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Waterloo battle 1815

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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La vérité sur Waterloo ?

 

Texte mis en ligne en 2005.

     
 

Suite à quelques échanges sur des forums, il m'a paru important de faire une mise au point concernant la notion de vérité en histoire, particulièrement en ce qui concerne la bataille de l'histoire.

J'avais pu lire, en effet : "Bernard Coppens n'a aucunement le monopole de la vérité".

Je n'ai jamais prétendu détenir aucun monopole, surtout dans le domaine de la vérité !
Autre affirmation qui revient avec une régularité désespérante : "il n'existe pas de vérité en histoire", ou du moins "on ne pourra jamais connaître la vérité".

Il existe bien une vérité, le problème se situe au niveau de la perception de cette vérité.

 

Voir une
citation de
l'historien italien
Guglielmo Ferrero
sur la vérité en histoire.

 
 

Il y a une infinité de choses que nous ne saurons jamais, par contre, il existe des faits vérifiables et reconnus, sur lesquels la majorité des gens s’accordera. Mais évidemment, on peut tout mettre en doute (c’est parfois un exercice salutaire. La tour Eiffel se trouve-t-elle à Paris ? On ne saura jamais…).
Pour Waterloo, je ne prétends pas avoir trouvé LA vérité. Je n’y étais pas, et les témoignages sont en effet, assez contradictoires.
Par contre, je crois que je peux dire (et revendiquer) que j’ai découvert une vérité démontrable :
l’histoire de la bataille de Waterloo est fondée sur des données fausses, qui n’ont jamais été soumises à une critique rigoureuse.
Napoléon a écrit trois récits différents sur la bataille.
Ca, c’est un fait. Une vérité vérifiable. Ils existent tous les trois, on peut les consulter, les tenir en main, les lire.

 
 
 
     
 
Le bulletin dicté le 20 juin 1815
Campagne de 1815,
publié sous le nom
du général Gourgaud
Mémoires pour servir à
l'histoire de France en 1815
     
 

Une autre vérité vérifiable est qu’ils présentent de grosses différences entre eux. Ils ne racontent pas la bataille de la même façon.
A propos du moment où Napoléon a appris l’arrivée des Prussiens, à propos de la position du 6e corps, par exemple, on a des versions entièrement différentes et inconciliables.
Donc, soit Napoléon s’est trompé de bonne foi, parce qu’il était distrait, ou indifférent, soit il a sciemment modifié la présentation des choses, et il a donc "arrangé" l’histoire.
Si on accepte la première hypothèse (peu vraisemblable), on est en droit de se poser la question : lesquels des récits sont-ils faux ? à quel moment Napoléon n’était-il plus dans la plénitude de la possession de ses facultés mentales ? En juin 1815 ? Dans ce cas, bien des problèmes historiques trouveraient leur solution. Il aurait donc dit la vérité à Sainte-Hélène, et il n’y aurait donc plus de raison de mettre en doute son récit de 1820. Oui mais, dans ce cas, il aurait du avouer qu’il s’était trompé en 1815, et il ne le fait pas… Donc, on ne peut pas lui faire confiance sur son récit de 1820 non plus.

Personnellement, je ne prends pas Napoléon pour un naïf. C’est une des plus grandes intelligences politiques de l’histoire. Pour lui, tout est politique. La vérité en tant que telle ne l’intéresse pas. Ce qui compte, c’est l’impact que peut avoir un récit au moment où il le rédige, et au moment où il sera lu.
Il dit la vérité dans la limite où elle peut lui servir, (dans tout discours politique, il faut qu’il y ait une part de vérité à la base, évidemment).
Nous savons par le témoignage de son secrétaire Fleury de Chaboulon (voir un extrait de son témoignage) que pour le bulletin de l’armée, dicté à Laon le 20 juin, il a voulu « dire toute la vérité à la France ».
A ne pas prendre au pied de la lettre, bien sûr. Napoléon est battu, mais pas abattu. Il n’a pas abdiqué le pouvoir. Donc son récit a une portée politique : "nous avons essuyé un revers, ça peut arriver, mais ce n’est pas de ma faute ; la situation est grave mais pas désespérée, il faut se ressaisir, donnez-moi les pleins pouvoirs et on va réparer tout ça".
Donc il raconte la bataille comme elle s’est passée (il y a 60.000 témoins qui rentrent en France en même temps que lui), sans déguiser l’ampleur du désastre. Mais il est normal, à la fois sur le plan humain et sur le plan politique que, s’il est conscient d’une faute qu’il a pu commettre, il ne va pas la clamer, pour ne pas affaiblir le capital confiance dont il a encore besoin pour continuer la lutte.

