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Waterloo battle 1815

 

 

1789-1815.com

     Waterloo   >   

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Récit de la Bataille (suite)

 

     
 

(Début du récit)

 

 

 
Installé sur la hauteur de Rossomme, Napoléon a devant lui ce qui sera le champ de bataille, mais il s'en fait une image fausse. Le temps est encore brumeux, et le relief et la végétation lui cachent la physionomie réelle du terrain. Pour beaucoup, le "coup d'œil" est une qualité essentielle d'un général. Ce 18 juin, Napoléon n'a pas eu le "coup d'œil".  La description qu'il fera du terrain dans le bulletin dicté le 20 le confirme. Baudus, un aide de camp de Soult, décrira Napoléon "dans une espèce d'apathie assez semblable à celle qu'on avait eu à lui reprocher le jour de la bataille de la Moscowa ".

  Devant lui, à gauche, un bois. Mais personne ne sait que ce bois cache un ensemble fortifié qui va absorber une grande partie de l'infanterie française. Le commandant Lachouque, dans "le Secret de Waterloo", a écrit : Certains officiers d'état-major et aussi quelques généraux ignorent même que, derrière les frondaisons d'Hougoumont, (...) se trouvent un château, une ferme ; ils pensent que ce boqueteau est une avancée de la forêt de Soignes jugée impénétrable par Napoléon.

Mais Lachouque n'ose pas aller plus loin. Pourtant, le bulletin de l'Empereur écrit le 20 montre que lui aussi ignore ce que cache le bois d'Hougoumont. Et les lettres écrites peu après par Jérôme et par Foy, les deux généraux de division qui mènent les attaques contre la position, montrent qu'eux non plus n'étaient pas conscients -même après la bataille- de ce que recelait le bois.

Au centre, la chaussée de Bruxelles s'enfonce dans un bosquet d'arbres d'où dépassent, à gauche, quelques toits. Napoléon croit qu'il s'agit de la ferme de Mont-Saint-Jean, qu'une erreur sur la carte place d'ailleurs du côté gauche de la route. Et le village de Mont-Saint-Jean n'est pas derrière la crête, comme le croit l'Empereur, mais mille mètres plus loin. Un paysan de l'endroit qu'on a réquisitionné comme guide, le cabaretier Decoster, qu'on a dû lier sur un cheval, aurait pu sans doute éclairer Napoléon. A la lecture de l'ordre dicté par Napoléon, et à la lecture du bulletin rédigé à Laon, il est manifeste qu'il ne l'a pas fait. Napoléon ne comprendra le terrain que quand il lira à Sainte-Hélène les relations anglaises. En 1816, le général commandant le génie de l'armée écrira encore que le centre de l'armée anglaise était "fortifié par le village de Mont-Saint-Jean au nœud des routes de Charleroi et de Nivelles à Bruxelles".

Ce que Napoléon prend pour la ferme de Mont-Saint-Jean est la ferme de la Haie-Sainte, occupée par le 2e bataillon léger de la King's German Legion, et sommairement mise en état de défense.

Le général Haxo revient rendre compte de sa reconnaissance, et dit qu'il n a pas aperçu de trace de fortification. Haxo n'a pas bien regardé. Il y a un abattis et une barricade jetés en travers de la route, à la hauteur de la Haie-Sainte, et le château et la ferme de Hougoumont sont bel et bien fortifiés. Mais il n'était pas allé voir ce qu'il y avait derrière le bois d'Hougoumont. Il ne serait d'ailleurs probablement pas revenu.

L'armée française prend position : le 1er corps à droite de la route, depuis celle-ci jusque vers la Papelotte, le 2e corps de l'autre côté de la route, la division Jérôme à la gauche, touchant au bois de Hougoumont.

