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Aux batailles
de Brienne, le 29 janvier 1814, et de la Rothière, le 1er
février, il montra autant de talent que d'intrépidité,
elle lendemain de ces affaires il soutint la retraite de l'armée
sans se laisser entamer. Peu de jours après, il contribua
à la reprise de Troyes, et fut blessé sous les murs
de cette ville. Le 14 février, a l'affaire de Vauchamps,
il parvint, par une manœuvre hardie, à couper une partie
du corps du général prussien Kleist, et fit prisonnier
plusieurs de ses régiments. Dans le défilé
d'Eloges, prenant les colonnes ennemies en front et en flanc, il
en fit un horrible carnage : il les eût forcées à
mettre bas les armes, si l'infanterie française eût
pu arriver assez tôt pour appuyer ses charges victorieuses.
Sa conduite brillante, durant cette héroïque campagne,
où la patrie faisait ses derniers efforts , lui valurent
le grade de maréchal d'empire, dont le brevet ne lui fut
cependant expédié qu'en 1815 , pendant les cent jours.
Le 7 mars 1814, Grouchy, grièvement blessé a la bataille
de Craone, se vit contraint de quitter l'armée. A la restauration,
le titre de colonel général des chasseurs, et une
partie des honneurs et prérogatives qui y étaient
attachés, furent conférés au duc de Berri ;
Grouchy, dépouillé au mépris de la déclaration
par laquelle les Bourbons s'étaient engagés à
maintenir les membres de l'armée dans leurs titres, honneurs
et prérogatives, adressa ses réclamations au Roi.
Sa lettre ayant déplu, il fut d'abord exilé, puis
rappelé quatre jours après, et nommé commandeur
de l'ordre de Saint-Louis, en janvier 1815. Toutefois il ne put
obtenir d'être employé, et quand Napoléon ressaisit
les rênes du gouvernement, il se trouva disponible et libre
de tous serments. Le 1er avril, Grouchy accepta le commandement
en chef des 7e, 8e et 9e divisions militaires. Il eut alors à
agir contre le duc d'Angoulême, qui ne tarda pas à
capituler avec le général Gilly, à la condition
de quitter le sol français, et de s'embarquer a Cette. Dans
cette circonstance le maréchal Grouchy, dont les instructions
étaient contraires aux clauses de la capitulation, ne crut
pas devoir la ratifier sans en avoir référé
préalablement au chef du gouvernement. La réponse
de Napoléon, revenu à son premier système de
laisser s'éloigner librement tous les membres de la famille
royale, fut qu'il fallait exécuter la capitulation. Grouchy
laissa ce soin au général Corbineau, aide-de-camp
de Bonaparte ; et quittant presque aussitôt le pont Saint-Esprit,
où il avait tout fait pour n'arriver qu'après le départ
du duc d'Angoulême, il se dirigea sur Aix et Marseille, afin
de dissiper les débris de l'armée royale. Grouchy
eut alors le bonheur de voir le midi se pacifier sans effusion de
sang La tranquillité étant rétablie, il passa
au commandement en chef de l'armée des Alpes, qu'il organisa
et mit en état de défendre les frontières de
France du côté de la Savoie. Rappelé ensuite
par Napoléon, il alla prendre le commandement de toute la
cavalerie de réserve de la grande-armée. Il combattit,
à la tête de ce corps, à la bataille de Ligny,
le 16 juin 1815, et concourut aux résultats de cette journée.