Voilà le contexte dans lequel a été dicté le bulletin, qui est le premier récit complet sur la bataille de Waterloo publié en France. C’est donc un document capital. A lire et à relire sans cesse, en tentant de se mettre au niveau de celui qui l’a rédigé (enfin, je veux dire, à sa place, parce que son niveau, c’est un peu élevé…).


Après, il y a les récits de Sainte-Hélène.
Ici, le contexte est tout différent.
Napoléon reste toujours LE plus grand politique.
Ce n’est pas un vulgaire général à la retraite qui dicte ses mémoires pour passer ses soirées et se rappeler le bon vieux temps. Il est l’Empereur Napoléon, et toute l’histoire de ses démêlés avec Hudson Lowe le prouve. Il est le fondateur d’une dynastie. Et il fera tout pour que sa dynastie revienne au pouvoir.
Sur quoi est fondée la légitimité du pouvoir qui lui a été confié, et qu’il a perdu à la suite de revers militaires ? Sur sa supériorité, sur son génie.
Il lui faut donc, pour lui, pour son fils, pour sa dynastie, démontrer que ses revers militaires, que Waterloo surtout ne sont pas dus à un affaiblissement de sa supériorité et de son génie.
Or, si ses qualités physiques ont pu décliner à la suite des fatigues de la guerre, sa prodigieuse intelligence, elle, est restée intacte. Et il dispose maintenant de données dont il ne disposait pas au moment où il a rédigé le bulletin : il a pu prendre connaissance de tout le dispositif, du plan de campagne, et même des erreurs de ses adversaires. Avantage inappréciable pour un génie tel que lui. Et il ne fera pas faute de s’en servir.
De plus, cerise sur le gâteau, il est doué d’un véritable génie littéraire. Quand il écrit, par exemple :"la forêt de Soignes apparaissait comme un incendie ; l'horizon était resplendissant du feu des bivouacs, le plus profond silence régnait", ou "la terre paraissait orgueilleuse de porter tant de braves", c’est stupéfiant. On dirait du Hugo. Qui voudrait douter des paroles de quelqu'un qui écrit comme ça ? Le lecteurest emporté par le récit, il voit la scène, elle se grave dans l’esprit, il vibre, et… l’esprit critique est anesthésié.

La puissance, la magie du verbe de Napoléon sont tels que, après la publication des œuvres de Sainte-Hélène, ce sont les récits de Napoléon qui seront la base, la trame et même l’étalon vérité de tous les récits et toutes les études sur Waterloo.
Si un témoignage est en contradiction avec les Mémoires, c’est le témoignage qui est écarté comme non fiable, puisqu’il ne s’accorde pas avec ce qui est devenu l’histoire officielle, sacro-sainte (et le mot n’est pas trop fort, puisque Vaulabelle, par exemple, écrit qu’il emprunte religieusement les passages de Napoléon.
Même le critique le plus sévère de Napoléon, Charras, reprend mot à mot la description du dispositif et de la mise en place de Napoléon.).
L’Anglais Siborne, par exemple, la bible des Anglo-Saxons, reprend littéralement des Mémoires de Napoléon tout l’épisode de la découverte des Prussiens sur les hauteurs de St Lambert, de la capture du hussard prussien, du détachement de Domon et Subervie, du déplacement du 6e corps, et il le raconte en style direct, comme si il y avait assisté lui-même. Il n’y a qu’une petite note, p. 245, qui signale que, d’après les témoignages prussiens, la cavalerie de Domon et de Subervie n’a pas bougé au moment où Napoléon le prétend ; et quant au déplacement de Lobau, il observe dans la même note que, d’après les observations des Prussiens et des Anglais « this is decidedly incorrect. »
Mais ces éléments ne suffisent pas pour que Siborne mette en doute le récit de Napoléon, qui continue à faire la trame de son récit. D’ailleurs, pourquoi pas ? Il est unanimement admis que la bataille de Waterloo est une énigme, et l’on continue donc, d’un commun accord, à travailler sur les mêmes bases. Si elle n’était plus énigmatique, ce ne serait plus Waterloo.
Pour le même épisode de l’approche des Prussiens, si on consulte par exemple le livre de J. Logie, « La Dernière Bataille » (1998), on trouve à la page 137 la version de Napoléon, intégrale, avec trois références seulement, mais toutes trois puisées à la même source : Mémoires historiques de Napoléon 1815, page 143, page 148, page146 !
Alors que cette version, qui ne s’accorde ni avec le terrain, ni avec la montre, est en contradiction formelle avec les témoignages anglais et prussiens, mais aussi avec de nombreux témoignages français, comme ceux de Durutte, de Combes-Brassard, de Janin, de Dupuy… il ne reste que la version de Napoléon. Tout le reste est balayé. Et le mystère demeure.
La bataille de Waterloo est une énigme,
écrivait Hugo…

