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GOURGAUD
(le général baron Gaspard) naquit à Versailles
le 14 septembre 1783. Son père était un des musiciens
de la chapelle du roi Louis XVI ; son oncle, Henri Gourgaud, plus
connu sous le nom de Dugazon, excellait au théâtre
dans les rôles de valets, et sa tante, madame Vest ris ou
Paco-Vestris, née Gourgaud, ancienne élève
de Lekain, jouait passablement la tragédie. La révolution
ouvrit au jeune Gourgaud une autre carrière que celle où
semblaient l'appeler ses traditions domestiques. Il entra à
quinze ans à l'école polytechnique, d'où il
passa ensuite à l'école d'artillerie de Chalons. Les
études militaires, en ce temps-là, se menaient tambour
battant. A dix-sept ans, après deux ans d'apprentissage,
Gourgaud était lieutenant d'artillerie et professeur adjoint
de fortification à l'école de Metz. Sans être
un sujet hors ligne, c'était un sujet intelligent, souple,
adroit, très-actif, capable assurément de faire une
leçon, mais plus brillant en selle et plus solide que dans
une chaire. En 1801, à dix-huit ans, il quitta Metz pour
entrer avec son grade dans le 6e régiment d'artillerie à
cheval, il fit avec ce régiment la campagne de Hanovre. Là
il sut attirer l'attention du général d'artillerie
Foucher, qui le choisit pour aide de camp (1803), et bientôt
l'emmena bivouaquer avec lui au camp de Boulogne. C'est en 1805,
dans la guerre contre l'Autriche, que le jeune officier, il n'avait
encore que vingt-deux ans, commença à déployer
son courage, qualité assez commune alors, mais utile, et
qu'on ne lui a jamais contestée. Il servait dans le corps
d'armée du maréchal Lannes, duc de Montebello, qui
commandait l'avant-garde. Il se signala au pont de Taber, près
de Vienne, et même à Austerlitz, où il fut blessé
d'un éclat d'obus. Il n'obtint cependant aucune promotion.
Nous le retrouvons en 1806, à l'ouverture de la campagne
de Prusse, lieutenant d'artillerie, ayant déjà huit
ans de grade, une blessure, plusieurs campagnes. Mais il n'était
pas à l'âge où l'on se décourage. Il
combattit très bravement à Saalfeld, et gagna la croix
d'honneur à la bataille d'Iéna. L'an d'après,
à Friedland (juin 1807), il fut enfin nommé capitaine.
C'est en cette qualité qu'il parut sous les murs de Saragosse
en 1808. Il y figurait dans le 3e corps, et son nom fut inscrit
au bulletin d'une des plus chaudes journées de ce lamentable
siège. Du fond de l'Aragon, il fut rappelé à
l'armée du Nord, et prit part, à son rang, aux affaires
d'Abensberg, d'Eckmülh-, de Ratisbonne. d'Ebersberg, d'Essling,
de Wagram (campagne de 1809). On l'attacha pendant la paix à
la manufacture d'armes de Versailles. Quelques perfectionnements
à introduire dans la fabrication des lances et des fusils,
le voisinage de Paris, l'envie de percer, l'amenaient et le ramenaient
souvent dans les bureaux, dans le cabinet, dans les salons du ministre
de la guerre. On ne gagne rien à se cacher. Ces visites lui
furent plus utiles que ses états de services. Le ministre
de la guerre l'envoya à Dantzig, ville prétendue libre,
mais où les Français tenaient garnison. Le capitaine
Gourgaud avait mission d'étudier avec soin l'état
de cette place et les ressources qu'elle pouvait offrir en cas de
guerre avec la Russie. Il devait, en outre, mais le plus secrètement
possible, faire exécuter dans les arsenaux des ponts volants
et des équipages de siège, de manière que tout
fût prêt d'avance, au montent imprévu où
l'on pourrait en avoir besoin. Il parait que Gourgaud s'acquitta
assez bien de la tâche qu'on lui avait confiée, cela
le mit en vue. A son retour, il devint un des officiers d'ordonnance
de l'empereur (1811). Il l'accompagna en Hollande, et fut ensuite
chargé d'aller inspecter les cotes et les places de l'Aunis
