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1789-1815.com
 

  Waterloo   >   Relations  > Témoin oculaire

Dernière modification: 11/03/2004

Relation d'un témoin oculaire

"Relation fidèle et détaillée de la dernière campagne de Buonaparte, terminée par la bataille de Mont-Saint-Jean, dite de Waterloo ou de la Belle-Alliance, par un témoin oculaire.
Paris, J. G. Dentu, Imprimeur-Libraire, rue du Pont de Lodi, n° 3, près le Pont-Neuf. 1815.

 

   

(Début)

(...)
On se plaignait beaucoup, de ce côté, de la charge des cuirassiers, à la non réussite de laquelle on attribuait tout le mal qui était survenu ; on les accusait de n'avoir pas abordé franchement les bataillons ennemis, au milieu desquels ils avaient cependant pris un drapeau, et on allait même jusqu'à soupçonner de la trahison. Ces bruits, qui se propagèrent bientôt dans toute l'armée, ayant produit une fâcheuse impression sur l'esprit des soldats , on s'empressa de répandre que plusieurs généraux qui avaient trahi , au nombre desquels figurait le général Bourmont, avaient été livrés à une commission militaire, et fusillés.

En résumé, si la bataille de Ligny, à laquelle on doit joindre celle des Quatre-Bras, quoique très sanglante, ne donna aucun des résultats qui signalent une grande victoire, on la regardait cependant comme d'une très haute importance relativement aux évènements ultérieurs de la campagne. Chacun s'accordait à dire que Buonaparte avait atteint le but qu'il s'était proposé, -

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et qu'ayant séparé entièrement les deux armées anglaise et prussienne l'une de l'autre, il avait coupé entr'elles toute communication. Cet avantage paraissait très précieux, et d'autant plus grand, qu'il suffisait d'un corps très faible pour observer et poursuivre les Prussiens après les pertes qu'ils venaient d'essuyer, ce qui donnait à l'armée française la facilité de se porter toute entière contre les Anglais.
Ce fut dans l'intention de réaliser ce projet, que le 17, aussitôt que le jour parut, Buonaparte, après avoir laissé les 3e et 4e corps, ainsi que la cavalerie du général. Pajol sous les ordres du maréchal Grouchy pour suivre et observer les Prussiens, marcha vers les Quatre-Bras avec sa réserve et le 6e corps. Les Anglais paraissaient occuper encore la même position que la veille : Buonaparte s'occupa de la reconnaître, et l'armée française resta en observation jusque vers les onze heures du matin, pour attendre les troupes de la droite, auxquelles on assignait des emplacements à mesure qu'elles arrivaient. Il pleuvait continuellement, et les chemins de traverse, que les pluies antérieures avaient déjà beaucoup dégradés,

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devenaient de plus en plus impraticables pour l'artillerie.
Toutes les dispositions étaient faites pour attaquer, et les masses françaises réunies s'avançaient en ligne sur les hauteurs de Frasnes, lorsqu'on s'aperçut que les Anglais avaient manoeuvré de manière à nous masquer une retraite, déterminée sans doute par les détails qui leur avaient été transmis sur l'affaire de Ligny, et à laquelle ils avaient consacré une partie de la nuit, ainsi que le temps que nous avions employé dans la matinée à concentrer nos forces.
Les troupes que l'on voyait sur les plateaux, à l'entrée du bois et sur la route, n'étaient autre chose qu'une forte arrière-garde destinée à soutenir ce mouvement qu'elle suivit dès qu'il fut complètement effectué : Buonaparte se mit aussitôt à leur poursuite avec sa cavalerie, et toute l'armée accéléra sa marche vers Bruxelles.
Pendant cette marche très rapide, l'ardeur des troupes était incroyable ; elles ne voyaient dans la retraite adroite et parfaitement bien opérée des Anglais, qu'une, déroute qui ne devait s'arrêter qu'à leur embarquement. Déjà l'on se promettait qu'ils ne tiendraient plus, et que livrés à leurs propres forces, ils allaient, en -

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nous abandonnant Bruxelles, regagner au plus vite leurs vaisseaux. L'artillerie, les équipages et l'infanterie de l'armée filaient avec une sorte d'encombrement et de précipitation sur la route, couverte, d'une boue épaisse et charbonneuse, tandis que' la cavalerie marchait sur les côtés, à travers des moissons qui partout étaient fort belles, et qu'elle réduisait en fumier. Les chevaux enfonçaient jusqu'au ventre dans cette terre noire, ramollie et extrêmement collante, et ne s'en arrachaient qu'avec beaucoup d'efforts, ce qui ralentissait considérablement la marche , et la rendait très pénible. On rencontrait de distance en distance, sur la route, quelques caissons anglais abandonnés, et des voitures dont les roues étaient brisées.

