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Le congrès de Vienne déclare
alors que "Napoléon Buonaparte", en rompant le
traité de Paris, "s'est mis hors la loi, qu'il a
démontré qu'il ne saurait y avoir ni paix ni trêve
avec lui". Il affirme sa volonté de maintenir la
paix, "et d'étouffer dans sa naissance tout projet
tendant à la détruire par tous les moyens que la Providence
a placés entre leurs mains."
Plutôt que d'attendre que les Alliés aient pu rassembler
leurs forces pour l'attaquer, Napoléon est décidé
à prendre les devants.Les alliés ont formé
quatre armées pour agir ensemble :
- l'armée des Pays-Bas, aux ordres du duc de Wellington,
comprend les armées anglaise, hanovrienne, brunswickoise
et néerlandaise.
- l'armée du Bas-Rhin, sous les ordres du maréchal
Blücher, est composée de troupes prussiennes et saxonnes.
- l'armée du Rhin moyen est formée de troupes russes,
sous les ordres du maréchal Barclay deTolly.
- L'armée du Haut-Rhin sous les ordres du prince Schwarzenberg
compte des troupes autrichiennes et des différents Etats
allemands.
Décidés
à agir ensemble, les Alliés prévoient une marche
convergente, mais ils doivent attendre l'arrivée des Russes,
et ne peuvent pas prendre l'offensive avant le 1er juillet.
En attendant,
les Anglais et les Prussiens se concentrent dans les Pays-Bas afin
de couvrir le nouveau royaume (formé par l'union de la Belgique
et de la Hollande) contre une offensive de Napoléon.
Napoléon
décide de porter l’offensive en Belgique, avec le maximum
de ses forces disponibles (à peu près 120.000 hommes),
de battre séparément les armées de Wellington
et de Blücher, puis de se retourner contre les Russes et les
Autrichiens, dont les armées sont encore en route.
Son plan aurait consisté à se porter avec toute son
armée par Charleroi vers le point de jonction des deux armées,
s’enfoncer entre elles, empêcher leur réunion par un
gros détachement, pendant que l’armée principale bat
l’armée prussienne, avant de se retourner contre les Anglais
et de les battre à leur tour.
Napoléon concentre son armée à la frontière
belge. Les Alliés sont informés de ces préparatifs,
mais de façon incomplète, et craignant une feinte,
ils ne peuvent dégarnir leur ligne: pour pouvoir faire face
à toute éventualité, ils sont obligés
de garder leurs troupes disséminées sur une grande
largeur et une grande profondeur. L’assaillant aura évidemment
l’avantage… dans un premier temps.
La rapidité de concentration et de liaison des armées
alliées entre elles sera un élément déterminant
pour l'issue de la campagne.
Napoléon
quitte Paris le 12 juin, et arrive le lendemain soir à Avesnes
où il passe la nuit. Le 14, jour anniversaire de Marengo
et de Friedland, il dicte une proclamation enflammée à
l’armée dans laquelle il désigne l’ennemi : «
les princes ennemis de la justice et des droits de tous les
peuples », (oubliant que lorsqu’il dominait l’Europe,
il distribuait des royaumes à ses frères, il annexait
des pays, contre la volonté des peuples) ; puis il porte
son quartier général à Beaumont, où
il dicte un ordre de mouvement extrêmement détaillé
pour le lendemain.
Le 15 juin,
à 3 heures et demie du matin, les premiers éléments
franchissent la frontière. L'armée française
marche sur trois colonnes : à gauche les corps de Reille
(2e) et de d'Erlon (1er), par Thuin et Marchienne ; au centre, Vandamme,
Lobau, la Garde impériale et la réserve de cavalerie,
par Ham-sur-Heure et Marcinelle ; à droite, le corps de Gérard
par Florenne et Gerpinnes, vers Châtelet.
Mais partout il se produit d'importants retards.
Suite à un accident dans la transmission des ordres, le 3e
corps, de Vandamme, qui n'a pas reçu son ordre de mouvement,
quitte ses bivouacs avec cinq heures de retard, et retarde ainsi
toutes les troupes qui devaient le suivre.
Pire : sur la droite, un des généraux de division
du 4e corps, Bourmont, passe à l'ennemi avec quelques officiers
de son état-major, pour rejoindre le roi Louis XVIII à
Gand.
Le premier obstacle qui se présente à l'armée
française est la Sambre, qui peut être traversée
sur les ponts de Thuin, Marchienne au Pont, Charleroi et Châtelet.
Napoléon a prescrit de passer la rivière à
midi.
A gauche, le pont de Marchienne est enlevé un peu avant midi
et franchi par le 2e corps (Reille), mais le 1e (d'Erlon) ne commence
à le traverser qu'à 4 heures et demie.
Au centre, la prise du pont de Charleroi est retardée par
l'absence de l'infanterie de Vandamme. Ce sont les marins et les
sapeurs de la garde qui l'enlèvent.
A droite, le 4e corps n'arrive que tard dans l'après-midi
à Châtelet.
Au sortir de Charleroi, quelques troupes prussiennes sont établies
pour retarder l'avance française, mais offrent peu de résistance
et se retirent vers Sombreffe. Au cours d'une charge contre ces
troupes en retraite, le général Letort, un des aides
de camp de Napoléon, est blessé mortellement d'une
balle dans la poitrine.
Le maréchal Ney, appelé au dernier
moment à l'armée, ne rejoint Napoléon à
Charleroi que dans le courant de l'après-midi. L'Empereur
lui confie le commandement des 1er et 2e corps, et quelques corps
de cavalerie. Napoléon lui reprochera à Sainte-Hélène
de n'avoir pas pris les Quatre-Bras dès le 15 juin. Ses défenseurs
diront qu'il n'en avait pas reçu l'ordre, et que ses troupes
n'auraient pas pu effectuer une si longue distance tout en combattant.