Pour me résumer, la conclusion à laquelle je suis arrivé est celle-ci : toute l’histoire de la bataille de Waterloo est basée sur des données fausses, élaborées avec habileté et finesse par un des plus grands génies de l’histoire.
Par contre, nous disposons de trois récits successifs et différents de Napoléon :

     
 
     
 

Si on les analyse, si on les compare entre eux, ce qui n’a jamais été fait auparavant, on a une chance de percer le mystère de Waterloo. Et le bulletin du 20 juin 1815, négligé par les historiens, est probablement celui qui contient la plus grande part de vérité.
Mais il ne correspond pas à la topographie du champ de bataille...

Et si l’explication était que Napoléon s’était trompé sur le champ de bataille ? Vérification faite : la carte présente une erreur de gravure au niveau de Mont-Saint-Jean. Ca, c’est une vérité démontrable, c’est un fait (voir l'Erreur de lecture de carte).
D’autre part, le terrain est particulièrement trompeur : le comte de Ferraris, qui a levé la carte l’avait noté dans ses commentaires :

" ... les éminences, les ravines, les eaux, les chemins creux et les habitations entourées de haies et de vergers qui en constituent le local, sont favorables aux opérations de l'infanterie, qui pourrait y être soutenue par de la cavalerie en flanc et dans les intervalles des bataillons, sur des campagnes rases ; cependant avec cette précaution de ne l’y faire avancer vivement, qu'après avoir reconnu de près les obstacles contre lesquels on risquerait de heurter et qui dans l'éloignement se dérobent à la vue et même font illusion." (Mémoire concernant la feuille F8 de la carte de cabinet des Pays-Bas Autrichiens "dont le lieu principal est Braine la Leud au duché de Brabant" - 1778.)

Si le caractère trompeur d’un terrain est subjectif et relatif, la note de Ferraris, elle, est bien réelle.
Peut-on alors tenir pour une vérité absolue que Napoléon s’est trompé en lisant la carte ? Absolue, non. Mais à partir de là, un grand nombre de mystères trouvent leur explication, un grand nombre de témoignages qui étaient incompréhensibles retrouvent un sens.
A la base de tout travail historique sérieux, il y la critique des sources. Cela n’avait jamais été fait de façon approfondie pour Waterloo, peut-être parce qu’il s’agit d’histoire militaire. Et l’histoire militaire est (trop) longtemps restée entre les mains des militaires, pour qui le respect de l’autorité et de la tradition sont des valeurs primordiales (peut-être de façon légitime : vous imaginez une armée dans laquelle on cultiverait l’esprit critique ? :-o)

Je le répète : je ne prétends pas détenir LA vérité, ni détenir le monopole de la vérité. J’ai constaté une erreur de méthode historique et j’ai attaqué le problème sous un autre angle.
C'est une aventure passionnante

     

 

 

     

 

 

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