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Fauche-Borel

 

Notice de l'Encyclopédie des Gens du Monde

   
 

FAUCHE- BOREL (Louis), l'un des agents d'intrigues du parti royaliste durant l'émigration, naquit en 1762 à Neufchâtel (Suisse), d'une famille religionnaire française, originaire de la Franche-Comté et que la révocation de l'édit de Nantes avait forcée de s'expatrier. Une vocation toute spéciale dut pousser à la carrière scabreuse qui a rempli sa vie d'agitations et de mécomptes cet homme qui se flattait de l'ennoblir par le but qu'il lui serait donné d'atteindre. Destiné au commerce de la librairie par son père, l'un des fondateurs de la célèbre Société typographique de Neufchâtel, il eut, très jeune encore, et dans un voyage qu'il avait fait pour son instruction à Hambourg, diverses relations avec le célèbre Klopstock.
Quelques années plus tard, se trouvant lui-même à la tête d'un vaste établissement typographique, il se produisit en France comme éditeur près des notabilités littéraires de l'époque ; il connut l'abbé Raynal, Mercier, le marquis de l'Angle, Mirabeau, et ce fut de ses presses que sortit la première édition des Confessions de J.-J. Rousseau. Toutes ces circonstances doivent être notées à cause de l'influence qu'elles eurent sur le développement de cette ambition que le jeune Fauche-Borel exprimait avec une naïveté quelque peu plaisante par la citation de ce vers fameux

   
 

L'amitié d'un grand homme est un bienfait des dieux!