Le lendemain , avec la cavalerie du général Pajol,
et les 3e et 4e corps d'infanterie, il se mit à la poursuite
du général prussien Blucher, qu'il devait empêcher
de faire sa jonction avec l'armée anglaise. Grouchy avait
alors sous ses ordres trente-cinq mille hommes et cent huit pièces
de canon : c'étaient des forces imposantes ; il les employa
avec hésitation et mollesse. Le 18 , la bataille de Waterloo
est livrée, et Grouchy, restant dans une inconcevable inaction,
prépare et consomme la catastrophe qui devait amener une
seconde fois le renversement du trône impérial. Aux
yeux de tous les hommes de guerre, la faute du général
Grouchy et son incertitude le jour et la veille de l'action restent
sans excuse. Sollicité par plusieurs de ses généraux
de marcher rapidement sur Wavres, il en donne l'ordre, maïs
sans en presser l'exécution. « Enfin, dit l'auteur
des i-Considérations sur l'art de la guerre, cette colonne,
qui dès le matin du 18, était partie de Gembloux pour
suivre les Prussiens sur la route de Wavres, reste près de
cette position, à plus de trois lieues du champ de batailla,
séparée du reste de l'armée ; elle reste stupidement
sur la rive droite de la Dyle, au lieu d'accourir au bruit du canon
pour prendre part a la bataille, au lieu du moins de marcher vivement
sur les traces des Prussiens qui passent la Dyle à Wavres
et viennent renforcer l'armée anglaise.» Ou ne saurait
imaginer pour quel motif Grouchy s'opiniâtra à garder
l'immobilité lorsque le bruit d'une épouvantable canonnade
appelait sa présence, lorsque les généraux
Maurice, Gérard, Excelmans et Vandamme, les uns avec des
prières, les autres avec des menaces, le pressaient de sa
porter au feu. Mais comme si ce n'était pas encore assez
d'une faute irréparable, Grouchy, ajoutant à ses inconcevables
erreurs, se disposait à suivre une direction qui l'éloignait
du théâtre de notre défaite lorsque, instruit
vers midi du désastre de la veille, il ordonna sa retraite
sur deux colonnes. En butte aux attaques acharnées des Prussiens,
ses troupes les repoussent toujours avec vigueur, et en n'éprouvant
que de légères pertes. Dès le 25, Grouchy communiqua
avec le reste de l'armée, près de Soissons, el le
26, Napoléon ayant abdiqué pour la seconde fois, il
reçut du gouvernement provisoire l'ordre de se rapprocher
de Paris. Arrivé dans la capitale, Grouchy, contre qui plusieurs
attaques avaient été dirigées dans les deux
chambres, se démit de son commandement, qui fut confié
à Davout. A la seconde rentrée du Roi, Grouchy fut
désigné dans l'ordonnance royale du 24 juillet parmi
les officiers généraux qui devaient être mis
en jugement. Il quitta alors la France, et se réfugia dans
les Etats-Unis d'Amérique, ou il se fixa à Philadelphie.
Les journaux du temps ont beaucoup parlé de ses différends
avec le général Vandame, qui était proscrit
comme lui, et qui résidait dans la même ville. Grouchy
eut, dans plus d'une occasion, a essuyer les reproches publics de
ce général, et de quelques autres exilés qui
lui imputaient leurs malheurs et ne lui pardonnaient pas d'avoir
été, par une obstination mal entendue, la cause du
désastre de Waterloo. Cependant on était pressé
d'obtenir une sentence de mort contre le maréchal Grouchy
; il fut traduit deux fois devant le deuxième conseil de
guerre de la première division militaire, qui chaque fois
se déclara incompétent. Mme de Condorcet, sa sœur,
prît alors sa défense avec tout le courage qui est
toujours l'apanage d'un beau caractère, et que peut inspirer
l'affection fraternelle. Enfin, par ordonnance spéciale de
S. M. Louis XVIII, rendue le 24 novembre 1819, le comte Grouchy
fut compris dans l'amnistie précédemment accordée
par le Roi, et réintégré dans tous les droits,
titres et honneurs, dont il était pourvu à l'époque
du 19 mars 1815 ; mais il ne fut point confirmé dans sa dignité
de maréchal. En 1820, il rentra en France, et depuis lors
il a été classé parmi les lieutenants-généraux
en disponibilité. Le général Grouchy vit aujourd'hui
à la campagne.
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