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Le
mot de Cambronne |
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Qui a
dit "La Garde meurt et ne se rend pas" ? Qui a
dit "Merde !" ?
La nouvelle
de la défaite de Waterloo parvint à Paris dans la matinée du 21
juin, et fut confirmée dans l'après-midi par le bulletin paru dans
le Moniteur. Le samedi 24, le
Journal Général de France publie un récit de la bataille
dans lequel on remarque le passage suivant concluant la relation
de l'attaque de la Garde, et la sommation faite par les généraux
anglais de se rendre :
"Le général Cambronne a répondu à ce message par ces mots :
"La garde impériale meurt et ne se rend pas". La
garde impériale et le général Cambronne n'existent plus." |
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A
un moment où l'opinion angoissée cherchait désespérément des motifs
de consolation et d'espoir, cette trouvaille journalistique eut
un grand retentissement, et allait être le point de départ d'une
légende indestructible.
Le
28 juin, devant l'approche des Alliés, la Chambre des députés travaille
à rédiger une proclamation. "Quand l'armée connaîtra la
volonté du peuple et de ses représentants, elle sera invincible".
Le député Garat, déclarant que l'exemple est le plus bel encouragement
que l'on puisse donner au soldat, demande "que l'on consacrât
ce mot d'un soldat qui dit : "Je meurs et je ne me rends pas".
Un autre député rappelle que le nom du brave cité dans le journal
est Cambronne. Le lendemain, nouvelle embarrassante : on apprend
par un article venant de Bruxelles que Cambronne, au lieu de mourir,
a été fait prisonnier ! Mais la légende avait pris corps.
Ce
qui s'est passé exactement en ces minutes d'une rare intensité,
dans l'épuisement, la rage et la fumée des combats, nul ne pourra
sans doute jamais l'établir avec certitude. Le fait est que le général
Cambronne, probablement blessé à la tête, a été fait prisonnier
et que, jusqu'à sa mort survenue à Nantes le 29 janvier 1842, a
toujours gardé le silence sur le sujet ; alors que d'autre part,
le colonel Hugh Halkett, un Ecossais qui commandait la brigade de
Landwehr hanovrienne a affirmé, jusqu'à la fin de sa vie que, se
trouvant avec le bataillon d'Osnabrück devant un carré de la garde,
et ayant aperçu un officier général ennemi qui se promenait au-dehors
du carré, il lança son cheval, saisit l'officier, qui était Cambronne,
par les aiguillettes, et le ramena prisonnier dans les rangs de
son bataillon, où il le confia à un sergent.
La
gêne causée par la distorsion entre l'histoire et la légende héroïque
allait donner naissance à une autre rumeur : Cambronne aurait répondu
aux généraux anglais d'un mot plus court et plus vigoureux. Mais
ce n'est qu'en 1862 que Victor Hugo, dans « les Misérables »,
osa écrire en toutes lettres qu’au général anglais qui cria « Braves
Français, rendez-vous ! » Cambronne répondit : « Merde
!»
« Dire
ce mot, et mourir ensuite. Quoi de plus grand ! car c’est mourir
que de le vouloir, et ce n’est pas la faute de cet homme, si, mitraillé,
il a survécu. (…) L’homme qui a gagné la bataille de Waterloo,
c’est Cambronne. Foudroyer d’un tel mot le tonnerre qui vous tue,
c’est vaincre. »
Voilà
résumé de façon géniale le succès du « mot » et le secret
du mythe de Waterloo ! Malheureusement, sur le plan de l’enseignement
militaire, l’avenir devait montrer que la recette était un peu maigre…
(voir
la définition du "mot" selon le Dictionnaire de l'Académie,
1798.)
La
publication des Misérables, événement littéraire de l'année
1862, ramena l'attention sur la bataille de Waterloo, provoquant
ainsi une floraison de pseudo témoignages, comme celui d'Antoine
Deleau, un ex-grenadier du 2e régiment, publié (et
probablement arrangé) par Charles Deullin, un journaliste de « l'Esprit
Public » ...
(suite
: le récit de Deleau.)
Voir
: Cambronne
On
trouvera dans "les Mensonges
de Waterloo" une étude approfondie sur "la
phrase (et le mot) de Cambronne" et les manipulations auxquelles
ils ont donné lieu..
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Revue
de Bretagne et de Vendée, août 1862, page 151, chronique
de Louis de Kerjean
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(...)
Admirons ces braves qui sont tous tombés morts ou mourants
au pied de leur drapeau ; laissons dans l'ombre, s'il a été
prononcé, un mot (celui des Misérables),
qui, chacun le sent, n'est pas de ceux auxquels s'arrête l'histoire
; mais ne nous attachons pas non plus, dans la crainte de paraître
altérer la vérité, à une phrase sonore,
brillante, qui fait bien dans un récit, mais qui n'est pas
vraie.
Elle n'est pas vraie, et sur ce point la démonstration est
facile. Cambronne, après s'être battu comme un lion,
après avoir refusé de se rendre, criblé de
coups et de blessures, renversé par un éclat d'obus
à la tête, sans voix et presque sans vie, était
tombé aux mains des Anglais. Rappelé à l'existence
et bientôt rendu à sa patrie, il a survécu près
de vingt-huit ans à la journée du 18 juin 1815 ; il
est mort à Nantes le 29 janvier 1842. Aussi simple dans la
vie privée qu'héroïque sur le champ de bataille,
il était facilement abordable et nous l'avons tous connu.
Homme de tête et de cœur, ce n'était rien moins qu'un
bel esprit et les phrases académiques dans le goût
de celle : "La garde meurt et ne se rend pas",
n'étaient point du tout son fait. Quoique poli et bien élevé,
il ne laissait pas que d'avoir l'expression vive et de parler quelquefois
avec la franchise d'un soldat qui sait mal farder la vérité.
Aussi, qu'il n'ait pas lâché le fameux mot, que
M. Victor Hugo lui attribue, je n'y voudrais pas mettre la main
et je n'en voudrais pas répondre. Ce qui est certain, ce
qui est incontestable, c'est que le général Cambronne
s'est toujours défendu d'avoir prononcé la phrase
: La garde meurt et ne se rend pas ! Il s'emportait même,
quelquefois avec violence, lui le plus doux et le meilleur des hommes,
contre ceux qui voulaient à toute force, et malgré
lui, lui faire déclarer qu'il avait dit ce qu'il n'avait
pas dit ! - La question est donc vidée ; elle est jugée
en dernier ressort par l'autorité la plus compétente
et la plus irrécusable, celle de Cambronne lui-même. |
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