Accueil 

Annuaire

Faits et événements

Personnages

Napoléon

La France et le Monde

Waterloo

Belgique

Armées

Uniformes

Reconstitution

Publications

Liens

Nouvelles du Jour

Plan du site

Balises

   

Waterloo battle 1815

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1789-1815.com

   Annuaire 1789-1815   >   Personnages  >  

.

 

Goffin (Hubert)

     

 

Mahul, Annuaire nécrologique, Année 1823. Paris, octobre 1824.

   
 

GOFFIN ( Hubert ), mineur du pays de Liège, a rendu son nom célèbre par le courage avec lequel il sut lutter contre la mort et sauver la vie à soixante-dix de ses compagnons, dans la position la plus effroyable où un homme puisse se trouver précipité. Le 28 février 1812, l'exploitation dela mine de houille, située commune d'Ans, près de la route de Bruxelles, à 2 kilomètres de Liège, est inondée par l'effort des eaux qui pénètrent à l'un des côtés du serrement (digue) fait à la veine du Rosier du bure (grand puits carré) Triquenote, situé à 140 mètres de celui de Beaujonc.

 
 
 

L’eau, venant de la veine du Rosier, après avoir passé par celle du Pestay, tombait du bure Beaujonc dans le marais que l'on exploitait et où il y avait 127 ouvriers. La chute d'eau était de 78 mètres. Au moment où le panier (caisse carrée soutenue par des chaînes aux quatre angles) rempli de houille était enlevé, un ouvrier chargeur (Matthieu Labaye) s'aperçut que l'eau tombait dans le bure, dont la profondeur est de 170 mètres. Ses camarades crurent d'abord que les tuyaux de la pompe à vapeur étaient engorgés, et que l'eau, n'arrivant point au jour, retombait dans le bure. Cependant Labaye fit avertir le maître ouvrier, Hubert Goffin, qui était dans une taille, ou tranchée dans la veine, à 500 mètres de distance. Celui-ci arrive promptement et reconnaît que le danger est réel. Son premier soin est d'envoyer chercher son fils Matthieu Goffin, âgé de 12 ans. Personne n'était remonté ; l'eau était encore peu considérable ; Goffin pouvait échapper au danger ; son fils était auprès de lui ; il avait même une jambe dans le panier «Non, dit-il, en repoussant le panier, si je monte mes ouvriers périront ; je veux sortir d'ici le dernier, les sauver tous, ou périr avec eux !» Aussitôt il met à sa place un ouvrier aveugle. Le panier remonte, mais suspendu seulement à deux des quatre chaînes qui le soutiennent, il est sur le côté. Quelques ouvriers, ne pouvant se maintenir dans cette position, tombent dans l'eau ; Goffin et son fils, qui ne le quitte pas, les retirent. Le panier redescend, il arrive pour la seconde fois. Les ouvriers, épouvantés, se pressent, s'entassent ; mais la chute du coup d'eau en précipite une partie. Goffin et son fils sont encore là pour leur salut. Une troisième fois le panier redescend ; mais les chevaux du manège sont