et de la Saintonge. Après avoir visité Rochefort et
la Rochelle, il parcourut les îles d'Aix, de Ré, d'Oléron,
et reconnut par des sondages que la passe de Manusson, jusque-là
réputée inabordable aux vaisseaux de guerre, avait
besoin d'être gardée, il poussa la prudence jusqu'à
demander qu'on éloignât de ce petit archipel, où
ils étaient détenus, les réfractaires bretons,
craignant qu'ils ne donnassent la main aux Anglais pour lés
aider à débarquer. On fit droit à sa requête,
et les rëfractaires, ramenés sur le continent, furent
disperses dans plusieurs régiments. Le 1er janvier 1812,
Gourgaud reçut le titre de chevalier de l'empire , titre
auquel était joint un majorât de deux mille francs
de rente. Parmi les officiers attachés à la personne
de Napoléon, il était déjà un de ceux
dont le service était le plus goûté. Aussi eut-il
l'honneur très envié d'accompagner son maître
au congrès de Dresde. Il le suivit ensuite en Russie. Là,
le meilleur moyen de faire sa cour, c'était de se comporter
bravement. Gourgaud fut encore plus brave qu'à l'ordinaire.
Rien de ce qu'il faisait n'était perdu. Il n'agissait que
par ordre et sous les yeux de l'empereur. Tantôt l'empereur
l'envoyait en reconnaissance; tantôt il lui ordonnait d'aller
redresser le feu de quelque batterie. Gourgaud allait, venait, se
multipliait. Il était au passage du Niémen, il était
aux combats d'Ostrowno et de Witebsk ; il fut blessé à
la prise de Smolensk. Il paya de sa personne à l'affaire
de Valentina et à la grande bataille de Borodino (le 7 septembre
1812). A Moscou, il devança l'armée et se rendit au
Kremlin, en parlementaire, n'ayant pour escorte qu'un interprète,
M. de Noillant. Quelques paysans s'y étaient réfugiés
: à la première sommation, ils mirent bas les armes.
Quarante cavaliers cosaques étaient là ; ils ne songèrent
point à se défendre. Gourgaud les envoya, tout montés
et tout équipés, au camp de l'empereur. Cependant
le comte Rostopchin, gouverneur de Moscou, avait, en s'éloignant,
mis le feu en divers endroits de la ville et du Kremlin, lequel
est, comme on sait, un immense quartier, plein d'églises
et de palais, au centre duquel s'élève la citadelle.
Dans un de ces édifices était caché un dépôt
de poudre, du poids énorme de quatre cent mille livres :
l'incendie, en se propageant, devait allumer cette poudrière,
et ensevelir sous les ruines du quartier le conquérant et
une partie de son armée. Gourgaud eut le bonheur d'éventer
la mine assez tôt pour en empêcher l'explosion. Il fut,
en récompense, nommé baron de l'empire. Il rendit
d'autres services pendant la retraite. On le vit, par exemple, se
jeter à cheval dans les eaux de la Bérésina,
et traverser le fleuve, non pour assurer son propre salut, mais
pour aller reconnaître sur la rive opposée les endroits
où l'on pouvait appuyer les ponts destinés au passage
de l'armée. Napoléon, de retour à Paris après
cette fatale expédition, nomma Gourgaud son premier officier
d'ordonnance, titre nouveau créé pour lui, tous les
officiers d'ordonnance ayant servi jusque-là sur un pied
d'égalité. Gourgaud le suivit en Saxe. Il était
à ses côtés à Lutzen, à Bautzen,
à Wurschen (mai 1813). Après l'armistice conclu, le
4 juin, à Plesswitz, en Silésie, il eut à inspecter
le matériel d'artillerie, tant celui des forteresses que
celui des corps d'armée, et fit exécuter çà
et là quelques changements prescrits par l'empereur dans
la distribution des bouches à feu. A la reprise des hostilités,
Napoléon, prêt à marcher sur Kœnigsberg, reçut
de Gourgaud (le 24 août) des informations qui le décidèrent
inopinément à prendre une autre route. Il se porta
sur Dresde, où Moreau arrivait de son côté,
pour se mettre à la tête des armées alliées.
