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Waterloo battle 1815

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Lettre de Jérôme Bonaparte

     
 

     
  Le 15 juillet 1815, moins d'un mois après la bataille de Waterloo, Jérôme Bonaparte, réfugié au château de Douy en Touraine, propriété du frère du financier Ouvrard, attendant que les événements politiques lui permettent de quitter la France en sécurité, écrivit une lettre à son épouse, la reine Catherine, dans laquelle il racontait la part qu'il avait prise à la campagne.
Cette lettre fut publiée pour la première fois par le baron Albert du Casse, aide de camp de Jérôme Bonaparte sous le second Empire, lorsqu’il publia les « Mémoires du roi Jérôme* ».
 
 
 

Sainte-Beuve, dans ses Nouveaux Lundis, écrit au sujet de la publication des Mémoires du roi Jérôme par Du Casse :
« Ces Mémoires, rédigés avec le plus grand soin sous les yeux de S.A.I. le prince Napoléon, et reposant tout entiers sur les pièces d’Etat et de famille les plus authentiques, dont on produit les plus importantes à l’appui du récit, à la suite de chaque livre, deviennent une des sources nouvelles et essentielles de l’histoire de ce temps. » (*Sainte-Beuve, Nouveaux Lundis, Tome neuvième, 1867 p. 224)
La lettre du 15 juillet 1815 diffère évidemment sur de nombreux points de la version mise au point par Napoléon à Sainte-Hélène. C’est pourquoi Du Casse a cru nécessaire de la commenter de la façon suivante :
« Les événements, les prévisions, les jugements sont présentés, dans ces curieuses lettres, au jour le jour, sous l’impression du moment, la plupart du temps en dehors de la connaissance des résultats définitifs et même de cette vérité historique des faits qui, plus souvent qu’on ne le pense, échappe aux contemporains et est retrouvée par la postérité. Il ne faut donc pas s’étonner du contraste que présentent certaines opinions de Jérôme et Catherine sur les faits ou sur les hommes, avec celles que l’histoire, éclairée par une longue et patiente critique, et surtout par la suite des événements, a pu faire prévaloir et accepter comme vraies. »
Cette prudente mise au point apparaît plutôt comme une précaution pour empêcher que le lecteur ne se rende compte du contraste entre les faits réels et ceux qui sont acceptés par l’histoire officielle.

L’original de la lettre est conservé aux Archives nationales à Paris (*Jérôme Bonaparte, Lettre à la reine Catherine, 15 juillet 1815, Archives nationales, Paris, 400AP/88.)
. La comparaison entre l’original et la transcription par Du Casse ne manque pas d’intérêt. Si Du Casse reproduit fidèlement la lettre, on remarque néanmoins qu’il a supprimé un petit passage à la fin de la lettre, un passage d’une extrême importance, puisqu’il dit à son épouse, de façon confidentielle, que Napoléon a perdu la tête à la fin de la bataille...
Cet important témoignage, provenant de la personne qui lui était le plus proche, adressé sous le sceau de secret à la personne qui lui était la plus chère, présente toutes les garanties d’authenticité. Mais elle risquait de mettre à mal l’image de Napoléon sur laquelle était basée le régime du Second Empire, et il était donc hors de question de laisser cette phrase dans la publication des Mémoires de Jérôme Bonaparte.

On remarquera que le prince Jérôme, censé avoir mené avec acharnement les attaques contre la ferme de Hougoumont, ne semble même pas soupçonner qu'il y avait une ferme derrière ce bois, dans lequel il envoyait ses soldats se faire massacrer.

Etrange... Ni dans le bulletin dicté par Napoléon, ni dans le discours de Drouot il n'est fait la moindre mention de la ferme ni du château de Hougoumont. Et le général Foy, qui commande la division qui appuyait Jérôme, ne parle que de "maisons" derrière le bois (voir sa relation), ce qui montre que l'état-major français n'avait pas une idée nette de ce que cachait le bois de Hougoumont. Mais comment aurait-il pu l'avoir, sans avoir effectué de reconnaissance sérieuse, alors que la carte dont il disposait était sommaire et dépassée ?

 
 
         
 

 

(*Mémoires et correspondance du roi Jérôme et de la reine Catherine, publiés par le baron Du Casse, tome VII, Paris 1866.)


