancement. Wright entra aussitôt en activité et en croisière à bord de la frégate le Diamant, sur la côte de Normandie. Sidney-Smith avait des instructions particulières. Ayant découvert, dans la rade du Havre, le 17 avril 1796, un lougre armé, appelé le Vengeur, il alla l'attaquer à l'abordage avec des bateaux plats emmenant avec lui Whrigt, et en tty cinquante-deux hommes. Mais l'un des câbles du Vengeur ayant été coupé par les Français, le lougre gagna la côte, et les embarcations anglaises se trouvèrent entraînées par le courant dans la Seine, près du Havre, et bientôt entourées. Là toute résistance devenant inutile, Whright et Sidney-Smith furent forcés de se rendre prisonniers. En vertu d'un ordre émané du direx, on les transféra tous deux au Temple, à Paris, comme prisonniers d'Etat : ils y furent détenus dans la même tour, mais séparés et au secret. Le gouvernement français leur fit subir ce traitement inusité, sous prétexte qu'ils avaient voulu incendier, de concert, le port du Havre. Wright était enfermé depuis près de huit mois au secret, et privé de toute communication, lorsqu'au mois de décembre seulement il fut interrogé par le juge de paix de la place Vendôme. Il lui déclara avec fermeté qu'il ne répondrait à aucune question qui pourrait avoir le moindre rapport au service de son pays (1).
"Mais n'aviez-vus pas le dessein, lui dit le juge de paix, de brûler la ville et l'arsenal du Havre ? - On n'a besoin que de bombes pour brûler le Havre, répondit Wright, qui cita l'exemple de l'amiral Rodney ; il est injurieux, d'ailleurs, ajouta-t-il, d'accuser d'un projet d'incendie l'homme même à la modération duquel le >Havre a dû son existence pendant plus d'un an. Mon ami est parmi les hommes un des plyus humains que je connaisse ; l'incendie des villes n'entre point dans ses projets, et ne se concilie point avec les ordres généraux de son escadre, réitérés à tous commandants de détachement, approchant la cote ennemie, de ne jamais tirer sur les habitations ou les personnes non armées. Je ne crois pas qu'où puisse citer un exemple de contravention à ces ordres. Nous savons remplir notre devoir en détruisant votre marine et votre commerce jusque sous vos batteries; et je m'enorgueillis d'avoir partagé les travaux et les dangers de sir Sidney-Smith. Alors on lui présenta une lettre écrite par cet officier à Louis de Frotté, chef royaliste de Normandie, auquel il promettait un rendez-vous sur le rivage, et des secours en faveur du roi et des honnêtes gens : la suscription sur l'enveloppe était de l'écriture de Wright. On lui présenta de plus une lettre chiffrée. « Je m'en réfère, dit-il, à ma réponse concernant l'incompétence du gouvernement français à m'interroger sur les faits de mon service, et les opérations de l'escadre. » Cette dernière circonstance formait le véritable grief qui leur avait attiré la dureté d'un pareil traitement. Le Directoire n'y apporta quelque adoucissement qu'après un an de détention ; les deux prisonniers purent alors communiquer entre eux, et eurent la faculté de voir leurs amis. Ils en profitèrent pour concerter leur évasion , et l'effectuèrent ensemble au mois d'octobre 1798, au moyen de faux ordres du ministre de la guerre, qui furent présentés courageusement au geôlier de la prison par des hommes déguisés en militaires (v. PhÉlipPeaux, XXXIV, ai ) (2). A son arrivée à Londres, Wright reçut le grade de lieutenant, et suivit en cette qualité Sidney-Smith à bord du vaisseau de ligne le Tigre, qui fit voile d'abord pour Minorque et de là pour Constantinople, où Sidney-Smith alla s'entendre avec le Divan, afin de s'opposer aux xxpropresxx de Buonaparte en Egypte. Étant parti de Constantinople, le xxi ç) fe'vricr i ^ggxx, il alla toucher à Rhodes pour concerter ses opérations navales avec Assan Bey, gouverneur ottoman de cette île ; et, arrivé à la hauteur d'Alexandrie, il prit, le 7 mars, le commandement de la croisière dans les mers du Levant. C'était