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  Waterloo battle 1815

 

 

 

 

 

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Relation du général Foy

     
 

     
   

Le général Foy, qui commandait la 9e division d’infanterie, blessé à la bataille de Waterloo, s’était retiré chez lui, à Ham, et écrivit dès le 23 juin 1815 une relation de la campagne.
Ecrite à chaud, elle nous offre une vision inhabituelle de la bataille, mais sans doute plus proche de ce qu'ont vécu les Français, que les relations plus "classiques".
Cette relation est parue dans le livre de Girod de l’Ain “Vie militaire du général Foy”, publié à Paris en 1900.

 
 
 

    Lettre publiée dans : Girod de l'Ain, Vie militaire du général Foy (1900).    
 

Ham, le 23 juin .

(...) En campagne, il est facile de manoeuvrer les Anglais, de tourner autour d'eux, de les arrêter, de les molester. En bataille, rendus sur le terrain et alignés, il n'y a pas d'ennemis plus redoutables. Leur infanterie est solide au feu, exercée au métier, et tire parfaitement ; leurs officiers sont les plus braves et les plus patriotes de l'Europe. Lord Wellington n'est pas un génie remarquable, c'est même, comme esprit, un homme médiocre; il est général, il sait son métier parfaitement ; il est aimé et estimé de ses troupes ; il ne leur fait pas courir des dangers inutiles, mais il ne les épargne pas dans les moments difficiles. Depuis la journée du 18 juin, sa tête doit se perdre dans les nues. Sommes-nous assez humiliés devant les fiers Anglais? Rule Britannia !

On accable l'Empereur de reproches ; c'est bien naturel, car il est malheureux. Je ne crois pas qu'il les mérite ; il a joué son va-tout, mais il l'a joué contre un tout. L'action du 16 lui avait coûté beaucoup de monde ; quatre ou cinq actions comme celle-là suffisaient pour détruire son armée ; il fallait frapper un grand coup. L'occasion de se battre avec les Anglais corps à corps s'est présentée ; s'il parvenait à détruire leur armée, ou même à avoir sur eux un grand avantage, il pouvait raisonnablement espérer dissoudre la redoutable coalition. Chance semblable ne devait se retrouver nulle part ailleurs.

Dans la nuit du 17 au 18, nous mangions, avec le prince Jérôme, à l'auberge du Roi d'Espagne. Un kellner, très entendu, qui servait à table, dit que lord Wellington avait mangé la veille dans l'auberge, et qu'un de ses aides de camp avait annoncé à table que l'armée anglaise attendrait les Français à l'entrée de la forêt de Soignes et qu'elle y serait jointe par l'armée prussienne, qui s'était dirigée sur Wavre. Ce rapport fut un trait de lumière pour Guilleminot et pour moi. Le 18, au matin, Jérôme étant avec son frère à la ferme du Caillou sur la grande route, lui dit le mot du sommelier de Genappe. L'Empereur répondit : La jonction des Prussiens avec les Anglais est impossible avant deux jours, après une bataille comme celle de Fleurus, et étant suivis, comme ils le sont, par un corps de troupes considérable. S.M. a ajouté : Nous serons trop heureux que les Anglais veuillent tenir. La bataille qui va se donner sauvera la France et sera célèbre dans les annales du monde. Je ferai jouer ma nombreuse artillerie, je ferai charger ma cavalerie pour forcer les ennemis à se montrer et, quand je serai bien sûr du point occupé par les nationaux anglais, je marcherai droit à eux avec ma vieille Garde.

Entre onze heures et midi, l’armée s’est formée avec calme et dans l’ordre indiqué par le Moniteur ; les divisions d’infanterie se rangeaient en bataille sur deux lignes ; l’artillerie prenait position en avant de l’infanterie. Nous avons présenté à l’ennemi plus de deux cents bouches à feu ; il n’en avait pas tant. Son canon était en position avant le nôtre ; on ne voyait à côté que quelques tirailleurs. Suivant l’excellente coutume des Anglais, leurs masses d’infanterie et de cavalerie étaient masquées par le mouvement du terrain ; ils ne les montrent que quand ils veulent les employer. La droite de l'ennemi était au ruisseau, en deçà de Braine-l'Alleud, son centre traversait la grande route vers Mont-Saint-Jean ; je n'ai pas aperçu sa gauche. En voyant une ligne si étendue, j'ai supposé qu'il y avait sur le terrain plus que l'armée de Wellington. Dans le lointain, on apercevait la forêt de Soignes ; il est probable que les Anglais avaient reconnu d'avance une position à la lisière des bois, pour l'occuper dans le cas où il aurait fallu quitter la position principale.