Le 6e corps est placé en réserve, derrière la droite du 1er corps. C'est la place que lui donne Napoléon dans le bulletin, ainsi que la plupart des témoins. Dans la dictée de 1818, Napoléon le place plus au centre, à droite de la chaussée de Bruxelles, et dans la dictée de 1820, à gauche de cette route. Ce déplacement n'est pas dû à une mémoire défaillante, mais à une volonté de la part de Napoléon de masquer ses fautes les plus importantes.

A onze heures, Napoléon dicte un ordre pour la bataille. Un des aides de camp de Ney, le commandant Levavasseur, a raconté la scène :

Un peu avant midi, l'Empereur dicte l'ordre que Soult écrit sur son calepin, puis le major-général déchire la feuille et la donne au maréchal Ney, qui, avant de me la remettre pour la communiquer aux généraux en chef, écrit en marge au crayon : "Le comte d'Erlon comprendra que c'est lui qui doit commencer l'attaque. "

L'ordre dicté par Napoléon était le suivant :

"Une fois que l’armée sera rangée en bataille, à peu près à 1 h. après-midi, au moment où l’Empereur en donnera l’ordre au Maréchal Ney, l’attaque commencera pour s’emparer du village de Mont-Saint-Jean, où est l’intersection des routes. A cet effet, les batteries de 12 du 2e corps et du 6e se réuniront à celle du 1er corps. Ces 24 bouches à feu tireront sur les troupes du Mont-Saint-Jean, et le Comte d’Erlon commencera l’attaque, en portant en avant sa division de gauche et la soutenant, selon les circonstances par les divisions du 1er corps.

Le 2e corps s’avancera à mesure pour garder la hauteur du comte d’Erlon. Les compagnies de sapeurs du premier corps seront prêtes pour se barricader sur le champ à Mont-Saint-Jean.

On voit que pour l'Empereur, ce qu'il a devant lui, c'est le village de Mont-Saint-Jean. La portée des pièces de 24, d'ailleurs, ne permettrait pas d'atteindre le hameau à l'endroit où il se trouve réellement. C'est donc que Napoléon croit que le village se trouve derrière la crète. C'est aussi pour cette raison qu'il ordonne aux sapeurs d'être prêts à se barricader sur-le-champ, ordre qui n'aurait pas de sens si l'objectif était encore un kilomètre plus loin, avec une armée anglaise à traverser !

Le commandant Levavasseur s'élance pour porter l'ordre :

Je pars par la gauche, au galop, et j'atteins d'abord le prince Jérôme, dont les troupes occupent en masse un vallon, en arrière d'un petit bois.

Les mots griffonnés par Ney étaient les suivants :

Le Comte d'Erlon comprendra que c'est par la gauche que l'attaque commencera, au lieu de la droite. Communiquer cette nouvelle disposition au Général en chef Reille.

Ney n'avait voulu que préciser l'ordre de Napoléon, il y a porté de la confusion. D'après Reille et Levavasseur, c'était la gauche du 1er corps, au centre de la première ligne, qui était visée. Certains historiens, par contre, ont à tort interprété ces mots comme voulant dire que c'était la gauche de l'armée, donc la division Jérôme qui devait commencer l'attaque.  Il n'est donc pas étonnant que Jérôme ait pu, lui aussi, mal interpréter l'ordre. Car il écrira, le 15 juillet :

"A midi un quart, je reçus l’ordre de commencer l’attaque ; je marchai sur le bois que j’occupai à moitié après une vive résistance, tuant et perdant beaucoup de monde ; à deux heures j’étais entièrement maître du bois, et la bataille était engagée sur toute la ligne"

Pourtant l'ordre que lui porte Levavasseur dit bien que l'attaque commence sur Mont-Saint-Jean. Et Reille, qui commande le 2e corps, dira que Jérôme a outrepassé les ordres.

L'hypothèse d'une méprise de la part de Jérôme, due à la formulation imprécise de Ney, n'est pas à écarter.