au moment où Buonaparte faisait une irruption en Syrie. Le lieutenant Wright fut aussitôt dépêché à Djezzar, pacha gouverneur d'Acre, à l'effet de tout disposer pour la défense de la ville à laquelle il prit une part active pendant toute la durée du siège. Il y commanda les marins pionniers, reçut deux balles dans le bras droit, le 7 avril, n'en entra pas moins dans la mine pour s'assurer de sa direction, et pour examiner les mineurs qui travaillaient à faire sauter la tour principale. Ses forces se trouvèrent tellement affaiblies par ses blessures, qu'il put à peine sortir de la tranchée avec le secours du colonel Douglas. Apres la levée du siège, il fut élevé au grade de capitaine de corvette, et envoyé pour se rétablir à xxxBcruly, capxxx dans le pays des Druses. Pendant la négociation d'El Arych, le commodore Sidney-Smith l'envoya à plusieurs reprises au camp de Kléber, où il eut des relations avec Rapp et Savary , alors aides-de-camp du général Desaix. Savary étant même venu à son tour au camp des Turcs, par des motifs de curiosité, Wright et Sidney-Smith le mirent à couvert des insultes d'une troupe de janissaires. A peine le commodore eut-il appris que son gouvernement se refusait à ratifier le traité, qu'il envoya Wright à Kléber, pour l'en avertir. L'officier anglais arriva au moment où Kléber, en exécution du traité, allait remettre au grand-visir les clefs de la citadelle du Caire. La ratification ayant été accordée plus tard, Wright fut dépêché alors auprès du général Menou, qui, après l'assassinat de Kléber, avait pris le commandement de l'année d'Egypte. Traversant le désert pour rejoindre Menou , il apprit que ce général refusait à son tour d'exécuter le traité. Il n'en continua pas moins sa route ; mais il ne put réussir à persuader Menou, qui le reçut froidement, et le fit rétrograder. De retour en Angleterre, après l'évacuation de l'Egypte par l'armée française, Wright se rendit à Paris peu après la paix d'Amiens. Mais il n'y fit pas un long séjour , et à la rupture il reçut , avec le commandement de la corvette il Fincejo , qui avait été prise sur les Espagnols, la mission de stationner à la hauteur de la côte de France, et d'entretenir des relations avec les royalistes de l'intérieur. Il y opéra plusieurs débarquements nocturnes , vers la fin de l'été de 1803 , ainsi que dans les premiers mois de 1804 , époque où il prit sa station sur la côte du Morbihan. Ses signaux ayant été communiqués à la police de Buonaparte par des complices de George, on s'en servit pour l'attirer à l'île d'Houat. Là plusieurs embarcations armées se mirent inopinément à sa poursuite, profitèrent d'un temps calme, et s'emparèrent de sa corvette, le 17 mai 1804, après une défense opiniâtre. Il fut conduit d'abord à PortNava.o, puis à Aurai,où des ordres arrivèrent bientôt de le diriger, avec ses officiers, dans l'intérieur, et d'abord à Vannes, en présence du préfet Julien. Wright l'avait connu en Egypte, et l'avait traité généreusement, lorsqu'on l'avait amené blessé à bord du Tigre, à la hauteur de Saint-Jean d'Acre. Oubliant ce service, Julien le traita sans ménagement, et le dirigea sur Paris, accompagné d'un gendarme. Wright fut conduit,en arrivant, devant le juge instructeur Thuriot, et confronté, le 20 mai (3), avec Querelle, Russillon et Troche, les trois délateurs dans le procès de Moreau et de George. Ils attestèrent le reconnaître comme chargé d'opérer les débarquements sur la côte. Mais Wright déclara avec fermeté qu'il n'avait aucun compte à rendre de sa conduite au gouvernement français. Sur la menace qu'il serait désavoué par son propre gouvernement, il répondit n'avoir jamais rien fait, en sa qualité de capitaine de vaisseau, sans y être autorisé par des ordres précis, refusant néanmoins d'entrer dans aucun détail, « Ne voulant » pas, dit-il, après avoir rempli son » devoir être exposé à se voir accusé » de trahison. » On le confina au Temple dans une des tourelles