     

 

Extrait de la lettre de Jérôme Bonaparte à Catherine de Wurtemberg, du 15 juillet 1815 :

   
 

(...) La journée du 17 fut employée à la poursuite de l’ennemi qui, sur le soir prit position en avant de la forêt de Soignes, au mont Saint-Jean : le temps était affreux. Toute la nuit du 17 au 18 fut employée à réunir l’armée et à prendre les dispositions pour le lendemain.
Le 18 au matin, en passant devant le quartier général de l’Empereur, je m’arrêtai une heure avec lui, il me reçut avec une affection et une tendresse toute particulières, il assembla les principaux généraux, et une fois le plan de bataille arrêté, chacun se rendit à son poste. A midi toute l’armée était en ligne ; j’étais à l’extrême gauche, devant un bois occupé par les Anglais : nous avions soixante-dix mille hommes et deux cent quatre-vingts pièces de canon ; l’ennemi en avait quatre-vingt seize mille ; le maréchal Grouchy, avec trente-six mille hommes, observait l’armée prussienne sur notre extrême droite, mais n’était pas en communication avec nous.
A midi un quart, je reçus l’ordre de commencer l’attaque ; je marchai sur le bois que j’occupai à moitié après une vive résistance, tuant et perdant beaucoup de monde ; à deux heures j’étais entièrement maître du bois, et la bataille était engagée sur toute la ligne : mais l’ennemi qui sentit toute l’importance de ce point, accourut avec une réserve et me l’enleva. Je m’y portai avec toute ma division, et à trois heures, après le plus sanglant combat, je le repris de nouveau, et depuis je le gardai jusqu’à la fin de la bataille. L’ennemi laissa dans ce bois six mille morts, et moi deux mille avec un de mes généraux et presque tous mes officiers supérieurs ; de plus, les blessés et les pertes que j’avais faites à la bataille du 16 me réduisirent à deux bataillons. Je reçus l’ordre de l’Empereur de me rendre auprès de lui : il me reçut encore mieux que la veille, et me dit : “Il est impossible de se mieux battre ; actuellement qu’il ne vous reste plus que deux bataillons, demeurez pour vous porter partout où il y aura du danger.” L’affaire allait à merveille ; il était trois heures, nous avions déjà gagné beaucoup de terrain sur l’ennemi, qui en était à sa dernière position : c'est alors que l'Empereur ordonna au maréchal Ney de se porter avec une grande partie de la cavalerie, deux corps d'infanterie et la garde sur le centre de l'ennemi pour donner le coup de massue et certes c'en était fait de l'armée anglaise si le maréchal eût exécuté les ordres de l'Empereur ; mais Ney, emporté par son courage, et par l'espoir de réussir sans la garde, n'attendit pas son arrivée, et attaqua ¾ d'heure plus tôt : j'étais auprès de l'Empereur lorsqu'il vit la faute du maréchal : il me dit ces mots : "Le malheureux c'est la seconde fois depuis avant-hier qu'il compromet le sort de la France." L'attaque manqua, cela devait être : c'était le moment décisif et il fallait le concours de la garde pour assurer le succès : les Anglais déjà ébranlés reprirent leur position. Cependant l'Empereur calme et froid au milieu de tous ces événements répara par son génie la faute du maréchal Ney, par un mouvement qu'il fit lui-même en avant avec une partie de la réserve : nous nous battions ainsi avec acharnement sans gagner ni perdre du terrain, lorsqu'à six heures une canonnade à deux lieues sur notre droite nous fit croire que le maréchal Grouchy débouchait. (C'étaient les Prussiens) : le moment était critique, il fallait ou se retirer, ou notre droite, débordée par les Prussiens, que Grouchy n'était point assez fort pour maintenir, nous faisait perdre la bataille : il fallait donc chasser l'armée anglaise de ses positions pour pouvoir tomber sur les Prussiens et arrêter leur mouvement en avant : L'Empereur, (ajout : espérant que Grouchy arriverait), nous dit : "La bataille est gagnée, il faut occuper les positions de l'ennemi ; marchons " ; et tout à l'exception de six bataillons de vieille garde marcha avec nous. Ney reçut quatre régiments (ajout : de la garde), commandés par le général Friand, et arriva sur les canons anglais ; nous soutenions au pied de la position avec d'autres troupes, tout allait bien, Friand est blessé, et