.
Après avoir défait les Prussiens le 16 juin à Ligny, Napoléon
envoie le maréchal Grouchy à leur poursuite,
à la tête de la réserve de cavalerie et des 3e (Vandamme)
et 4e corps (Gérard), le tout formant une
force de 33.000 hommes. Mais les Prussiens ne sont pas dans l'état
de déroute que suppose Napoléon, et le IVe corps, celui de Bülow,
qui n'a pu prendre part à la bataille, est intact. Les premiers
rapports envoyés par la cavalerie font croire que les Prussiens
se retirent vers la Meuse, vers leur base d'opérations, et que Napoléon
a réussi à séparer les deux armées ennemies.
Napoléon
lui-même se dirige vers les Quatre-Bras où il rejoint le maréchal
Ney, tenu en échec la veille par l'armée de
Wellington.
Celui-ci,
qui vient d'apprendre la défaite des Prussiens à Ligny, décide à
10 heures du matin, de se retirer dans la direction de Bruxelles,
et d'occuper une position
étudiée d'avance, celle de Mont-Saint-Jean, en avant de la
forêt de Soignes, un peu en avant du petit village de Waterloo.
Il envoie un message pour en informer Blücher et lui dire qu'il
accepterait la bataille s'il pouvait compter sur l'appui d'un corps
prussien au moins.
Sous
une pluie battante, l'avant-garde française menée par l'Empereur,
talonne l'arrière-garde britannique, et c'est vers six heures du
soir qu'elle arrive à hauteur de la Belle-Alliance. Napoléon fait
ouvrir le feu par quelques pièces. La réponse de l'artillerie ennemie
montre que les Alliés ont pris position. Mais il est trop tard pour
forcer le passage : "L’horizon,
qui était gris, ne permettait pas à l’œil nu de voir distinctement
", écrira le mameluk Ali.
L'épaisse couverture nuageuse avance
la tombée de la nuit. Le
général Drouot, le sage de la Grande Armée,
aide de camp de l'Empereur, raconte ainsi l'arrivée : "Il
faisait un temps affreux. Tout le monde était persuadé que l'ennemi
prenait position pour donner à ses convois et à ses parcs le temps
de traverser la forêt de Soignes, et que lui-même exécuterait le
même mouvement à la pointe du jour."
Dans
ces conditions, la nécessité ne se fait pas sentir de procéder à
un examen méthodique du terrain.
Cette
erreur sera lourde de conséquences le lendemain.
Napoléon
se retire en arrière, à la ferme du Caillou.
Dans
ses "Mémoires pour servir à l'Histoire de France en 1815",
il a raconté qu'il est sorti pendant la nuit pour procéder à une
minutieuse reconnaissance du champ de bataille. Conscient de ce
que la méconnaissance du terrain lui avait coûté, il a raconté ce
qu'il aurait dû faire. Mais vu les conditions climatiques, cette
sortie nocturne, qui n'est confirmée par aucun témoignage, n'aurait
rien pu lui apprendre. Les mémoires de son valet de chambre Marchand
et de son mameluk Ali, le témoignage du général Bernard laissent
peu de place au doute : Napoléon n'est pas sorti du Caillou pendant
la nuit.
D'ailleurs,
il est épuisé, il reste dans son lit, mais il ne dort pas beaucoup,
étant dérangé sans cesse par les allées et venues des officiers
porteurs de rapports.
Vers 2 heures
arrive une lettre de Grouchy, écrite de
Gembloux à 10 heures du soir, qui lui annonce qu'une colonne prussienne
se retire vers Wavre ; mais cette information ne paraît pas lui
faire prendre conscience du danger d'une jonction des armées de
ses adversaires car, malgré les instances de l'officier qui en était
porteur, il ne dicte pas de réponse.
Chez les Alliés
par contre, la liaison est bien établie. Wellington reçoit un message
de Blücher : le vieux maréchal répond qu'il viendra non pas avec
un corps, mais avec toute son armée, et il propose, si Napoléon
n'attaque pas le 18, de l'attaquer ensemble le 19.
Les troupes françaises sont disséminées
entre Genappe et la Belle-Alliance. La pluie n'a pas cessé. Triste
nuit pour ces hommes trempés, affamés, exténués, qui n'ont pas eu
le temps de trouver du bois, et n'ont donc pas de feux pour se sécher,
ni de quoi se mettre à l'abri de la pluie. On dort à même le sol,
dans la boue, ou dans les moissons trempées. Pour se préparer à
livrer la bataille la plus importante de leur carrière, les conditions
sont loin d'être idéales. Bien qu'on soit au mois de juin, il souffle
un vent d'est glacé. Ce qui augmente la rancœur des Français, c'est
l'idée que ceux d'en face, eux, ont de meilleures conditions : bien
nourris, bien à l'abri des intempéries. Pourtant, il n'en est rien.
Pour les Anglais et les Alliés aussi, la nuit est détestable. Peu
de ravitaillement, et des abris précaires. Les vétérans d'Espagne
ne se rappellent pas avoir eu une aussi mauvaise nuit pendant toutes
leurs campagnes de la Péninsule.
Le lendemain, les soldats voient
venir le jour avec plaisir. Les plus débrouillards trouvent de quoi
manger, un peu de bois pour allumer quelques maigres feux.
Les armes sont démontées, séchées,
graissées, les amorces sont renouvelées, car l'humidité de la nuit
les a mises hors d'état de tirer ; quand il y a moyen, les soldats
font sécher les capotes.
Mais
le moral, chez les Français, est bas*.
(Suite
du récit.) |
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