L'Empereur s'est placé d'abord sur un pic peu élevé derrière la Belle-Alliance ; je l'ai vu, avec ma lunette, se promener de long en large, revêtu de sa redingote grise, et s'accouder souvent sur la petite table qui porte sa carte. Après la charge de la cavalerie française, il s'est porté à la Haye-Sainte ; à la fin du jour, il a chargé avec sa Garde. Je m'attendais qu'il parcourrait les lignes pour enflammer les soldats. Le soir, quand j'ai vu la vieille Garde charger sur la grande route, et qu'on m'a dit que l'Empereur était à la tête, j'ai cru qu'il voulait mourir. Le sort l'a épargné. Affreuse destinée de celui qui était naguères le maître du monde !

La bataille a commencé par l'attaque du bois de Hougoumont. La division Jérôme l'a emporté d'emblée, mais elle n'a pu avoir les maisons qui sont au delà. Pendant toute la journée, on n'a pas cessé de les attaquer ; l'ennemi s'y est maintenu et nous a fait éprouver des pertes considérables, à Jérôme et à moi qui le soutenais. Ma division a opéré à la lisière Est des haies d'Hougoumont ; elle a eu de l'avant et de l'arrière, et n'a quitté le champ de bataille qu'après que le centre a été enfoncé. Je fournissais de temps à autre des bataillons dans le bois, pour appuyer ou remplacer ceux de Jérôme. Bachelu était à ma droite et un peu en avant de moi. La garde impériale à pied et à cheval était formée sur la grande route. Nous avions derrière nous le corps de cavalerie de Kellermann et, à notre gauche extrême, la division de cavalerie légère de Piré, qui tiraillait sur la route de Bruxelles à Namur. La forme du terrain me masquait le dispositif de la droite.

L'affaire du bois de Hougoumont a attiré sur notre gauche l'attention et le feu de l'ennemi. C'était évidemment l'attaque secondaire ; elle a duré seule, sans se ralentir, près de deux heures. Ensuite, la droite a attaqué le hameau de Mont-Saint-Jean. Je n'ai pas vu son mouvement en avant, ni l'échec qu'elle a éprouvé. Sur notre ligne, l'artillerie n'a pas cessé de faire un feu très vif. Les canonniers de la Garde impériale sont les plus braves soldats de l'armée. La grande consommation de munitions, faite au commencement de l'action, a été cause qu'on en a manqué à la fin.

A trois heures après-midi, la cavalerie placée au centre a marché à l'ennemi. Nos corps de cavalerie de droite et de gauche ont couru pour rejoindre et secourir leurs camarades. En peu de minutes, les plateaux entre Hougoumont et les routes de Charleroi et de Nivelle ont été couverts, inondés par la procella equestris. Il y avait là la cavalerie de la Garde impériale, les carabiniers, les cuirassiers, tout ce que la France possède de meilleur. Notre cavalerie a joint la cavalerie anglaise et l'a enfoncée. Trente à quarante pièces de canon ont été momentanément en notre pouvoir. Alors, pour la première fois, j'ai aperçu les carrés anglais gravissant les revers des plateaux. J'ignore si notre cavalerie en a sabré quelques-uns ; elle est revenue à la charge, à plusieurs reprises ; il y a eu des mêlées d'une heure. Je n'ai rien vu de semblable dans ma vie. Des escadrons ont percé l'armée anglaise par son centre et sont venus se reformer derrière ma division, après avoir fait le tour du bois de Hougoumont.