La bataille fut livrée le 26, et recommença le lendemain.
Ce fut une victoire, mais coûteuse, et de celles qui épuisent
le vainqueur sans abattre l'ennemi. Gourgaud n'en reçut pas
moins, pour l'avis qu'il avait donné, une dotation de six
mille francs de rente, avec la croix d'officier de la Légion
d'honneur. Il assistait, peu de temps après (19 octobre),
à l'horrible bataille de Leipsick ; et pendant que l'armée
française effectuait sa retraite, laissant sur le carreau
plus de 50,000 des siens, il resta au pont de Freyberg, avec ordre
de le détruire à la fin du jour, afin d'arrêter
l'ennemi sur l'autre rive. Mais l'ennemi ne se présentant
pas, et des blessés , des traînants, arrivant à
la file pendant toute la nuit, Gourgaud différa d'heure en
heure, jusqu'au lendemain, l'exécution de ses ordres, et
sauva ainsi non-seulement quelques fuyards, mais le corps d'armée
du maréchal Oudinot, ou du moins tout ce qui en restait.
Revenu à Paris, il concourut de son mieux, dans sa sphère,
aux préparatifs de la campagne de France. De victoire en
victoire, c'est là qu'on en était venu à se
battre pour ses propres foyers. Au début de la campagne,
Napoléon faillit périr de la main d'un Cosaque. C'était
à Brienne, dans la soirée du 29 mars : Gourgaud vit
le danger, fit feu sur le Cosaque, et le tua roide. Napoléon
lui marqua sa reconnaissance par le don d'une épée
; mais c'était de l'épée qu'il portait à
Lodi, à Montenotte, à Rivoli, au temps de sa jeunesse
et de sa gloire la plus pure. Le 10 février, Gourgaud était
encore près de son maître à Champ-Aubert, et
le lendemain à Montmirail, où il reçut une
blessure. II remonta bientôt à cheval; et le 17, à
Nangis, il était à son poste. A quelques jours de
là, le 10 mars, on le retrouve à Laon, et son nom
figure au bulletin de la journée. Le 13, devant Reims, c'est
lui qui, avec deux bataillons et une batterie d'artillerie, enfonce
les portes de la ville, barricadées par les Russes. Cette
affaire lui valut le grade de colonel d'artillerie; mais il ne quitta
point la personne de l'empereur. Il le suivit à Arcis et
à St-Dizier, et de St-Dizier revint en poste avec lui sur
la capitale. Ils avaient beau se hâter, les événements
marchaient plus vite encore. A quatre lieues de Paris, :ils apprirent
la bataille de Paris, la capitulation, l'entrée des alliés,
la conduite du sénat, la formation d'un gouvernement provisoire.
Napoléon, étourdi de ces nouvelles, se retira à
Fontainebleau, puis envoya Gourgaud aux informations. Gourgaud lui
apprit, à son retour, la convention de Chevilly, entre Marmont
et le prince de Schwartzenberg (5 avril 1814). 11 n'y avait plus
qu'à se résigner. Le même jour s'ouvrirent à
Fontainebleau les conférences relatives à l'abdication.
Cet acte ne fut signé que le 11 avril, et Napoléon
partit le 20. Gourgaud ne le suivit pas à l'Ile d'Elbe; il
s'empressa au contraire de venir à Paris et d'offrir ses
services au gouvernement royal. Si les Bourbons ont fait des fautes
en 1814, on ne peut, du moins, sans injustice, les accuser d'avoir
repoussé alors les hommes de l'empire. Ils étaient
partout; ils avaient dans leurs mains l'administration et l'armée.