supérieures de cette prison d'état avec deux soldats placés dans son cachot pour le garder à vue. Appelé comme témoin au procès de George et de Pichegru, il refusa de rien témoigner, et en se retirant reçut , malgré les soins de la police, des applaudissements du public auditeur. On parut alors avoir pour lui quelques égards : on lui donna une chambre , et on le laissa même jouir de la société de sou neveu, âgé de quatorze ans, fait prisonnier avec lui. Le préfet Julien avait écrit que, si on les questionnait convenablement, ils feraient des révélations importantes. On les soumit tous les deux à différents interrogatoires, dans des cellules particulières, sans aucune communication avec les autres prisonniers. Pendant vingt-six jours que dura cette espèce d'épreuve, on les laissa au pain et à l'eau pour toute nourriture. Ils étaient interrogés pendant la nuit par des agents de police accompagnés de gendarmes. Ce fut dans le cours de ces interrogatoires secrets qu'on employa contre le malheureux Wright, pour l'obliger enfin à rompre le silence, le moyen violent de lui serrer fortement les pouces avec ce qu'on nomme les poucettes, et ce que Fouché appelait gaiment la petite question, en assurant à ses familiers que Wright avait parlé, ce qui était une fausseté insigne. Tous les moyens furent employés inutilement, même les voies de la douceur, pour vaincre ce courageux silence. Le procès terminé, on lui permit de loger avec son neveu dans une chambre plus commode, et de voir de temps en temps ceux de ses officiers faits prisonniers avec lui, et qui étaient également détenus au Temple. On lui dit même que le gouvernement français le laisserait retourner dans sa patrie, s'il consentait à révéler tout ce qu'il savait des projets formés contre la sûreté de Buonaparte. A cela il répondit qu'il se regarderait comme rebelle à son Dieu et à son roi, s'il avait la moindre communication avec des êtres capables de se conduire comme ils l'avaient fait à son égard. Au mois de juillet tous ses officiers furent mis en liberté, et ils obtinrent, par l'entremise du geôlier, d'avoir avant leur départ une entrevue avec leur capitaine. Il leur parut gai, quoiqu'il fût agité du pressentiment secret du sort qui l'attendait. En prenant congé de M. Laumont, chirurgien de sa corvette, il lui dit, d'un air pénétré: « J'espère que nous nous verrons dans des circonstances plus heureuses ; mais à tout événement, quoi qu'il puisse arriver dans ma condition présente, démentez d'avance tous les bruits qui pourraient circuler sur mon compte ; je me conduirai, croyez-moi , en chrétien et en officier anglais. » Après cette séparation, la captivité du capitaine, loin d'être adoucie, devint plus dure. Cependant on s'occupait beaucoup de son sort en Angleterre et même à la Chambre des Communes. A la séance du 30 juillet 1804, Windham se leva pour demander des renseignements sur la situation des prisonniers de guerre en France, et particulièrement sur celle du capitaine Wright. Il dit que les derniers rapports au sujet de ce brave officier avaient appris qu'il avait refusé de répondre à des questions non autorisées par le droit des gens, et qu'alors on lui avait fait entendre clairement qu'on aurait recours aux dernières extrémités s'il ne répondait pas de la manière qu'on attendait de lui ; ce que l'on avait commencé à exécuter en le renfermant dans la prison du Temple. Windham, avant d'émettre aucune proposition à ce sujet, déclara qu'il désirait savoir si le gouvernement de S. M. avait fait quelques démarches pour obtenir la liberté de cet officier, ou si l'honorable gentleman qui siégeait en face pourrait donner quelque information dans le cas où il en serait parvenu à la connaissance des ministres. M. Hurgess Bouine, secrétaire de la trésorerie, à qui s'adressait cette interpellation, dit qu'il était très affligé de ne pouvoir donner l'information que l'on désirait ; et qu'il n'avait rien à communiquer à ce sujet. Ce fut