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Waterloo battle 1815

 

 

 

1789-1815.com

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Charras,

     
 

     
  Charras  (Jean-Baptiste) Phalsbourg 1810 -Bâle 1865.

Fils d'un volontaire de 1793 qui parvint au rang de général de brigade, J.-B. Charras fut élève à l'Ecole Polytechnique en 1828. Ardent républicain, il joue un rôle actif lors de la révolution de 1830 menant notamment l'attaque contre la caserne de la rue de Babylone.
 Sous la Monarchie de Juillet, il prend part aux campagnes d'Afrique sous les ordres de Bugeaud et de Lamoricière. Adjoint de Cavaignac au ministère de la guerre en 1848, il est élu député du Puy-de-Dôme. Arrêté lors du coup d'Etat du 2 décembre 1851, il est exilé par le décret du 9 janvier 1852, et il séjourne successivement en Belgique, en Hollande puis en Suisse, où il décède en 1865.

En 1857 parut à Bruxelles son "Histoire de la Campagne de 1815 - Waterloo".

Dans l'avant-propos de cet ouvrage, il écrit :

"Un séjour de trois années en Belgique m'a donné occasion de suivre, sur le terrain même de la lutte, la courte et terrible guerre qui fournit à nos annales une si triste page.
Cette étude nouvelle, je l'avais abordée, les écrits de Napoléon à la main, et convaincu, depuis longtemps, de leur exactitude. Mais je m'aperçus bientôt de l'impossibilité de les faire concorder avec les événements. Je reconnus les artifices de cette narration rapide, magique, qui se joue du temps, des distances, transpose, altère, dissimule les faits, en invente au besoin et n'a d'autre but que l'apologie captieuse de celui-là même qui l'a composée."

 
 
 

"Effet étrange de la puissance d'un nom, des circonstances, de l'habileté de l'écrivain ! cette apologie a usurpé, dans notre pays, la place de l'histoire ; et, depuis trente ans et plus, elle a servi de base à presque tous les récits de la campagne de 1815, signé de noms français.
J'avais cru, je le répète, aux écrits de Napoléon. Mais, du moment où il me fut démontré que la vérité ne pouvait s'y trouver, je la cherchai résolument.  Pour la découvrir, j'ai dû remonter aux sources de l'histoire."

Pour Charras, contrairement à l'image forgée par Napoléon et ses panégyristes, le désastre de Waterloo n'est dû ni à la trahison, ni au destin, et il exprime clairement son opinion à la fin de l'avant-propos :

"Après la lecture de ce livre, un homme paraîtra peut-être bien diminué ; mais , en revanche, l'armée française paraîtra plus grande, la France moins abaissée. Ce résultat va mieux à ma raison, à mon cœur, à mon patriotisme que les fictions adoptées depuis si longtemps."

Le livre de Charras fut interdit en France par le régime impérial. Il n'en fut pas moins recherché et apprécié. Pour beaucoup, il apportait des réponses aux questions que posait la bataille de Waterloo.

Victor Hugo en parle de la façon suivante dans "les Misérables" :

"Charras, quoique sur quelques points nous ayons une autre appréciation que lui, a seul saisi de son fier coup d'oeil les linéaments caractéristiques de cette catastrophe du génie humain aux prises avec le hasard divin. Tous les autres historiens ont un certain éblouissement, et dans cet éblouissement ils tâtonnent."

Karl Marx, dans la préface à la deuxième édition de son ouvrage "Le 18 brumaire de Louis Bonaparte" (1869), écrit :

"Le colonel Charras a, le premier, engagé l'offensive contre le culte de Napoléon dans son ouvrage sur la campagne de 1815. Depuis, et notamment au cours de ces dernières années, la littérature française, au moyen des armes de la recherche historique, de la critique, de la satire et de l'ironie, a donné le coup de grâce à la légende de Napoléon. Hors de France, cette rupture violente avec les croyances populaires traditionnelles, cette immense révolution intellectuelle, a été peu remarquée et encore moins comprise."