lancés, et les ouvriers n'ont qu'un instant pour saisir la machine qui doit les enlever. Goffin voit le danger ; il avertit ces infortunés, qui ne l'écoutent plus ; ils saisissent le panier, s'y cramponnent ; mais bientôt ils retombent pour la plupart, et périssent dans le bure, que l'eau inonde ; elle allait atteindre le haut des galeries. Goffin seul conserve sa présence d'esprit. Le dévouement de cet homme, père de sept enfants en bas âge, électrise le brave Labaye, qui le premier s'était aperçu de l'inondation, et agit avec une égale force sur Nicolas Bertrand et Melchior Clavir. Goffin ordonne a Bertrand de faire une ouverture au bure d’airage ( puits où l'on entretient du feu dans une cage de fer suspendue), pour que les ouvriers pussent gagner les montées , et il charge Labaye de saisir toutes les chandelles et de placer celles qui étaient allumées au haut de la galerie principale, pour que les mineurs vissent de loin, qu'ilsne pouvaient plus arriver au bure. Clavir aidait Goffin à rassembler les ouvriers et à les chasser du côté des montées. Ces dispositions sauvèrent la vie à un grand nombre, qui eurent le temps de rejoindre Goffin ; ceux qui s'obstinèrent à rester près du lieu ou descendait le panier, dans l'espoir de l'atteindre, furent bientôt submergés par la chute d'eau. Que l'on se figure cependant la position de ces infortunés, enfouis dans les entrailles de la terre, à 170 mètres de profondeur, rassemblés dans un étroit espace, privés d'alimens, et presque d'air vital, craignant à tout instant d'être engloutis par les eaux, qui augmentaient à vue d'œil. Informés de l'horrible danger que courent les mineurs, les ingénieurs des mines, le préfet du département ( M. le baron de Micoud), le maire d'Ans, se transportent sur les lieux ; les femmes et les enfans des victimes les accompagnent et font retentir l'air de leurs cris lamentables. Pendant que l'on met les machines en mouvement, un détachement de troupes arrive, et maintient la multitude qui ne peut que retarder le travail et troubler les ouvriers. L'ignorance où l'on est du bure où sont les mineurs, l'inondation qui ne permet point de s'orienter, la difficulté de se frayer un chemin jusqu'à ces infortunés, répandent la consternation dans tous les cœurs, et les travaux, sans direction, sont pendant plusieurs jours sans aucune utilité. Le courage des ingénieurs, des magistrats, des ouvriers , n'en est pas pour cela diminué. On redouble de zèle et d'activité. Enfin tout espoir n'est pas perdu : on entend un bruit intérieur, et tous les efforts sont dirigés du côté d'où il part... Mais revenons à Goffin, et suivons, jusqu'au moment de sa délivrance, la conduite héroïque de cet homme généreux, que seconde d'une manière admirable, le courage non moins extraordinaire de son fils, enfant de 12 ans.