   
 
     
 

La façon dont les attaques contre Hougoumont ont été menées a toujours été un sujet d'étonnement pour tous les militaires qui ont étudié la bataille. La seule explication plausible est que Napoléon et ses généraux ne savaient pas ce que cachait le bois d'Hougoumont. Ceci est confirmé par tous les récits écrits après la bataille par les combattants français. Aucun, pas même Foy et Jérôme n'ont connaissance de ce qui s'est réellement passé dans ce bois où ils envoyaient leurs troupes par petits paquets. Ce n'est qu'au cours des combats qu'ils apprennent qu'il y a "des maisons, un village". Mais aucun d'eux n'a conscience de la configuration réelle de l'ensemble, un château et une ferme dont les bâtiments forment un rectangle fortifié : "faillite de la liaison et des transmissions". Quatre compagnies de Guards anglais occupent le château qu'ils ont mis en état de défense pendant la nuit, un bataillon de Nassau et deux compagnies hanovriennes occupent le bois et les abords.

En 1816, le bois d'Hougoumont fut rasé, et plus personne  n'imagina que Napoléon avait pu ne pas voir un obstacle qui n'était devenu visible qu'un an après la bataille !

Dans ses Mémoires dictés à Ste Hélène, Napoléon écrit qu'avant de donner le signal à la grande batterie, il aperçut dans la direction de Saint-Lambert "un nuage qui lui parut être des troupes". Ignorant s'il s'agissait de Grouchy ou d'un corps prussien, il aurait envoyé dans cette direction les divisions de cavalerie légère de Domon et de Subervie. Un quart d'heure plus tard, un hussard prussien fait prisonnier lui aurait été amené.

Mais toute cette histoire est-elle vraie ? Sans même s'arrêter au fait que le temps brumeux ne permettait pas de voir bien loin, et que des troupes sur un terrain détrempé ne produisent pas de nuage, il semble que Domon, Subervie et le 6e corps n'aient pas fait mouvement à ce moment là.

Est-ce bien à ce moment là que Napoléon dicte à Grouchy la lettre que celui-ci ne recevra qu'à sept heures, et qui contiendrait ce post-scriptum : "Une lettre qui vient d'être interceptée porte que le général Bülow doit attaquer notre flanc droit. Nous croyons apercevoir ce corps sur les hauteurs de Saint-Lambert. Ainsi ne perdez pas un instant pour vous rapprocher de nous et nous joindre, et pour écraser Bülow que vous prendrez en flagrant délit."

Cette lettre ne se trouve pas dans le registre du major-général, et plusieurs indices donnent à  penser que celle qui est connue a pu être "arrangée".

 

La grande batterie

"Je ferai jouer ma nombreuse artillerie, avait dit l'Empereur. En effet, une concentration de canons, qui devait originairement être composée de 24 pièces de 12, fut augmentée par les batteries divisionnaires pour arriver à constituer "la grande batterie", dont Napoléon porte le chiffre à 80 pièces. Elle fut disposée sur une arête devant la Belle-Alliance, à droite de la chaussée. La grande batterie ouvrit le feu vers une heure pour préparer l'attaque du 1er corps. Mais ce feu d'artillerie, qui ne pouvait se faire que par approximation contre des troupes dissimulées à la vue, sur un terrain détrempé où les boulets ne ricochaient pas, n'eut pas les effets qu'en attendait Napoléon.

 

Attaque du 1er corps.

Conformément à l'ordre dicté à onze heures, Ney et le comte d'Erlon lancent l'attaque contre les positions anglaises.

Les quatre divisions du premier corps d'armée sont rangées selon un dispositif inhabituel, qui n'est pas prévu par le règlement : les bataillons déployés alignés les uns derrière les autres formant des masses compactes. Ce dispositif ne permet pas aux troupes de prendre une formation défensive en cas d'attaque de la cavalerie. Napoléon, dans ses dictées, n'a jamais critiqué la disposition adoptée. C'est Jomini qui le premier y voit une des causes du désastre. Et puisque faute il y avait, il convenait de trouver un responsable, un coupable : Ney ou d'Erlon, (puisqu'il était impossible d'imaginer que Napoléon ait pu commettre une telle faute), lequel des deux pouvait avoir été assez inepte pour ordonner une telle formation "macédonienne" ? Pourtant, vu la latitude que laissait Napoléon à ses subordonnés, il y a tout lieu de croire que c'est lui même qui a ordonné cette formation. Bugeaud d'ailleurs écrira en 1833 au maréchal Soult : Il est bien surprenant que Napoléon ait plusieurs fois commandé lui-même cette ordonnance de combat, qui ne vaut même rien comme manœuvre préparatoire, car on ne peut qu'avec de grandes difficultés se former sur l'un des côtés du carré.