par je ne sais quelle fatalité l'attaque (ajout : de la garde) manqua !!! la garde fut ramenée... il fallut battre en retraite, mais il n'était plus temps, l'Empereur voulut se faire tuer ; nous étions au milieu des balles et des ennemis, Wellington avait une cavalerie toute fraîche qu'il lâcha dans la plaine à huit heures, à neuf heures une terreur panique s'empara de l'armée, (ajout : à dix heures) c'était une déroute, nos pièces manquaient d'approvisionnements, etc., etc. L'Empereur fut entraîné, personne ne donnait d'ordre et plus d’un mettait le désordre préparé de longue main ; chacun courut jusque derrière la Sambre : j'arrivai à Avesnes le lendemain, ayant constamment fait l'arrière-garde avec un bataillon et un escadron : je ne trouvai dans cet endroit, ni l’Empereur ni les maréchaux qui avaient pris les devants ; je fis des efforts inouïs pour rallier les débris de l’armée, je parvins enfin à mettre ensemble dix-huit mille hommes d’infanterie et trois mille de cavalerie, ainsi qu’une douzaine de pièces de canon avec lesquelles j’arrivai à Laon le 21 juin ; le maréchal Soult s’y trouvait, il me croyait seul et ne pouvait ajouter foi que j’eusse avec moi autant de monde, et lorsqu’un de mes officiers d’ordonnance arriva à Paris pour rendre compte de ce heureux résultat, le maréchal Ney, qui y était depuis plusieurs jours, soutint dans la Chambre des Pairs que cela était impossible.
Le duc de Dalmatie, en sa qualité de major-général, réclama le commandement : je le lui remis et me rendis le 22 à Soissons, où je reçus une lettre du ministre de la guerre qui me remerciait de l’heureux résultat que j’avais obtenu et m’engageait de continuer à rallier l’armée : le ministre ne savait pas alors que le maréchal Soult avait pris le commandement.
Je me rendis à Paris, où j’appris, et l’avènement de Napoléon II au trône impérial, et l’inexplicable abdication de l’Empereur son père !
Il ne m’appartiendrait pas, Chère Trinette, de parler des fautes de l’Empereur, si je n’étais certain que cette lettre ne sera lue que par toi seule.
L’Empereur a été sublime jusqu’à huit heures du soir, le jour de la bataille ; mais à neuf heures ce n’était plus le même homme…..
Il pouvait, il devait se porter à l’armée de Grouchy, et non courir à Paris, rallier les restes de son armée, réparer nos pertes par les vingt mille hommes qui se trouvaient dans les dépôts, rappeler Suchet et Lamarque, et réunissant ainsi encore cent trente mille hommes, donner une grande bataille sous les murs de Paris, ou bien faisant noblement le sacrifice de sa personne, abdiquer en couronnant son fils, mais ne quitter ni son armée, ni sa capitale qu’après s’être assuré de la reconnaissance des puissances alliées : son fils aurait régné ; c’était le vœu unanime de toute la France : je dois t’avouer, ma chère amie, que je ne trouve pas que l’exemple de Thémistocle justifie la fin qu’il a faite : d’ailleurs il était beau de mourir sous les murs de sa capitale en défendant son trône et son pays.
La grande faute de l’Empereur, c’est d’avoir laissé les Chambres assemblées pendant son absence, et de n’avoir pas été convaincu qu’il lui était impossible de tirer la France d’une crise aussi dangereuse sans avoir un pouvoir illimité. Rome si jalouse de sa liberté ne s’est sauvée dans les grands périls qu’en remettant toute l’autorité à un seul : et j’avoue que je suis encore à m’expliquer comment il s’est fait qu’un grand génie ait pu commettre une pareille faute. Du reste s’il est vrai que les Anglais aient violé les droits sacrés de l’hospitalité en l’envoyant à Sainte-Hélène comme prisonnier, c’est une tâche à leur honneur national, et par une pareille conduite, ils seraient loin de la générosité de Xerxès, qui oublia la défaite de Salamine et tout le mal qu’il avait éprouvé par Thémistocle pour ne voir en lui qu’un grand homme malheureux : ô temps ! ô mœurs ! !
Je te presse sur mon cœur, ainsi que mon fils, quand serons-nous réunis ?
Ce 15 juillet 1815.

     
  Le texte intégral de la lettre de Jérôme Bonaparte a été publié pour la première fois dans l'ouvrage "Les Mensonges de Waterloo" de Bernard Coppens.      

 

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