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Mathieu
Brialmont, naquit à Seraing le 17 février 1789
; il fut une des plus authentiques gloires de notre pays et de notre
armée. Enrôlé dans l'armée française,
au 86e régiment de ligne, le 14 septembre 1808,
il passa, l'année suivante, au 84e de ligne qui soutint à
Gratz, en Styrie, un combat héroïque à la suite
de quoi Napoléon fit inscrire sur son drapeau : « Un
contre dix ». Après Wagram, le sergent Mathieu
Brialmont s'en fut en Espagne où il se distingua à
Cantalapieda, fut blessé à Astorgo à l'assaut
d'une redoute et à Coïmbre, au plus vif d'une charge
contre les Ecossais. Il était sergent-major au régiment
de Belle-Isle (136e de ligne) lorsqu'il partit pour la Russie. Le
21 août 1812, il fut nommé sous-lieutenant et fait,
le 7 septembre, chevalier de la Légion d'honneur pour sa
conduite à la Moskowa.
Doué de la plus
rare énergie physique et morale, il parvint à surmonter
les atroces fatigues de la retraite, encore qu'il eut été
blessé d'un coup de lance à la jambe. Lieutenant le
28 janvier 1813, il reçut, sur la Saale, l'ordre du général
Durutte de diriger le repli d'une partie du 7e corps qui avait perdu
presque tous ses officiers,et il se tira de cette mission avec tant
d'honneur qu'il en fut félicité sur le front des troupes.
A Lutzen, il est mis à
l'ordre du jour de l'armée; à Bautzen, il est grièvement
blessé par un éclat de bombe. Il guerroya ensuite
en Italie et reçut du prince Eugène un certificat
d'honneur pour sa tenue vaillante à la bataille du Mincio.
Promu capitaine, il fit, au retour de l'île d'Elbe, la campagne
de Belgique et fut à Waterloo.
Il prit ensuite du service dans l'armée des Pays-Bas.
Il garnisonnait à Venloo en 1820 quand il y épousa
la demoiselle Marie Verwins, fille aînée d'un négociant
de la ville, personne pieuse et attentive à ses devoirs.
Sa dot consistait en une vaste maison des champs, entourée
de bois, de cultures, de fleurs et d'eaux, située à
Maagdenberg, à quelques kilomètres de la ville. C'est
là que naquit Henri-Alexis Brialmont, le 25 mai 1821 et que
naquirent également son frère et ses deux soeurs.
Et le père Brialmont se fit ainsi soldat laboureur. Il aimait
la terre et ses travaux. Mais son imagination travaillait. Elle
lui inspira l'idée fâcheuse d'introduire dans ce Limbourg
vert et froid les cultures des terres chaudes et jaunes : il coupa
ses bois et y planta la vigne et le mûrier. Les années
de soleil, le raisin mûrissait, on le mettait au pressoir
et c'était alors si large régalade pour les amis de
la ville et les officiers de la garnison qu'il ne restait guère
de vin pour la vente. L'amour-propre du vigneron y trouvait son
compte, mais point sa bourse. Les mauvaises années, la vendange
ne fournissait que du vinaigre ! Quant au ver à soie, il
ne sut s'acclimater aux frimas de la Meuse; les mûriers durent
être brûlés sur pied et prosaïquement remplacés
par des champs de pommes de terre. Il vint plus tard des prêteurs
hypothécaires, qui firent si bien que le soldat laboureur
n'eut plus désormais que sa solde pour vivre.
En 1829, étant avec son régiment à Maestricht,
Mathieu Brialmont se prit de querelle de bec à bec avec des
officiers d'origine hollandaise et, comme il n'avait pas eu à
se louer de la façon dont les généraux et les
chefs de corps traitaient les officiers qui avaient servi Napoléon
et qui lui étaient restés fidèles pendant les
Cent Jours, il demanda et obtint sa mise en non activité.
Celle-ci lui fut d'autant moins cruelle que l'agitation patriotique
allumait déjà partout ses feux dans les provinces
belges et qu'un an plus tard, après avoir envoyé sa
démission à La Haye, il put s'enrôler dans la
jeune armée du Gouvernement provisoire. Il eut aussitôt
la bonne fortune d'accomplir une action d'éclat. Venloo,
ville historiquement belge, avait été cédée
aux Provinces-Unies du Nord, avec Nimègue et Arnhem, en 1648,
par le traité de Munster; mais son coeur était resté
fidèle. Par les relations qu'il possédait dans la
place, le major Mathieu Brialmont aida puissamment le général
Daine à mettre la main sur celle-ci. Le 9 novembre 1830,
les troupes belges étaient entrées à Ruremonde,
par le pont Rouge, reçues en musique par la population. Le
lendemain, Daine arrivait devant Venloo. Le général
hollandais Schepern, qui commandait la place, refusa de se rendre.
