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 Waterloo   >   Questions  >  

Dernière modification le 24 février 2005.

Qui a ordonné la formation des colonnes du 1er corps ?

Plusieurs historiens ont vu dans la disposition des colonnes de d'Erlon une des causes déterminantes du désastre de Waterloo.
Il faut remarquer que cette critique des dispositions n'apparaît pas dès le début de l'histoire de la bataille. Les témoins de l'événement ne semblent pas avoir estimé que là se trouvait l'origine de la défaite.
Il n'est aucunement question de disposition vicieuse, inhabituelle ou maladroite des colonnes dans les premiers récits, que ce soit dans le bulletin dicté par Napoléon, ou dans les récits faits par Ney, Drouot, Jérôme, ou d'autres participants dans les jours qui ont suivi la bataille.
Le général Berthezène, qui appartenait au corps de Grouchy, mais qui a écrit sur la bataille en 1816, après une enquête qui le mena sur le terrain en compagnie du général Lamarque, n'évoque pas la formation des colonnes de d'Erlon.
Napoléon qui, dans ses récits de Sainte-Hélène, a rejeté la faute de la défaite sur ses lieutenants, Ney, Grouchy, d'Erlon, n'a pas même évoqué la façon dont les colonnes du ler corps étaient disposées.
Les auteurs qui ont écrit en réponse aux récits de Napoléon n'en font pas davantage mention.

L'inconcevable formation...

En 1839, dans son "Précis politique et militaire de la campagne de 1815", le général Jomini évoque la disposition des colonnes de 1er corps :
"Il paraît que chaque division formait une seule masse de huit à dix bataillons, marchant l'un derrière l'autre. On ignore si tous ces bataillons étaient formés en colonnes d'attaque ou déployés sur 8 à 10 lignes, mais ils formaient une masse très profonde. ( ... ) Bien que la formation en colonnes eût laissé entre les divisions des intervalles assez considérables, ils n'étaient pas suffisants toutefois pour les déployer. Les relations publiées jusqu'à ce jour diffèrent d'ailleurs beaucoup entre elles sur la manière dont cette première attaque s'exécuta. "

Tous les récits sont tellement contradictoires, qu'il finit par déclarer :
"Il est impossible de se reconnaître dans un pareil chaos."

Mais deux ans plus tard, dans une "Lettre au duc d'Elchingen", publiée dans le Spectateur militaire, (1841, p 243.) Jomini voit dans "l'inconcevable formation du premier corps en masses beaucoup trop profondes" une des causes principales qui amenèrent le désastre.

"A mon avis, poursuit-il, quatre causes principales amenèrent ce désastre:
( ... ) La formation de masses aussi lourdes et aussi exposées aux ravages du feu fut une erreur incontestable... A qui doit-on l'imputer ? C'est ce qui demeurera encore longtemps en problème.
Y eut-il méprise causée par la double signification du terme de colonne par divisions, qui s'applique indifféremment à des divisions de quatre régiments ou à des divisions de deux pelotons ? Fatale confusion de mots dont personne n'a encore songé à purger la technologie militaire.
Fut-ce bien, au contraire, l'intention des chefs de l'armée française de former ainsi les troupes de manière à ce que les divisions de quatre régiments ne formassent qu'une seule colonne ? Voilà ce qu'il serait intéressant de savoir, et qu'on ne saura sans doute jamais.
"

Le thème était lancé, et désormais, plus aucun historien, surtout s'il était apologiste de Napoléon, n'allait raconter la bataille sans voir dans la formation des divisions de d'Erlon la cause de l'échec de l'attaque, et sans faire porter à Ney et à d'Erlon la responsabilité de cette disposition malheureuse. Il semble qu'aucun de ces écrivains n'ait songé un instant que si Napoléon n'avait pas lui-même critiqué la massive ordonnance du 1er corps, ce ne pouvait être que parce qu'elle n'avait pas eu à ses yeux une importance déterminante dans le résultat, ou parce qu'il l'avait ordonnée lui-même !

L'avis de Bugeaud
Si Jomini semble avoir été le premier à désigner, dans un livre, la formation des colonnes de d'Erlon comme une des causes de la défaite, d'autres militaires avaient déjà critiqué cette disposition, comme on en trouve témoignage dans le passage suivant d'une lettre du colonel Bugeaud au lieutenant-colonel d'Esclaibes, le 11 décembre 1824 :

"Qui pourrait ne pas déplorer l'indifférence sur les détails d'exécution, quand on pense qu'à Waterloo, après trente ans de guerre, la division Marcognet s'est portée sur l'ennemi, en une colonne (à distance entière), dont la fraction était un bataillon déployé ? Que faire d'une pareille colonne ? Rien. La fraction en est trop étendue pour qu'on puisse la manoeuvrer dans aucun sens, et il est impossible d'en tirer sans de longs tâtonnements, une bonne disposition contre la cavalerie. L'événement le prouva bien. Une brigade de cavalerie anglaise, qui était masquée, chargea brusquement cette malheureuse division, qui ne put lui faire aucun feu. Dans l'impossibilité de tirer et d'agir les soldats mirent leurs fusils sur la tête pour parer les coups de sabre. La division fut défaite et perdit son canon. La même manoeuvre fut ordonnée à la division Lamarque pendant la bataille de Wagram, et si elle n'eut pas des résultats aussi déplorables, c'est qu'elle ne fut pas chargée. Je ne puis m'empêcher de remarquer, à l'appui de mes raisonnements de l'autre jour, qu'il eût été bien heureux pour la division Marcognet qu'elle eût été par pelotons et qu'elle eût commencé un en-avant en bataille au moment où elle fut chargée par la cavalerie. Les hommes accoutumés à ne voir que le grand de la guerre ont cherché les causes de la perte de la bataille uniquement dans les grandes dispositions. En y regardant de près, on les trouverait peut-être dans les détails d'exécution."