Gourgaud, un des serviteurs personnels de Napoléon, fut aussi
bien accueilli que les autres. On le nomma, pour sa part, chef d'état-major
de la première division militaire, et chevalier de St-Louis.
Ne sut-il rien des projets de l'Ile d'Elbe ? Fut-il en effet aussi
étonné qu'il feignit de l'être à la nouvelle
du débarquement de Cannes ? Bien des gens en ont douté.
Ce qui est certain, c'est qu'il ne tenait pas plus aux institutions
de 1814 qu'il n'avait paru tenir à celles de l'empire. A
peine Napoléon fut-il de retour aux Tuileries que Gourgaud
reprit auprès de lui son service habituel de premier officier
d'ordonnance. Il le suivit à l'armée, et fut fait
à Fleurus (le 16 juin 1815) général de brigade
et aide de camp de l'empereur. Bon soldat, du reste, il soutint
de son mieux, à Waterloo, la fortune croulante de l'empire;
et quand tout fut désespéré, il partit avec
son maître, l'accompagna jusqu'à la Malmaison, et de
là à Rochefort. Chargé de porter au prince
régent la lettre par laquelle Napoléon lui demandait
l'hospitalité sur le sol britannique, il passa sans obstacle
à travers la croisière anglaise; mais arrivé
à Plymouth, il lui fut interdit de débarquer. On le
conduisit à Torbay. C'est là que Napoléon,
qui s'était livré à la flotte anglaise, et
que la flotte anglaise transportait à Ste-Hélène,
c'est là, disons-nous, que Napoléon le retrouva et
le choisit pour un des compagnons de son exil. Gourgaud ne resta
que deux ans à Ste-Hélène. Il se plaignait
du climat ; il vivait d'ailleurs en mauvaise intelligence avec quelques-uns
des derniers amis de l'empereur. Il revint en Europe en 1817, et
s'établit d'abord en Angleterre. Il y publia une Relation
de la bataille de Waterloo, ouvrage rédigé à
Ste-Hélène. L'année suivante , il prit sur
lui d'écrire à l'empereur de Russie et à l'empereur
d'Autriche, et essaya de les intéresser aux malheurs de Napoléon.
Il écrivit dans le même sens à l'archiduchesse
de Parme, Marie-Louise, mère du duc de Reischstadt : on ne
lui répondit pas. Il fut, quelque temps après, expulsé
d'Angleterre, nous ne saurions dire pourquoi. Il a prétendu
que le gouvernement anglais le persécutait à cause
de l'ouvrage qu'il avait publié, plus d'un an auparavant,
sur l'affaire de Waterloo. L'explication est peu vraisemblable.
Les Anglais ont leurs défauts, et il est bien permis de ne
pas les aimer. Mais ils racontent la bataille de Waterloo à
leur manière et nous laissent libres de la raconter autrement.