alors que le ministère anglais sollicita l'échange du capitaine Wright par l'intermédiaire de l'ambassadeur d'Espagne. Le ministre des affaires étrangères Talleyrand répondit que le capitaine Wright était un homme affreux (4) ; qu'on ne daignerait pas le traiter comme prisonnier de guerre, persuadé qu'aucun officier français ne consentirait à être échangé contre lui. Il proposait néanmoins de l'envoyer dans quelque port neutre, où il serait mis à la disposition du gouvernement britannique. On croit qu'au moment même où ces propositions fallacieuses étaient faites, le capitaine Wright avait cessé d'exister. On n'en fut instruit dans le public que par le paragraphe suivant inséré dans la Gazette de France du 29 octobre 1804, et répété par les autres journaux. « Le capitaine Wright de la marine anglaise, détenu au Temple, qui avait débarqué sur la côte de Tréport Georges et ses complices, s'est tué dans sa prison , après avoir lu dans le Moniteur la nouvelle de la destruction de l'armée autrichienne. » On ne crut pas généralement à cette mort volontaire, et encore moins au motif qui y aurait donné lieu ; et l'on pensa qu'elle remontait aux mêmes causes qui avaient amené la catastrophe du duc d'Enghien et la mort problématique de Pichegru ; le bruit s'accrédita même que c'étaient encore des mameloucks de la garde qui avaient reçu l'ordre secret découper la gorge au capitaine Wright dans sa prison. Le public parut d'autant plus touché de la destinée de ce malheureux officier, qu'on n'avait pu lui imputer d'autre tort que d'avoir obéi aux ordres de son gouvernement. Ce point délicat d'histoire contemporaine ne pouvait être abordé ni éclairci sous le régime impérial. Ce n'est qu'après la chute de Buonaparte qu'il est devenu le sujet d'une controverse assez vive. Enfin, au mois de septembre 1815, l'avocat Henoult déclara, dans une lettre publique qui fut répandue dans toute l'Europe, qu'il allait rétablir les faits sous leur vrai jour. « J'étais, dit-il, prisonnier au Temple quand cet assassinat politique eut lieu. La veille du jour où le capitaine Wright fut trouvé la gorge coupée, Savary, à cette époque général et aide-de-camp de Napoléon , dont on l'appelait le bras droit, vint faire avec quelques soldats une inspection rigoureuse de cette terrible prison ; inspection dont il était chargé spécialement, et indépendamment de Fouché, ministre de la police. Retirez -vous dans vos chambres, fut l'ordre que Savary donna aux prisonniers. On fit des perquisitions dans celle du capitaine comme dans les autres. L'objet de cette enquête était de découvrir une prétendue correspondance avec l'Angleterre, dont on ne trouva aucune preuve. Le jour suivant, une nouvelle perquisition eut lieu , mais seulement dans la chambre du capitaine Wright : elle était faite par trois officiers de police que deux soldats escortaient. Sans doute ces vexations irritèrent au plus haut point ce brave officier , et nous l'entendîmes crier de toutes ses forces, et appeler la vengeance du ciel sur Buonaparte et sur la cruelle tyrannie de sa police. Vers minuit des assassins entrèrent dans sa chambre, et lui coupèrent la gorge avec un rasoir ; on supposa que c'étaient les mêmes qui avaient étranglé Pichegru. » Une aussi grave accusation a donné lieu de la part de M. le duc de Rovigo (Savary), qui était alors au pouvoir des Anglais dans l'île de Malte, à une réfutation (5) fondée d'abord sur ce que Fouché seul avait l'inspection supérieure du Temple, et enfin sur la preuve de l'alibi ; c'est-à-dire sur ce que lui, Savary, ayant suivi Napoléon en Allemagne, en 1805, avait assisté à la bataille d'Austerlitz, et avait été chargé d'une mission auprès de l'empereur Alexandre avant et après la bataille, avait même été vu le 28 ou 29 novembre auprès de ce monarque par l'ambassadeur d'Angleterre lord Leveson-Gower. Mais ces objections ne se trouvent-elles pas affaiblies devant l'examen sévère de l'histoire ? En supposant la réalité de