Alors que la cavalerie française faisait cette longue et terrible charge, le feu de notre artillerie était déjà moins nourri et notre infanterie ne fit aucun mouvement. Quand la cavalerie fut rentrée et que l'artillerie anglaise, qui avait cessé de tirer pendant une demi-heure, eut recommencé son feu, on donna ordre aux divisions Bachelu et Foy de gravir le plateau, droit aux carrés qui s'y étaient avancés pendant la charge de cavalerie et qui ne s'étaient pas repliés. L'attaque fut formée en colonne par échelons de régiment, Bachelu formant les échelons les plus avancés. Je tenais par ma gauche à la haie ; j'avais sur mon front un bataillon en tirailleurs. Près de joindre les Anglais, nous avons reçu un feu très vif de mitraille et de mousqueterie. C'était une grêle de mort. Les carrés ennemis avaient le premier rang genoux en terre et présentaient une haie de baïonnettes. Les colonnes de la 1re division ont pris la fuite les premières : leur mouvement a entraîné celui de mes colonnes. En ce moment, j'ai été blessé ; le haut de mon humérus droit a été traversé par une balle venant de haut en bas ; l'os n'a pas été touché. Après avoir reçu le coup, je croyais n'avoir qu'une contusion ; je suis resté sur le champ de bataille. Tout le monde fuyait ; j'ai rallié les débris de ma division dans le ravin adjacent au bois de Hougoumont. Nous n'avons pas été suivis ; même notre cavalerie a continué à tenir les plateaux ; celle de l'ennemi n'osait plus bouger.

Le feu de l'ennemi était si vif et si dru qu'il atteignait nos soldats jusque dans les ravins. Le bois d'Hougoumont nous était funeste. Vers sept heures du soir, on a entendu une grande canonnade du côté de Planchenoit ; c'était les Prussiens qui débouchaient sur notre droite et en arrière. Notre canon placé sur la grande route répondait à leurs attaques. Il fallait ou se retirer sans attendre leur arrivée, ou tenter un dernier effort contre les Anglais. La Garde impériale a marché ; elle a été repoussée. L'armée ennemie a pris l'offensive par la grande route. En peu d'instants, notre magnifique armée n'était plus qu'une masse informe de fuyards. On a dételé les canons, coupé les traits des chevaux. Tout le matériel de l'armée, équipages et artillerie, a été perdu. Il n'y a plus eu de drapeaux ; chacun a fui pour son compte vers la Sambre. Les ennemis ont chargé notre gauche assez faiblement, à hauteur de la Maison du Roi. Ils ont poursuivi la grande colonne du centre, où était l'Empereur, jusqu'à Genappe. Il faisait clair de lune ; les ennemis se sont arrêtés vers minuit ; nous, nous avons continué à fuir. Deux jours plus tard, nous n'avions pas encore de points de ralliement. Deux mille chevaux, qui auraient passé la Sambre, n'auraient pas permis à un seul d'entre nous de s'échapper ; l'armée anglo-prussienne n'a pas fait de mouvement le 19. Était-elle occupée à réparer ses immenses pertes ? Craignait-elle d'avoir affaire à l'armée fraîche du maréchal de Grouchy ?

Aucune catastrophe de l'histoire ne peut être comparée à la bataille de Mont-Saint-Jean. C'est le dernier jour de notre gloire ; c'est le tombeau de l'Empereur et des Français. Malgré l'affreux résultat, je ne peux blâmer Napoléon. L'occasion était unique pour avoir à combattre les Anglais seuls. Il fallait les attaquer de front, car si on eut voulu les manœuvrer, on donnait aux Prussiens le temps d'arriver. L'armée a été disposée d'après cette manière de voir ; on voulait que tout le monde combattît. Tout a été engagé, jusqu'au dernier peloton. C'est une action de désespérés. Ordre parallèle, emploi absolu de tous les moyens. L'Empereur aurait pu ne pas faire sa dernière attaque du soir et se retirer avec quelques trophées et sans avoir perdu un canon. Mais alors il fallait repasser la Sambre, avec 25 ou 30 000 hommes de moins qu'on n'avait en la passant. Comment engager la lutte avec les Russes, les Autrichiens et le reste des coalisés, après s'être retiré avec perte devant les seuls Anglais ? Quel que soit le résultat de la bataille de Mont-Saint-Jean, il vaut mieux pour l'humanité, si notre cause devait périr, qu'elle ait été perdue en un seul coup que par des actions de guerre souvent répétées.

     

 

 

     
 

     

 

 

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