Par contre, c'est bien Charras et Edgar Quinet que vise Pontécoulant, lorsqu'il écrit en 1865 :

"Que le duc d'Elchingen, fils du maréchal Ney, jeune officier d'un grand avenir, trop tôt enlevé à son pays, ait tenté autrefois cette difficile entreprise, on peut excuser en lui les aveuglements de la piété filiale ; mais qu'on retrouve les mêmes assertions reproduites et confirmées dans des publications toutes récentes, par des écrivains qui ont été chercher leurs renseignements dans les bulletins de l'étranger, et qui semblent avoir pris à tâche, dans je ne sais quel intérêt de coterie, de rabaisser la gloire de Napoléon, sans s'apercevoir que le premier résultat d'une entreprise si peu patriotique, si elle pouvait avoir quelque succès, serait d'ôter à la nation française la seule consolation qu'elle avait trouvée dans ses malheurs, en se persuadant que, dans le grand cataclysme de 1815, l'honneur de l'armée, du moins, était resté intact, et que la gloire de son chef n'avait reçu aucune atteinte, c'est ce qu'on ne saurait ni pardonner ni comprendre."

((Souvenirs militaires. Napoléon à Waterloo, ou précis rectifié de la campagne de 1815, avec des documents nouveaux et des pièces inédites, par un ancien officier de la Garde impériale, qui est resté près de Napoléon pendant toute la campagne. Paris, Librairie militaire J. Dumaine, libraire-éditeur de l'Empereur, 1866. )

Si le livre de Charras jouit d'une grande faveur après la guerre de 1870, il tomba dans un oubli presque complet lors de la fièvre de Napoléonite que connut la France avant la guerre de 1914, mouvement qui trouva un de ses plus belles expressions dans le "Waterloo" de Henry Houssaye. Cet ouvrage flattait davantage l'esprit cocardier propice à la préparation de la guerre. Il est désolant de constater que c'est ce dernier ouvrage qui reste, encore aujourd'hui, pour beaucoup de gens, la référence unique pour l'étude de la bataille.

     

 

Quérard ( Joseph Marie), La France littéraire, tome onze, 1857 :

   
 

Charras, lieutenant-colonel, représentant à la Constituante de 1848, et à l’Assemblée législative de 1849 à 1851, pour le département du Puy-de-Dôme, réfugié en Belgique après le 2 décembre 1851. Né en 1808 à Clermont-Ferrand, du général Charras, l’un des vétérans de la Grande Armée, mort en décembre 1839. Z.K. (le capitaine). Sous ces initiales, M. Charras a écrit un grand nombre d’articles sur l’histoire et l’art militaire dans le « Bon Sens », le « National », la Revue du Progrès, etc.

     

 

Revue trimestrielle, janvier 1864, pages 300-301.

   
 