Ils ont des écrivains pour nous répondre, et ils laissent
vivre en paix, au milieu d'eux, des gens qui publient des ouvrages
beaucoup plus dangereux, à tous égards, qu'un récit
de bataille qui, s'il tend à diminuer la gloire de leur triomphe,
ne leur en ôte point le profit. Il n'en est pas moins vrai
que Gourgaud fut embarqué d'une manière assez brutale
et jeté sur le continent, à Cuxhaven, près
de Hambourg. Il sollicita la permission de rentrer en France ; elle
lui fut refusée. Il engagea sa vieille mère à
s'adresser à la chambre des députés pour obtenir
son rappel. Le baron Pasquier, alors ministre des affaires étrangères,
lui envoya enfin un passeport. Gourgaud rentra en France le 20 mars
1821, environ un mois avant la mort de Napoléon. La restauration
n'eut pas pour lui la même considération que pour le
général Bertrand. Bertrand, qui avait suivi Napoléon
à l'Ile d'Elbe et lui avait fermé les yeux à
Ste-Hélène, fut, après son retour en France,
réintégré dans ses grades. Il n'eût tenu
qu'à lui de rentrer en activité ; il ne le voulut
pas, et, dans sa position, il eut raison. Quant à Gourgaud,
son nom resta rayé des cadres de l'armée. Nous notons
le fait en passant ; nous n'avons pas à l'expliquer. Seulement,
si l'on prétendait que le gouvernement royal le punissait
de sa fidélité à l'empereur, nous dirions qu'on
se trompe, et nous n'aurions pour le prouver qu'à rappeler
l'exemple de Bertrand. Le baron Gourgaud n'avait pas, il est vrai,
la modestie de Bertrand, et faisait assez grand bruit de sa fidélité.
Dès 1821 il adressa une pétition à la chambre
des députés, pour la prier d'inviter le gouvernement
à réclamer de l'Angleterre, au nom de la France, les
restes de l'empereur. Le colonel de Briqueville et le colonel Fabvier,
tous deux connus par leur attachement à l'empire, signèrent
avec lui cette pétition. Gourgaud ne perdait aucune occasion
de se mettre en vue et de toutes les manières. Il vivait
avec une femme excessivement riche, mais dont le mari était
vivant, et son ancien collègue d'antichambre aux Tuileries
; il lui faisait, dit-on, des scènes d'Orosmane. Il l'accompagnait
à la promenade et au théâtre, toujours armé
d'un poignard qu'il avait probablement trouvé dans la défroque
de feu sa tante, madame Paco-Vestris. L'honorable général
comte Philippe de Ségur, l'un des doyens aujourd'hui de l'Académie
française, ayant publié son Histoire de la campagne
de Russie, Gourgaud se hâta de réclamer dans les journaux
contre certains passages de cette histoire, qu'il accusait d'inexactitude.
Le comte de Ségur lui répondit. Gourgaud l'appela
en duel et le blessa, ce qui ne prouvait rien. Il eut, quelque temps
après, un démêlé plus grave encore avec
sir Walter Scott, l'illustre romancier écossais. C'était
en 1827 ; Walter Scott venait de publier sa Vie de Napoléon,
ouvrage partial, si l'on veut, et tout empreint des passions mal
éteintes des dernières guerres, mais où l'on
trouve aussi des documents neufs et d'une incontestable valeur historique.
Dans cet ouvrage, Walter Scott accusait nettement le baron Gourgaud
d'avoir, pendant son séjour à Ste-Hélène
, trahi son maître malheureux, en révélant au
gouverneur de l'île ou à ses agents les moyens que
pouvait avoir Napoléon d'échapper à leur surveillance.
Gourgaud crut pouvoir repousser cette imputation, en défiant
sir Walter Scott ou toute autre personne de produire une lettre
ou seulement, dit-il, une ligne de sa main, qui démentît
ses sentiments de fidélité envers « le grand
homme qui l'avait honoré de son estime et de sa familiarité,
et qui lui avait continué ses bontés au delà
du tombeau. » C'était mal se défendre ; car
on ne l'accusait pas d'avoir communiqué par écrit
avec le gouvernement anglais. L'accusation reposait sur les rapports
envoyés au ministère par ses propres agents à
Ste-Hélène. Les pièces officielles déposées
aux archives furent produites et imprimées dans les journaux
anglais. Gourgaud y répondit par une brochure dans laquelle
il conteste et l'autorité, et la valeur, et le sens des témoignages
invoqués contre lui. Les Anglais, à l'en croire, n'ont
imaginé cette accusation que pour se disculper, aux yeux
du monde, des rigueurs dont ils ont usé envers le prisonnier
de Ste-Hélène. Du reste, il ne nie pas quelques-uns
des propos qu'on lui prête. Mais, dit-il, tout cela se réduit
à des conversations sans portée, et qui ne pouvaient
avoir aucun effet. Les agents anglais se sont trompés ou
ont trompé sciemment leur gouvernement. Gourgaud ne voit
dans leurs rapports que « des phrases tronquées, des
bavardages, des absurdités, des mystifications. « Mystifications
et bavardages, soit ! Nous admettons, pour notre part, avec grand
plaisir, ces explications. Gourgaud a voulu rire: il a mal pris
son temps; il n'est ni prudent ni convenable de badiner en certains
lieux avec certains hommes et sur certains sujets. Il l'avait oublié,
c'est là son tort; mais, au moins, il n'a pas trahi son bienfaiteur.