Quelques ouvriers demeurèrent pour juger du progrès des eaux ; les autres se portèrent sur l’amont de pendage ( partie élevée et inclinée), ou ils arrivèrent dans l'état le plus déplorable. Les enfants en pleurs entouraient Goffin. « Cher maître, disaient-ils, par où sortirons-nous? Mon Dieu! se peut-il que nous devions mourir si jeunes ?» Goffin leur impose silence, les rassure en leur promettant qu'ils échapperont tous. Il distribue son monde dans les différentes montées ; les plus robustes sont choisis pour entreprendre des tranchées et se frayer une issue. Travail superflu! après de longs et inutiles efforts, ils s'abandonnent au désespoir. De nouveaux efforts n'ont pas plus de succès. Le découragement parvient à son comble ; les ouvriers refusent de continuer un travail qui prolonge inutilement leurs angoisses et leurs fatigues. «Eh bien, s'écrie Goffin , puisque vous refusez d'obéir, mourons ! » et il prend son fils dans ses bras. Ses amis, ses plus fidèles camarades, se pressent autour de lui, « afin, disent-ils, que ceux qui trouveront leurs cadavres, jugent qu'ils ne l'ont point abandonné. » Tous l'embrassent, tous se préparent à mourir. Tout à coup la voix d'un faible entant se fait entendre : c'est celle du jeune Goffin : «Vous faites, leur dit-il, comme les enfants, vous pleurez et vous avez peur; allons, obéissez à mon père, travaillez, et prouvons que nous avons eu du courage jusqu'à la mort.» Il fait un pas, et tous, comme par inspiration, le suivent ; les travaux sont repris. Mais bientôt les forces des travailleurs sont épuisées ; le découragement et le besoin de nourriture les accablent. Goffin les traite de lâches ; il leur déclare qu'il va hâter sa mort et leur ôter tout espoir, en se noyant avec son fils. A ces mots les ouvriers se précipitent au-devant de lui et promettent de se remettre à l'ouvrage. Mais l'air ne contient plus assez d'oxygène ; les deux chandelles qui éclairent les travailleurs s'éteignent d'ellesmêmes ; une troisième, leur dernière ressource, s'éteint par accident. Une profonde obscurité détruit le peu de courage qui avait jusqu'alors animé les ouvriers, et pour la troisième fois, ils cessent leurs travaux. Goffin, désespéré, saisit le premier qui se trouve sous sa main, et menace d'arracher la vie à celui qui renoncera de concourir au salut commun en quittant le travail ; il les ramène à l'ouvrage, malgré l’obscurité, et lui-même donne toujours l'exemple. Ses mains, désaccoutumées à se servir du pic, sont ensanglantées ; son fils, qui se partage entre le travail et la tendresse filiale, vient souvent lui tâter le pouls, et lui dit: «Courage, mon père, cela va bien. » Dans cette situation, cet enfant ne pense qu'à sa famille. «Mon père, il n'y a que vous et moi qui gagnions de l'argent : comment vivront ma mère, mes sœurs et mes petits frères, si nous périssons ici ? Il faudra donc qu'ils demandent l'aumône ? — Cher enfant ! —Je sais que vous avez caché del'argent ; maispourront- ils jamais le trouver? —Et le tien, mon fils ? — Moi, je n'ai qu'un petit écu; c'est ma sœur qui l'a .»
Deux ouvriers, à la suite d'une querelle , sont au moment de se battre. «Laissons-les faire, disent les autres, si l'un d'eux est tué, il nous servira de nourriture.» Ce propos, échappé au délire du besoin, mit fin à la querelle. Naguères, craignant d'être submergés, ils n'allaient au bord de l'eau que pour juger de son élévation; en ce moment, privés de lumière, ils y vont en tâtonnant, dans l'espoir d'y trouver le corps de quelqu'un de leurs camarades, pour se le partager. Après avoir dévoré les chandelles qui leur étaient restées, bu leur urine, préférablement à une eau infecte, les uns tombent d’inanition, les autres sont en proie au délire ; tous par la plus cruelle injustice, accusent Goffin de leur malheur et le maudissent. Surmontant son propre épuisement, cet infortuné mineur cherche à les calmer ; il les appelle par leur nom, espérant que ceux qui ne répondront pas auront pu remonter au jour. Enfin, après cinq jours et cinq nuits passés dans la plus cruelle anxiété, les infortunés houilleurs entendent à l'extérieur un bruit qui leur annonce leur prochaine délivrance. Ils répondent par un faible travail ; mais ils ont été entendus ; les efforts de l'extérieur redoublent. — Ils sont sauvés! — On les compte : sur 127 on reconnaît que 35 sont remontés dans le premier moment, que 22 se sont noyés, et que 70 sont rendus ù la vie. Goffin et son fils sortent les derniers. Il est difficile de se faire une idée des transports de joie, particulièrementdes femmes et desenfans des mineurs arrachés à la mort. Tous veulent pénétrer dans l'enceinte qui les dérobe à leurs embrassements ; ils grattent la terre; ils font des trous dans la cloison, et jettent du pain , de la viande et des fruits. Les magistrats ne se retirèrent qu'après que les mineurs eurent été rendus à leurs familles (1).