La 1ere division attaque la ferme de la Haie-Sainte, les 2e et 3e traversent le vallon et avancent avec difficulté dans les terres détrempées. Au moment où les troupes s'apprêtent à franchir le chemin, elles sont assaillies à la baïonnette par l'infanterie de Picton, puis par la cavalerie lourde britannique. Celle-ci taille dans les colonnes françaises, qui ne forment plus qu'un troupeau désorganisé, et sur sa lancée, traverse le vallon et vient jeter le désordre dans les pièces de la grande batterie. Mais une brigade des cuirassiers de Milhaud, et le 4e régiment de lanciers anéantissent pratiquement les dragons britanniques, dont les débris sont recueillis par la cavalerie de Vandeleur.

Pendant ce temps, à gauche de la route, une brigade de cuirassiers, chargée par Ney de nettoyer les abords de la Haie-Sainte, se fait ramener par la brigade des Guards à cheval de Somerset.

L'échec de l'attaque du 1er corps est complet. Les Alliés ont fait 3000 prisonniers, mis hors combat une quinzaine de pièces d'artillerie et pris deux aigles.

Les 2e et 3e divisions sont absolument désorganisées. La 1re et la 4e vont poursuivre, pendant des heures, un combat d'escarmouches contre la ligne anglaise, en portant leurs efforts sur la ferme de la Haie-Sainte d'une part, et sur le hameau de Smohain de l'autre, tandis que de furieux combats se livrent autour du château d'Hougoumont.

Afin de soustraire ses troupes au feu de l'artillerie française, Wellington les fait reculer de quelques pas. Ney, voyant ce mouvement de repli, pense que les Alliés entament la retraite. Il lance sur eux les cuirassiers de Milhaud.

Ceux-ci sont suivis par la cavalerie légère de la Garde. Les cuirassiers escaladent le plateau, ce qu'on appelle le "Mont-Saint-Jean". Le centre droit allié, objet de cette attaque, s'est disposé en carrés. Les artilleurs anglais, placés en avant, tirent une dernière décharge, puis courent se réfugier dans les carrés. Les canons anglais sont aux mains des Français, inutiles trophées, puisque les Français ne songent ni à les enclouer, ni à les emporter.

A plusieurs reprises, les cuirassiers vont s'attaquer aux carrés, en vain. Napoléon estime le mouvement prématuré, mais il le fait soutenir par le corps de cavalerie de Kellermann.

Les grenadiers à cheval et les dragons de la garde, du général Guyot suivent le mouvement : Napoléon n'a plus de réserve de cavalerie.

Pendant des heures ont lieu sur le plateau des charges insensées, car elles ne sont pas combinées avec l'artillerie et l'infanterie.

Pendant qu'ont lieu ces grandes charges, la  Haie-Sainte finit par être emportée. Les Français peuvent alors s'approcher encore davantage de la ligne anglaise et harceler par un feu de tirailleurs les troupes qui se trouvent en face d'eux

Le 27th Enniskillen regiment of foot, exposé au feu des tirailleurs et d'une batterie d'artillerie à cheval, perd plus de la moitié de son effectif. C'est, pour Wellington, le moment le plus critique de la bataille. Le centre de son armée est à découvert. Il suffirait d'une dernière poussée des Français pour percer la ligne, et remporter la victoire. Mais les troupes françaises sont épuisées, à bout de forces. Et Napoléon, à cause de la disposition du terrain, ne se rend pas compte de l'état exact de la situation. D'ailleurs, son attention est attirée ailleurs.