Ce qui nous le persuade plus encore que ses propres dénégations,
c'est que le roi Louis-Philippe en était lui-même persuadé.
Sans cela, il ne l'aurait certainement pas nommé en 1830
général de division et pair de France, et ne l'aurait
pas attaché à sa personne en qualité d'aide
de camp. Louis-Philippe ignorait sans doute certaines choses ; mais
un pareil trait d'ingratitude, s'il eût été
vrai, il ne l'eût pas ignoré. A nos yeux, cela tranche
la question. Gourgaud accompagna en 1840 le prince de Joinville
à Ste-Hélène. Après la révolution
de 1848 il fut nommé représentant du peuple par le
département des Deux-Sèvres, mais non aux premières
élections. Il n'a fait partie que de l'assemblée législative,
et n'y a joué qu'un rôle obscur et énigmatique.
Il votait avec la majorité ; mais à quelle fraction
de la majorité appartenait-il par ses opinions et ses vœux
? Nous ne le savons pas. Il était colonel de la première
légion de la garde nationale de Paris. Il avait épousé
en 1822 une fille du comte Rœderer. Il est mort en 1832, à
69 ans. Telle est la vie de cet homme, à qui ses relations
personnelles avec l'empereur ont assuré une célébrité
fort au-dessus de son mérite réel, à quelque
point de vue qu'on l'envisage. Il ne manquait pas d'instruction
dans son arme, il avait certainement du courage et du sang-froid;
mais il n'a jamais eu l'occasion de déployer sur le champ
de bataille d'autres qualités que celles qu'on exige d'un
soldat. Sous ce rapport, et sous beaucoup d'autres, on peut le citer
comme un échantillon assez fidèle des officiers de
son âge. L'amour de la guerre, le besoin d'agir, l'envie de
parvenir ; un certain dévouement à leur général,
qu'ils prenaient pour du patriotisme; pas d'autre conviction politique,
et sur tout le reste, nullité presque complète. Gourgaud
a attaché son nom à quelques publications que nous
allons mentionner, bien qu'elles ne soient pas toutes, comme on
le verra, d'une égale importance. On lui doit : 1° une
Relation de la campagne de 1815, ouvrage apporté de Ste-Hélène,
1817 , in-8°; 2° Pétition à MM. les membres
de la chambre des députés pour demander les restes
de Napoléon Bonaparte, 1821, in-8° ; 3°Mémoires
pour servir à l'histoire de France, écrits à
Ste-Hélène par les généraux qui ont
partagé sa captivité, et publiés sur les manuscrits
entièrement corrigés de la main de Napoléon,
Paris, 1822-23, 8 vol. in-8°. Cette publication a été
faite par Gourgaud de compte à demi avec le général
Montholon. 4° Napoléon et la grande armée en Russie,
ou Examen critique de l'ouvrage de M. le comte Philippe de Ségur,
1824, in-8°. La quatrième édition de cet ouvrage
est de 1826, en 2 volumes in-18, et renferme des documents qui ne
sont pas dans la première. 5° Lettre de sir Walter Scott,
et réponse du général Gourgaud, avec notes
et pièces justificatives, Paris, 1827, in-8°. C—Et. (Callet) |
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