cet assassinat politique, il n'a pu être commis sans la volonté expresse de Napoléon, et même sans un ordre secret de sa part ; or, l'agent qui en aurait été porteur ne se serait nullement trouvé en conflit avec Fouché qui, en sa qualité de ministre de la police générale, et dépositaire de tous les secrets d'Etat, eût été obligé d'y prêter les mains. Dans ce cas l'accès du Temple, à toute heure, ne pouvait être interdit à un aide-de-camp de Napoléon, chargé d'ailleurs de sa police secrète. L'alibi n'est pas non plus prouvé assez victorieusement. Le duc de Rovigo l'établit sur sa présence à Austerlitz, lors de la mort du capitaine Wright. Mais cette mort ne coïncide nullement avec la date de la bataille livrée le 2 décembre 1805. Elle se rapporte à la capitulation de Mack à Ulm qui eut lieu le 20 octobre, et fut annoncée par le Moniteur du 24 après la lecture duquel, selon la Gazette de France, déjà citée (et tous les journaux alors étaient officiels), le capitaine Wright se serait tué. Sa mort, annoncée le 29 par la Gazette , avait eu lieu dans la nuit du 27 au 28 octobre ; par conséquent plus d'un mois s'écoula jusqu'à la bataille d'Austerlitz. Ainsi une mission secrète pour Paris, donnée à Ulm ou ailleurs, aurait pu être remplie en huit ou dix jours au plus, et un aide-de-camp actif, accoutumé à exécuter rapidement les ordres de Napoléon, aurait pu assister ensuite aisément à la bataille d'Austerlitz. D'un autre côté, il y a aussi lieu de s'étonner que le duc de Rovigo, en rapportant la lettre de l'avocat Henoult pour la réfuter, en ait supprimé le P. S. conçu en ces termes : « Je vous donnerai de plus amples renseignements sur ces meurtres d'état. » Henoult tint parole et publia, peu de jours après, à Liège , sous la date du 5 octobre, une seconde lettre qui n'a pas été réfutée, et qui contient de terribles inductions sur le genre de mort du capitaine : « Le capitaine Wright, y est-il dit, était emprisonné étroitement dans un de ces donjons, que dans le langage de la tyrannie on appelle secret, et qui présente à l'imagination tout ce qu'il y a de plus terrible. Il ne voyait pas une âme, excepté un individu, le porte-clef, qui le visitait trois fois par jour. Son secret était situé dans un petit carré détaché, où était aussi renfermé un vieux jésuite d'environ quatre-vingts ans ; homme de qualité et d'érudition qu'il honorait de son estime et de sa confiance. Le capitaine, ainsi qu'on l'a déjà établi, eut le cou coupé avec un rasoir, entre minuit et minuit et demi. Vers sept heures du matin, le porte-clef de cet infortuné officier éveilla tout le Temple par ses cris répétés à diverses reprises : Le capitaine anglais s'est tué. Le geôlier se rendit sur les lieux , et permit aux prisonniers d'entrer dans la chambre du mort. J'entrai à mon tour, ainsi que cent vingt-huit de mes compagnons d'infortune. Le capitaine était étendu sur son lit, couvert de sang, et le fatal rasoir était sur le parquet. On voyait sur sa table de nuit un Moniteur de la veille, qui contenait les détails d'une victoire signalée remportée par les Français. Vous voyez, dirent les porte-clefs, qui sans doute étaient endoctrinés par Savary, que notre victoire a poussé le capitaine anglais à un acte de désespoir. Personne ne dit mot, et pas un des spectateurs, pas même les porte-clefs, n'ajoutèrent foi à cette fable. Le public se ressouviendra particulièrement qu'il avait été fait une défense sévère de procurer les papiers publics au capitaine Wright ; qu'il n'avait point de rasoir, le barbier du Temple le rasant deux fois la semaine, accompagné et inspecté par l'un des geôliers. Ces faits notoires sont à la connaissance de tous les prisonniers. Saisi d'horreur à cet affreux spectacle, je me rendis dans l'appartement du jésuite, situé au côté opposé, à quelques pas de distance de celui du capitaine. — Quels crimes se commettent dans cette prison, dit-il, en élevant les mains et les yeux vers le ciel ! — Oui, mon