Notons que Bugeaud est un militaire compétent. Considéré comme le meilleur colonel de l'armée, il commandait en 1814 et en 1815 le 14e de ligne, et s'il n'était pas présent à la bataille de Waterloo, la suite de sa carrière (il est devenu maréchal de France) montre qu'il savait de quoi il parlait, et que son avis est à prendre en considération, surtout quand, comme c'est le cas dans la lettre suivante (du 12 octobre 1833), il écrit au maréchal Soult qui était, lui, présent à Waterloo :

"Tous les épisodes de la bataille de Waterloo que j'ai pu recueillir m'ont convaincu que cette journée eût été terminée à notre avantage à 2 heures après-midi s'il y avait eu à la tête des corps d'armée, des divisions, des brigades, des hommes plus capables, en général, et surtout plus dévoués. Presque partout les attaques furent maladroitement et timidement engagées, sans cet ensemble, cette unité d'efforts, cette harmonie qui commandent la victoire. Quoi de plus pitoyable que les efforts partiels qui eurent lieu autour de la ferme de la Belle-Alliance ? ( ... ) Et ces trois divisions dE... [sic] qui se laissent bouleverser par une brigade de cavalerie anglaise, parce qu'elles sont formées en 3 colonnes serrées dont le bataillon déployé est la fraction. Elles formaient cette figure. (...)
Ces trois divisions étaient dans un état complet de paralysie il n'y a rien à faire avec une pareille disposition et le statu quo est un état de grande faiblesse contre la cavalerie. Il est bien surprenant que Napoléon ait plusieurs fois commandé lui-même cette ordonnance de combat, qui ne vaut même rien comme manoeuvre préparatoire, car on ne peut qu'avec de grandes difficultés se former sur l'un des côtés du carré."

On notera que Bugeaud écrit au maréchal Soult (major général à Waterloo) que c'est Napoléon lui-même qui a ordonné cette formation. Si l'on se souvient que Napoléon ne l'a pas critiquée dans ses écrits, il y a tout lieu de croire que c'est Napoléon en personne qui l'a ordonnée, quoiqu'en aient dit tous les historiens napoléonistes.

Mauduit écrit :
"Sur qui doit porter la responsabilité d'une pareille faute, première cause de la perte de la bataille ? Revient-elle au maréchal Ney, ou bien au comte d’Erlon , placé sous ses ordres ?... Nous l'ignorons. Mais il est triste de penser que deux militaires de cette expérience, et d'une aussi haute distinction, aient pu oublier, à ce point, les plus simples notions des évolutions de ligne, et ne pas s'apercevoir, comme le dernier des adjudants-majors, de tout ce qu'il y avait de vicieux, de dangereux même, dans une colonne d'attaque ainsi formée." (Les Derniers Jours de la Grande Armée, tome 2, p. 313.)

Mauduit ne veut pas envisager que ce pouvait être Napoléon qui ne connaissait pas le règlement en usage dans son armée... C'est pourtant ce qu'affirme le général Bardin dans son Dictionnaire :
"Bonaparte, qui s'écartait souvent des ordonnances, a fait rompre, maintes fois, par divisions et au pas accéléré; car ce grand capitaine se rappelait les ordonnances antérieures à la guerre de la révolution, et n'avait, pour ainsi dire, pas eu le temps de s'appesantir sur les détails du règlement de 1791".

Plus fort encore, Mauduit oublie, page 313 de son ouvrage, qu'il a cité à la page 3 10 une note dictée par le général Durutte dans laquelle celui-ci raconte qu'ayant voulu se mettre en potence afin de faire face à des troupes qui menaçaient la droite, on lui répondit "qu'on ne pouvait rien changer aux dispositions de l'Empereur". Et Durutte poursuit : "il exécuta l'ordre reçu, dès qu'il vit les divisions de la gauche en mouvement."

C'est donc plus que probablement Napoléon qui a prescrit les dispositions de l'attaque, parmi lesquelles, sans doute, la formation massive de l'infanterie ; Ney, Drouet d'Erlon et les généraux divisionnaires n'ont fait qu'obéir. On ne discute pas les ordres de l'Empereur, puisqu'il sait tout mieux que quiconque. Ce 18 juin 1815, cet état d'esprit voulu par Napoléon aura des conséquences dramatiques pour son armée...
Il est curieux aussi de constater qu'un acteur du drame, tel le lieutenant Martin, dans une lettre écrite en juillet 1815, ne critique en rien la formation des colonnes de d'ErIon. Mais lorsqu'il rédige ses Mémoires, après avoir lu l'ouvrage de Thiers, et y avoir appris que cette formation vicieuse était due à l'impéritie de Ney ou de d'Erlon, il ne manque pas d'écrire :
"La troisième (division) celle de Marcognet, dont faisait partie notre régiment, devait marcher comme les autres par bataillons déployés, se suivant à quatre pas de distance seulement : disposition étrange et qui allait nous coûter cher, car nous ne pourrions nous former en carrés pour nous défendre de la cavalerie, et l'artillerie ennemie aurait à nous labourer sur vingt rangs d'épaisseur. A qui le premier corps dut-il cette malencontreuse formation, qui fut une des causes de son insuccès, et peut-être la principale ? Personne ne le sait."

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