Cet événement occupa un instant l'attention de l'Europe entière, dans le moment de repos dont elle se trouvait jouir â cette époque. Pendant tout le temps que les mineurs restèrent enfouis, les journaux donnèrent le bulletin de l'état des travaux entrepris pour les délivrer, et le public en attendait chaque matin des nouvelles, avec une curiosité pleine d'anxiété. Le Gouvernement récompensa le courage et la fermeté d'âme d'Hubert Goffin: il lui accorda la décoration de la Légion d'Honneur, avec une pension. Son jeune fils reçut aussi une récompense, aussi bien que ceux des mineurs qui avaient le mieux secondé Goffin. La classe de la langue et de la littérature française de l'Institut invita les poètes à célébrer le dévouement du brave mineur de Beaujonc : le prix de ce concours fut remporté par feu Millevoye. Plusieurs théâtres s'emparèrent aussi de ce sujet, pour l'offrir à l'admiration et à la curiosité publique. En 1814, H. Goffin fut décoré par le roi des Pays-Bas de l'ordre du Lion Belgique. Par une fatalité singulière, ce brave homme était destiné à périr victime de l'un de ces accidens qui menacent les gens de son état. Une de ces détonations occasionées par le feu grison, que la lampe de Davy est destinée à prévenir, eut lieu dans la houillière dont il dirigeait les travaux. Il fut frappé à la tête d'un éclat de pierre, et mourut peu d'instans après, le 8 juillet 1821 ; il a laissé dix enfans. — La gravure s'est associée à la poésie pour conserver les traits d'Hubert Goffin et de son fils : on publia en 1812, plusieurs portraits de l'un et de l'autre. Voici la liste des poëmes qui leur furent consacrés:
Goffin, ou le Héros Liégeois, par M. Millevoye (pièce couronnée par l'Institut). Paris, F. Didot, in-4, 1812.
Le Dévouement d’Hubert Goffin ; par Henri Verdier de Lacoste (pièce qui a obtenu une mention honorable au concours extraordinaire ouvert par l'Institut). Paris, F. Didot, brochure in-4, 1812.
Eloge de Goffin, ou les Mines de Beaujonc, par M. Mollevault (pièce qui a obtenu l'accessit). Paris, F. Didot, in-4, 1812.
Le Dévouement d'Hubert Goffin et de son fils (pièce qui a concouru, etc.) ; par J. Richard de Rochelines, membre de l'Université. Paris, G. Michaud, brochure in-8, 1813.
Goffin, ou les Mineurs sauvés, ode qui a concouru, etc. Paris, Debray, brochure in-8.
Goffin ou les Mineurs sauvés, opuscule; par V. G. Rouen, Baudry, brochure in-8.
Goffin, ou les Mines de Beaujonc, poème envoyé à l'Institut National ; par M. Desmarets - Lamotte. Moulins, Desrosiers, brochure in-8.
Hubert Goffin, ou les Ouvriers Liégeois; par M. Charly-Laserve. Paris, Charles, brochure in-4.
Goffin et les Malheureux de Beaujonc (récit en vers); par J. L. Brad. Alexandrie, L. Capriolo, brochure in-8. —édit. revue, corrigée, augmentée et envoyée au concours, sous ce titre : Les deux Goffins et les malheureux, etc. Paris, Caillot, brochure, in-8.
Eloges de Goffin père et fils, qui ont concouru en 1812, etc.; par M. J. Soubira, du département du Lot. Paris, Johanneau, brochure in-8.
Eloge en vers d’H. Goffin ; par M. du Rouve de Savi. Paris, Cussac, brochure in-8.
Eloge d'Hubert et de Matthieu Goffin, poëme envoyé à la 2° classe de l'Institut, etc.; par A. J. B.Bouvet. Paris, Brunot-Labbe , brochure in-8.
Goffin ou les Mines de Beaujonc; par M. Valmalète. Paris, Michaud, brochure in-8.
Eloge de Goffin ou Récit lyrique de l'événement de Beaujonc ; par M. S.... Paris, Porlhmann, in-8.
Ils sont sauvés! ou les Mineurs de Beaujonc; Fait historique en deux actes et en vaudevilles, de MM. Rougemont, Brazier et Merle, représenté pour la première fois sur le théâtre des Variétés , le samedi 4 avril 1812, au bénéfice des veuves des ouvriers morts par suite de l'accident du 28 février dernier, précédé d'une Notice historique sur cet événement. Paris, Barba, in-8.
La Houillière de Beaujonc ou les Mineurs ensevelis, grand tableau historique, mêlé de couplets , retraçant dans tous ses détails l'événement arrivé auprès de Liège... précédé d'une Relation de ce fait historique; terminé par une scène lyrique et allégorique à grand spectacle, en l'honneur du brave Goffin; par MM. Augustin Hapdé et Ourry ; musique composée et arrangée par M. Foignet ; représenté sur le théâtre de la salle des Jeux gymniques, le 24 Mars 1812. Paris, Barba, 1812, in-8.
La Mine Beaujonc ou le Dévouement sublime; Fait historique, en deux actes, par M. Franconi jeune, mis en scène par le même, musique de M. Alexandre, divertissemens de M. Morand; représenté pour la première fois à Paris, au Cirque Olympique, le 28 mars 1812. Paris, Barba, in-8.

 

(1) Les détails qu'on vient de lire jusqu’ici, sont extraits de la Biographie nouvelle des Contemporains,Tom. VIII. Ils paraissent communiqués par une personne qui se trouvait sur les lieux,à l'époque de l'événement.

     
 
     

 

 

_

-

Page d'accueil

Plan du site

Nouvelles du Jour

Pour écrire

La Patience - 1789-1815.com  © Bernard Coppens 2015 - Tous droits réservés.