père, répliquai-je, ils sont énormes et excèdent toute mesure. Étant aussi près du lieu de la scène, vous avez probablement entendu tout ce qui s'est passé. Pour moi, j'en ai entendu une bonne partie, ou plutôt j'ai vu les antécédents de cette catastrophe. — Quels étaient-ils? — Je vais vous les rapporter. M'étant éveillé vers minuit, car le sommeil est léger dans les prisons d'état, j'ai entendu très-distinctement s'ouvrir et ensuite se fermer la porte du guichet ; j'ai entendu aussi quelques hommes qui marchaient dans la cour ; j'ai cru entendre, de plus, ouvrir et fermer la porte qui conduit à la tour. J'avoue que je fus saisi d'alarme ; car c'est ordinairement vers cette heure que les geôliers venaient extraire quelque infortuné, pour le conduire devant une commission militaire secrète : de là il était fusillé. Mes craintes n'étaient pas déraisonnables ; car beaucoup d'individus avaient péri de cette manière pendant la nuit. Elles cessèrent cependant quand je m'aperçus que les hommes que j'avais entendus ne venaient pas de mon côté. Emporté alors par ma curiosité, je mis la tête à la fenêtre grillée de ma chambre. Les assassins revinrent lentement, vers minuit et demi ; mais la nuit était sombre : il me fut impossible de les compter. Le guichet fut ouvert et fermé de nouveau. Le jésuite, à son tour , me dit que vers la même heure il avait entendu ouvrir la porte de son carré ; trois ou quatre hommes, marchant sur leurs mains et sur leurs pieds, à ce qu'il lui sembla, ouvrirent et fermèrent la porte du capitaine. Quelques minutes après, il l'entendit rouvrir et refermer de nouveau. Enfin il entendit aussi fermer la porte du carré. Quant à la mutilation (6) de ce brave officier, que le journal de Gand a rapportée, et que la Gazette générale des Pays-Bas a répétée, sur son autorité, ce n'est qu'une pure fiction, qui sera rejetée par tous les écrivains judicieux. J'ai vu, ainsi que les prisonniers du Temple, le corps mort nu; et il n'y avait point de mutilation, excepté au cou, où l'on voyait une profonde incision , de quatre pouces environ. Un procès verbal du prétendu suicide fut dressé et envoyé à Londres, avec le Moniteur, aussi faux que le procès-verbal. » On a vu que Wright avait un pressentiment du sort qui l'attendait; ce qu'on explique par la persuasion où il était, et qu'il ne dissimulait point, que Buonaparte lui avait voué une haine mortelle. Aux renseignements qui précèdent, l'auteur de cet article croit devoir ajouter ceux qu'il tient directement de sir Sidney-Smith , qui représente le capitaine Wright, dont il était l'ami, comme doué des plus hautes qualités, et comme très regrettable pour ses vertus militaires. Selon l'amiral, les premières personnes qui entrèrent dans la chambre de Wright, le jour de sa mort, le virent avec le drap sur le menton, ce qui, d'après son genre de mort, leur parut un indice qu'il ne s'était pas tué lui-même. L'amiral tient encore du prince de Polignac, alors renfermé au Temple, qu'on n'avait aperçu la veille aucune altération dans l'humeur ni dans les traits du capitaine. Sir Sidney-Smith, étant parvenu à se procurer les papiers de son ami, qu'il a rendus à sa famille, y a trouvé son journal écrit de sa main très exactement, et conduit jusqu'à la veille même de son trépas, et rien n'y annonce le projet d'un suicide. B—p. (de Beauchamp).

 

     
         
  (1) Tout ceci est tiré de l'interrogatoire même que l'auteur de cet article a eu sous les yeux.      
         
  (3) 30 floréal an XII. L'auteur de cet article a eu en communication les pièces originales qui au besoin pourraient être rendues publiques.      
  (4) Expression qui ne venait |pas, dit-on, du ministre, mais qui lui avait été dictée par Buonaparte.      
         
  (6) On avait dit qu'on l'avait livré à de cruelles tortures, et qu'on lui avait coupé le bras gauche et la jambe droite.      

 

 


     

 

 

     
 

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