Histoire de la campagne de 1815, Waterloo, par le lieutenant-colonel Charras, 4e édition, revue et augmentée de notes en réponse aux assertions de M. Thiers, dans son récit de cette campagne. In-8° de 690 et XVI pages, avec un atlas nouveau. Bruxelles, Lacroix, Verboeckhoven et Cie.
Il a dû être bien embarrassé, M. Thiers, l'homme sans principes, digne personnification du gouvernement de Juillet, lorsque après avoir organisé le libéralisme napoléonien comme opposition à la dynastie bourbonienne, et commencé à écrire, pour les besoins de sa cause, l'Histoire du Consulat et de l'Empire, il se vit tout a coup, après 48, en face de principes réels, rigoureux, inflexibles, en face de la question nettement posée entre la liberté et le despotisme. S'il avait eu au moins le temps de terminer son livre, ce livre fût resté un document, un témoin des idées qui avaient eu cours à un certain moment en France, qui avaient eu même, sous quelque rapport, leur raison d'être. Mais le plus important était précisément encore à faire, et déjà la campagne de 1815 se trouvait jugée à un point de vue plus impartial et plus élevé, par des hommes de cœur et de science.
M. Thiers persista dans la voie où il s'était engagé. C'était naturel. Les derniers volumes de l'Histoire du Consulat et de l'Empire furent écrits dans les circonstances les plus défavorables. Ce dut être un accouchement bien laborieux! Le monde officiel cependant était tout acquis à une œuvre qui contenait son apologie anticipée, et M. Thiers reçut les plus hautes récompenses académiques. On voulait faire illusion à l'univers : on ne fit pas même illusion à l'auteur, qui, poussé, ce semble, par un reste de pudeur, ne tarda pas à faire une sorte d'amende honorable en se laissant élire comme député de l'opposition. Ce sera, a coup sûr, l'un des épisodes les plus curieux de l'histoire du second empire.
Mais le livre de M. Thiers n'en subsiste pas moins, et cela à côté du livre de M Charras, qui le réfutait d'avance. Une nouvelle édition du savant et consciencieux travail de M. Charras devenait indispensable, ne fût-ce que pour mettre les gens sensés en garde contre les habiles sophismes auxquels la légende napoléonienne avait de nouveau eu recours. Les Mémoires de Sainte-Hélène sont encore, pour certaines gens, un livre sacré dont l'infaillibilité ne saurait être révoquée en doute ; ce n'est qu'avec les lumières de la science que l'on peut lutter contre ce fanatisme et cette superstition à jamais déplorables ; ce n'est que par un appel réitéré à la conscience que l'on fera prévaloir la justice et la vérité.
« Quelques personnes, dit M. Charras, m'ont reproché d'avoir discuté, blâmé Napoléon. Sa gloire, assurent-elles, appartenant à la France, on ne doit la diminuer par aucune critique.
Ce sophisme, je le connais de longue date. Inventé dans un intérêt de parti, accepté comme un article de foi par la prévention et l'ignorance, il ne m'a pas arrêté naguère; il ne m'émeut pas aujourd'hui. Il est la négation de l'histoire. Généralisé, appliqué aux souverains qui ont régné sur la France, aux capitaines qui en ont commandé les armées, il ferait de nos annales un recueil de mensongères et inutiles légendes. Les droits et les devoirs de l'historien sont fixés depuis des siècles par la conscience universelle. Le fétichisme napoléonien ne les effacera pas.
»
M. Charras a revu son livre, mais il n'avait à y faire aucun changement, aucune rectification notable. Lorsqu'il corrige, dans le récit des faits, quelque erreur de détail, il a soin d'en prévenir franchement le lecteur. Parfois il y introduit un document ignoré ou il développe une citation pour renforcer des passages qui avaient paru faibles ou qu'on avait feint de trouver insuffisants. Enfin il a placé à la suite de son travail tout un arsenal de raisons et de preuves contre les assertions de M. Thiers : cette dernière partie contient 200 pages ; l'ouvrage entier en a 700.
Ce qu'il y a de remarquable dans cette 4e édition, c'est que l'histoire non seulement reste entière en son ensemble, mais se montre plus conforme encore aux premières vues de l'auteur. La légende, loin de gagner, a considérablement perdu dans le conflit engagé avec l'apologiste du premier empire. Ainsi le meurtre du général Duhesme a Genappe, reproché si amèrement aux Prussiens par Napoléon, se trouve controuvé de la façon la moins contestable (V. p. 317). Ainsi encore la faiblesse physique et l'état maladif de l'empereur, que nient les écrivains partisans d'une fatalité mystérieuse, sont expliqués fort complètement (p. 512 à 514). On pourrait dire qu'il ne reste vraiment plus rien des versions trop longtemps accréditées sur le grand événement du 18 juin 1815.
M. Charras a droit à la plus profonde reconnaissance de tous les amis de l'humanité.
                                                                                             E. V. B.*

     
  *Eugène Van Bemmel.      
  Voir aussi : Waterloo en 1871 : comparaison entre Thiers et Charras      

 

 

 

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