A quatre heure et demie, des coups de feu et d'artillerie se font entendre sur la droite. D'après l'ensemble des témoignages, Napoléon ignore s'il s'agit de Grouchy ou de Blücher. Mais il ne tarde pas à être renseigné. Ce sont les Prussiens qui le prennent en flanc. Ceux-ci ont marché depuis Wavre, par d'affreux chemins étroits, encaissés, défoncés par la boue. Ils sont stupéfaits de ne trouver aucune opposition dans leur marche. Ils débouchent sur le champ de bataille sans avoir vu un seul Français, alors que le plus petit peloton aurait pu retarder une armée dans les défilés de la Lasne. Aucune force française dans le bois de Paris, ni même au-delà. Domon Subervie, Lobau n'ont pas exécuté les ordres de Napoléon. Mais les ont-ils reçus ? Et ces ordres ont-ils réellement été donnés ?

Ne serait-ce qu'à quatre heures et demie que Napoléon aurait envoyé l'ordre à Grouchy de marcher sur Saint-Lambert et d'attaquer Bülow ? Grouchy a reçu l'ordre, mais à sept heures seulement.... Combien de temps aurait-il fallu à un officier pour joindre Grouchy ? C'est Napoléon lui-même qui nous donne la réponse : deux heures !

En sortant du bois de Paris, les Prussiens forment leur ligne parallèlement à la chaussée de Bruxelles et l'étendent vers la droite, en vue de joindre la gauche de Wellington, et vers la gauche, dans la direction du village de Plancenoit, afin de prendre l'armée française à revers et de lui couper sa retraite.

Napoléon dirige vers eux le 6e corps et la Jeune Garde. Malgré leur infériorité numérique, les Français parviennent à contenir Bülow. A l'extrême droite, les troupes de la division Durutte redoublent d'efforts pour empêcher la jonction des Prussiens et de la gauche alliée, et ils s'emparent du hameau de Smohain.

Mais pour Blücher, l'objectif est atteint : donner de l'air à l'armée de Wellington, qui résiste jusqu'à la limite aux furieuses attaques de Ney.

 

Un peu avant sept heures, on aperçoit à la droite de la première ligne française, dans la direction d'Ohain,  un feu d'artillerie et de mousqueterie.

Est-ce Grouchy qui prend les Alliés à revers ? Napoléon fait annoncer l'heureuse nouvelle aux troupes sur toute la ligne, afin de stimuler leur ardeur. Mais ce n'est pas Grouchy. C'est le corps de Ziethen qui, parti de Bierges à 2 heures, était arrivé vers 6 heures en vue du champ de bataille. Sur les instances pressantes du général Müffling, attaché prussien auprès de Wellington, le 1er corps, au lieu d'aller rallier le corps de Bülow, va renforcer la gauche anglaise à Smohain et la Papelotte. Ces nouvelles forces prussiennes se joignent à l'armée de Wellington à l'angle de jonction des deux lignes françaises.

Napoléon jette alors ses dernières réserves dans la bataille : les bataillons de la Moyenne Garde s'avancent, gravissent la pente du plateau, renversent une ligne de tirailleurs, mais sont accueillis par le feu le plus terrible de mousqueterie et de mitraille. Un des bataillons de la Garde voit se dresser devant lui un mur rouge : ce sont les Guards de Maitland qui étaient couchés à terre et qui, se dressant au commandement de Wellington, font feu pratiquement à bout portant.

Cette attaque trop faible n'est soutenue ni par la cavalerie, ni par l'artillerie, ni par les débris des 1er et 2e corps épuisés. Arrêtée par les Guards britanniques, prise en flanc par les Néerlandais de Chassé et par le 52nd light Infantry, la Moyenne Garde chancelle, recule. A la vue de l'échec de cette troupe réputée invincible, l'armée, dont le moral a été affecté lorsqu'elle s'est rendue compte que l'arrivée annoncée de Grouchy n'était qu'un leurre, se débande. Tous, infanterie, artillerie, cavalerie confondues, se précipitent sur la route, dans l'espoir d'échapper à l'étreinte des troupes anglaises et prussiennes.