Dans un de ses fréquents voyages à Paris, au commencement de la révolution, Fauche-Borel reçut de l'auteur d'un misérable pamphlet contre la reine la proposition de l'imprimer : non content de s'y être refusé, il crut convenable de porter à la connaissance de la princesse et le fait de son refus et le pamphlet lui-même. Cette démarche lui valut une présentation à l'Œil de Boeuf et quelques mots obligeants de la part de la reine. Il n'en fallut pas plus pour exalter l'imagination ardente de Fauche-Borel et déterminer ce dévouement qui l'attacha depuis à la cause des augustes infortunes. L'un des premiers gages qu'il en donna fut de se charger, après l'arrestation de Louis XVI à Varennes, d'imprimer et de répandre le petit factum intitulé : Protestation des princes, etc.
Les relations qu'il entretenait avec le parti , autant que les suggestions de son propre zèle, firent de lui en 1795, sous la direction du comte de Montgaillard, l'intermédiaire des relations du prince de Condé avec le général Pichegru. C'est au quartier-général d'Altkirch, le 14 août de celte année, qu'il noua les premières intelligences de l'intrigue qui gagna Pichegru au parti royaliste,que toutefois le général se montra résolu, dès l'abord, à ne servir qu'en dehors de toute coopération de l'étranger et sous certaines garanties de confiance mutuelle.
Pour mieux masquer ses menées, Fauche-Borel s'installa comme imprimeur à Strasbourg, d'où il suivait sa négociation avec Pichegru ; il y fut arrêté le 21 novembre 1795 par ordre du Directoire, qui, instruit de leurs pratiques ne put toutefois en saisir la moindre preuve propre à établir judiciairement le complot.
Fauche-Borel n'eut pas plutôt recouvré sa liberté qu'il se mit en devoir de renouer des intelligences qui désormais allaient nécessiter de sa part une audace et une habileté extraordinaires. Des le mois de juin 1796, le Prétendant (Louis XVIII), avec qui Fauche-Borel avait été mis en communication directe, chargea le fidèle Neufchâtelois d'une nouvelle mission près de Pichegru , alors retiré à Arbois. C'est là qu'aurait été définitivement entendue entre eux la question de la constitution à donner par Louis XVIII, comme point de départ de tout concert entre le général et le Prétendant. Vers le même temps fut aussi répandue par ses soins, dans l'intérieur de la France, la Déclaration de Louis XVIII du 10 mars 1797 , dans laquelle ce prince parlait de la constitution de l'Etat et des améliorations qu'il désirait y introduire en interrogeant le voeu public à cet égard.
Les élections de l'an V ayant amené Pichegru au conseil des Cinq Cents, et la présidence de ce conseil lui ayant été déférée (20 mai 1797), ses communications avec le parti royaliste prirent plus d'activité et nécessitèrent la présence de Fauche-Borel à Paris. Mais, peu de mois après, éclata le 18 fructidor, qui terrassa le parti royaliste au moment où il croyait triompher ; de plus, la saisie des fourgons du général Klinglin ne tarda pas à mettre au grand jour la correspondance de Pichegru, irrécusable témoignage des menées de Fauche-Borel. Avant toutefois réussi à s'échapper, ce dernier n'en poursuivit qu'avec plus d'activité ses manoeuvres à Neufchâtel ; et quand l'invasion de la Suisse par les Français vint accroître autour de lui les périls, il nouait, au coeur même de la république, les fils de l'intrigue dans laquelle entra le directeur Barras avec quelques agents du cabinet britannique et Pichegru lui-même, récemment évadé de Cayenne et qui venait de se rendre à Londres. Fauche-Borel y vint aussi après avoir traversé Augsbourg, Berlin et Hambourg, et, dès leurs premières entrevues, ils convinrent de repasser sur le continent pour combiner leurs manoeuvres avec celles des cabinets relatives à la formation de la deuxième coalition. À Mitau, où il se rendit peu de temps après avec le marquis de la Maisonfort, Fauche-Borel reçut de Louis XVIII des lettres patentes destinées à Barras, à qui la journée du 18 brumaire ne laissa pas le temps d'effectuer le complot de restauration auquel il donnait les mains. Plusieurs autres excursions, dans lesquelles nous ne pouvons suivre Fauche-Borel et le fil de ses intrigues, le rapprochèrent de Pichegru ; mais il en fut de nouveau séparé par le sauve qui peut du parti, auquel donnèrent lieu les arrestations de Baireuth.
De nouveau ramené à Neufchâtel par les intérêts du parti et les besoins de sa propre sûreté, Fauche-Borel ne tarda pas à y recevoir une nouvelle mission du Prétendant près de la police spéciale instituée à Londres pour diriger de ténébreuses attaques contre le gouvernement français, alors même que se traitaient les préparatifs de la paix d'Amiens. De Londres, il fut envoyé à Paris, comme intermédiaire de l'intrigue déjà nouée par l'agence royaliste avec Moreau et, quoique arrêté bientôt après et jeté dans les prisons du Temple, il n'y suivit pas avec moins d'activité près de ce général l'objet de sa mission, et il réussit à le mettre en communication avec Pichegru et Georges Cadoudal. Il parvint à s'évader du Temple au moment où le complot était près d'éclater ; mais ressaisi presque aussitôt, il sut se soustraire, durant l'instruction du procès des conjurés, aux investigations faites pour l'y impliquer ; puis resserré plus étroitement à la Force, il finit par obtenir son élargissement par voie diplomatique en qualité d'étranger, et comme tel fut jeté hors de la frontière de France, à Wesel. L'importance de ce personnage s'accrut alors tant en raison de l'habileté dont il avait fait preuve qu'à cause des nouveaux services que les ennemis de la France se promettaient d'un agent aussi subtil, au moment où s'organisait contre elle la troisième coalition des puissances. C'est ainsi que Fauche-Borel se trouva lié aux dernières manoeuvres du comte d'Antraigues. Après la bataille d'Austerlitz, une commission spéciale du gouvernement français venait d'être dépêchée pour enlever Fauche-Borel à Berlin quand, par les bons offices de la reine de Prusse, il échappa à ce péril en se réfugiant à Londres. Dans l'intervalle, cet agent, que nous n'essaierons plus de suivre dans toutes ses nouvelles intrigues, avait été chargé par Louis XVIII d'imprimer et de répandre sa fameuse déclaration de Calmar (2 décembre 1804). L'épisode le plus dramatique qu'offre la suite des événements de sa vie est assurément cette lutte acharnée qu'il a soutenue jusque sous les premières années de la Restauration contre un autre agent secret nommé Perlet, ancien journaliste, lequel, employé à la correspondance dirigée par Fauche-Borel en tiers avec MM. de Puisaye et d'Antraigues, se trouva n'être qu'un espion de la police impériale qui avait su se produire près de l'agence royaliste pour en déjouer les intrigues. Vaincu pour la première fois en subtilité par cet espion politique auquel il s'était livré sans réserve, Fauche-Borel voulut à tout prix avoir raison d'une mystification qui avait coûté la vie à un sieur Vitel, son neveu, que les dénonciations de ce Perlet avaient conduit au supplice. Les détails de la procédure qu'il poursuivit contre lui devant le tribunal de police correctionnelle de la Seine sont consignés dans les deux écrits suivants : Mémoire pour Fauche-Borel contre Perlet, etc., Paris, 1816, in-4° et deux. édit.; et Réponse de Fauche-Borel à M. Biffé, substitut de M. le procureur du roi, ayant porté la parole dans l'affaire contre Perlet suivie du jugement rendu (24 mai 1816) contre ce dernier, 1816, in-8°.
A la suite des démêlés qu'il avait eus également avec M. de Puisaye, Fauche-Borel avait été un moment écarté par la police spéciale de Londres de toute participation aux affaires de l'agence royaliste; un ordre de déportation avait même été rendu contre lui ; mais il reprit le dessus, se rétablit dans la confiance des agents britanniques, en faisant écarter à son tour le comte de Puisaye, et, dans les derniers temps, il avait obtenu à Londres des lettres de naturalisation et une pension. Les communications qu'il continua d'avoir avec les princes français lui assignèrent un rôle assez actif parmi les agents qu'ils employèrent pour opérer la Restauration. Cependant, depuis 1814, il trouva chez l'homme de confiance par excellence de Louis XVIII, M. de Blacas, une répulsion fondée sur les mêmes soupçons qu'avait eus contre lui M. de Puisaye. Aussi, lorsque pendant les Cent Jours il se rendit près de lui à Gand, quoiqu'il se dit porteur d'une lettre autographe du roi de Prusse, dont il avait continué à être l'agent et dont il était redevenu le sujet, non-seulement il fut éconduit par M. de Blacas, mais, sur les poursuites du baron d'Eckstein, agent de ce dernier, il fut saisi et incarcéré à Bruxelles. Il fallut une intervention diplomatique du cabinet prussien pour le rendre à la liberté. Il repassa en Angleterre après l'avènement de Georges IV, et ses dépositions dans le procès instruit contre la reine lui valurent une sorte de réhabilitation dans la confiance des familiers de la cour des Tuileries. L'autorité publique de sa ville natale fut plus inflexible à son égard et ne voulut point l'admettre dans la qualité de consul général de Prusse que lui avait fait conférer le prince de Hardenberg. Il y fixa néanmoins son séjour ; mais le 7 septembre 1829 il y mit fin à sa vie.

Ses services avaient été payés d'ingratitude ; longtemps oublié des Bourbons qui lui devaient tant, il avait enfin reçu de Charles X, pour toute récompense, une pension de 5.000 fr. qui ne suffisait pas à ses besoins. Pour se venger des hommes dont il avait à se plaindre, il publia ses Mémoires, qui, achevés vers le temps de sa mort (Paris, 1830 , 4 vol. in-8°), ne firent aucune sensation..

     

 

 

 

     

 

 

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