Les quatre canons de Daine avaient à peine ouvert le feu
contre la ville que les habitants s'ameutèrent; la «
Schuttereye » mit à ses shakos la cocarde belge; l'arsenal
fut pillé. Ce que voyant, le général Schepern
voulut, avec les soldats qu'il avait encore en mains, gagner le
territoire prussien où il savait qu'un accueil cordial lui
serait fait; mais, à cette nouvelle, un officier et quelques
militaires de la garnison se hâtèrent d'abaisser le
pont-levis de la porte de la Meuse, et les Belges entrèrent
dans la place, tambours battants. La garnison fut faite prisonnière.
Il s'y trouvait deux généraux, un colonel, 115 pièces
de canon, un attirail de guerre considérable et 800 tonneaux
de poudre que les Hollandais n'avaient pas eu le temps d'aller noyer
au fleuve. Ce fut une belle journée. La chute de Venloo faisait
les Belges maîtres de tout le Limbourg, sauf de Maestricht,
qui se trouva dès lors isolée. Dans ce coup de force
et d'adresse, le major Mathieu Brialmont avait pris large part.
Si le général Daine l'eût écouté,
il eût marché sans débotter sur Nimègue,
en eût brusqué la chute, car elle était fort
dépourvue au point de vue militaire, et sa prise eût
été vraisemblablement le signal de l'évacuation
de Maestricht et d'Anvers. Mais Daine hésita, temporisa et
l'occasion fut perdue. La conduite de Mathieu Brialmont reçut
récompense. Il fut nommé commandant supérieur
de Venloo et des rives de Meuse et promu lieutenant-colonel le 24
juillet de l'année suivante. Sa ferme attitude en imposa
si bien aux troupes hollandaises dont les avant-postes touchaient
les siens que pas un citoyen belge ne fut molesté même
dans le pays d'aval. C'est ainsi qu'il invita le commandant hollandais
de Boxmeer à défendre aux bateliers hollandais de
s'en prendre aux bateliers belges, faute de quoi il défendrait
ceux-ci les armes à la main. On le vit aussi manoeuvrer en
liaison avec le général Magnan, le futur maréchal
de France alors jeune officier qui, à la suite d'une disgrâce,
avait pris service dans l'armée belge, et coopérer
avec lui au blocus de la forteresse de Maestricht occupée
par un chef énergique, le général Dribbets
et par une forte garnison hollandaise. Le colonel Brialmont nous
conserva la ville de Venloo jusqu'au traité de 1839 qui l'arracha
au soi national avec la moitié du limbourg, encore que l'une
et l'autre eussent été belges depuis toujours.
La destinée de Mathieu Brialmont se poursuivit dans l'éclat,
sinon dans la richesse. Décoré de la Croix de fer,
il fut, en 1836, nommé commandant de la place d'Anvers. Le
Roi Léopold I le remarqua, et le ci-devant général
des armées russes du début du siècle s'attacha
comme aide de camp l'ancien officier d'infanterie française;
il le nomma aide-major général, puis, en 1849, lieutenant-général
et, l'année qui suivit, ministre de la guerre. Mais la politique
ne sut prendre un tel homme : comme ses collègues du cabinet
réclamaient instamment de lui, pour des fins électorales,
une réduction des dépenses militaires, Mathieu Brialmont
donna sa démission en avril 1851 et s'en alla reprendre son
commandement de troupes. Il demanda sa retraite en 1854, resta quelque
temps encore aide de camp du Roi et ne mourut, à Anvers,
qu'en 1885, dans sa quatre-vingt-dix-septième année,
fort vert encore, ma foi, et ne passant de vie à trépas
que parce qu'il avait mangé inconsidérément
un peu trop de fraises au champagne.
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Le général Brialmont en 1884,
entouré de sa fille, de sa petite-fille,
de son arrière-petite-fille,
et de la fille de celle-ci.
Cinq générations !
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