La brigade de cavalerie légère anglaise Vivian, ramenée de la gauche au moment de l'arrivée de Ziethen, est lâchée dans la plaine et sabre les fuyards.

Wellington, conscient de ce que le moment est venu de transformer une défensive acharnée en victoire retentissante, sous peine de laisser le profit politique de la bataille à ses alliés prussiens, donne l'ordre à son armée d'avancer.

La Vieille Garde, qui n'a pas encore donné et qui est formée en carrés le long de la chaussée, contient pendant quelque temps l'avance alliée. Mais dans la panique générale, elle ne peut pas changer la face des choses. Quelques moments de résistance, sans doute ornés de gros mots plutôt que de phrases héroïques, seront grossis outre mesure, et fourniront matière à tableaux consolateurs. Entraînée elle-même par ce mouvement inexplicable, la Garde suit, mais en ordre, la marche des fuyards.

 

A Plancenoit, où la lutte s'est poursuivie avec un acharnement extraordinaire, deux bataillons de la Vieille Garde ont tenu le village jusqu'à la tombée du jour, permettant le repli des débris de Lobau.

Les Prussiens de Ziethen, qui débouchent du chemin d'Ohain, ont repoussé les Français devant eux ; ils ont comme objectif le cabaret de la Belle-Alliance, bien visible de loin. C'est là que Blücher rencontrera Wellington en le saluant en français : "Quelle affaire !" Les deux commandants en chef conviennent que la poursuite sera confiée aux Prussiens, les troupes anglaises étant dans un état d'épuisement qui leur interdit tout effort supplémentaire.

Les débris de l'armée française s'engouffrent le long de la chaussée vers Charleroi. Dans la petite ville de Genappe, le pont sur la Dyle, passage obligé, forme un défilé étroit qui ne fait qu'accroître le désordre. L'arrivée des troupes prussiennes chasse les fugitifs qui avaient pensé pouvoir y passer la nuit. Napoléon manque être pris au moment où il monte dans sa berline. Il n'a que le temps de s'échapper, la voiture et tout ce qu'elle contient tombe aux mains des Prussiens. L'armée française n'est plus qu'un troupeau en déroute.

 

"Waterloo, écrira le professeur Bernard, est un tournant dans l'histoire de la tactique.

Si l'artillerie britannique joue un rôle capital à Waterloo, les feux de l'infanterie alliée sont également meurtriers. L'une et l'autre désagrègent les formations d'attaque adverses beaucoup trop massives ; elles annoncent les changements que devrait subir la tactique devant la puissance accrue de l'armement. Pour longtemps, le feu posté va disqualifier la méthode du choc. (...) Waterloo inaugure ainsi une ère de la tactique qui va durer 124 ans, 1815-1939 : celle de la primauté de la défense sur l'attaque. "

Napoléon, en cherchant par ses écrits à masquer sa responsabilité dans la défaite, a empêché les militaires français de tirer de la défaite les enseignements qui s'imposaient. En 1900, le colonel Foch (futur maréchal) écrira : "Les lauriers de la victoire flottent à la pointe des baïonnettes ennemies. C'est là qu'il faut aller les prendre, les conquérir par une lutte corps à corps, si on les veut". (Des principes de la Guerre.)

De 1914 à 1917, ignorant les leçons de Waterloo, l'armée française attaquera "à la pointe des baïonnettes".

Charles de Gaulle, prisonnier en Allemagne, écrira dans ses carnets, en 1916 : "quelle erreur d'avoir voulu faire la guerre au XXe siècle d'après les formes de Napoléon..."

A quel prix ?

[1] Cité par Foy dans sa relation écrite le 23 juin 1815.

     
         

 

 

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