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On traversa le champ de bataille des Quatre-Bras, qui était couvert de morts et de débris, et sur lequel se trouvait un assez grand nombre de blessés français , qui n'avaient point été enlevés . On fut à même d'apprécier combien l'affaire. avait été meurtrière pour les deux partis ; mais, d'après les apparences, les Anglais avaient perdu beaucoup plus de monde que nous : les plateaux qui séparaient de la route le bois où ils étaient en position, et particulièrement la lisière de ce bois et le chemin creux pratiqué en arrière de cette lisière, étaient cachés sous des monceaux de cadavres, dont la plus grande partie était des Ecossais. Leur costume, qui consiste en une espèce de jaquette plissée, faite d'une étoffe brune, parsemée de raies bleues et vertes, et qui, ne descendant que jusqu'au-dessus du genou, laisse à nu une partie de la jambe, attirait singulièrement les regards des soldats français, qui les désignaient sous le nom de sans culottes.

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Buonaparte, avec son avant-garde, poursuivit les Anglais jusqu'à la nuit, et ne s'arrêta qu'à l'entrée de la forêt de Soignes, où ils lui opposèrent une résistance qu'il désespéra de surmonter ce jour-là. Après les avoir canonnés et harcelés aussi longtemps que le jour le lui permit, il fit prendre position à ses troupes, et établit son quartier-général à la ferme de Caillou, près Planchenois. Les principales masses de l'armée campèrent à Genappe et dans les environs de cette petite ville.  

 

 

 

La nuit fut affreuse ; une pluie continuelle, et qui tombait par torrents, fit cruellement souffrir les troupes qui, bivouaquées au milieu de la boue et des moissons mouillées, n'eurent pas le temps de se construire des abris ; mais si cette nuit fut terrible pour le soldat, à quels désastres n'exposa-t-elle pas les malheureux habitants des contrées occupées par l'armée, qui, de toutes parts épouvantés, abandonnaient leurs maisons livrées à tous les ravages, en se demandant si les forcenés qui fondaient ainsi sur eux, étaient des Français ou des Tartares échappés tout à coup des déserts de l'Asie pour se gorger de butin ?

 

p. 45

Critique qui rejoint celle du général Radet, de la Gendarmerie.

 

On était généralement persuadé que l'armée anglaise consacrerait la nuit à continuer son mouvement de retraite, et personne ne mettait en doute qu'on ne dût le lendemain arriver à Bruxelles : ainsi l'on se plaisait à considérer la campagne comme terminée, puisque déjà l'on se croyait maître de cette ville, et que le maréchal Grouchy, qui, à ce que l'on supposait, devait coucher à Namur, ne pouvait manquer d'arriver à Liége en même temps que Buonaparte dans la capitale des Pays-Bas. Quelques soi-disant déserteurs, qui n'étaient autre chose que des espions, assuraient que l'armée belge n'attendait qu'un engagement pour passer toute entière de notre côté ; mais que connaissant ses dispositions, on la tenait toujours en arrière ; ils ajoutaient que, depuis le commencement des hostilités, on avait une telle peine à la contenir, qu'il ne serait pas étonnant que, malgré les précautions qu'on prenait à son égard, elle ne tombât inopinément sur les Prussiens, à qui surtout elle portait une haine implacable.  

 

p. 46

Quoiqu'il en soit, le jour ayant paru, l'armée prit les armes et fut très surprise de voir que les Anglais avaient non seulement conservé toutes leurs positions de la veille, mais qu'ils paraissaient encore très disposés à les défendre. Buonaparte, qui avait paru craindre qu'ils ne lui échappassent pendant la nuit, fut très satisfait de les retrouver à son réveil, et ne pouvant contenir la joie qu'il en ressentait, il dit, au moment où il les reconnaissait, à quelques personnes qui se trouvaient autour de lui : Ah ! je les tiens donc, ces Anglais !. . .  

 

 

Sans s'en inquiéter davantage, il presse, avec cette imprudente impatience qui le caractérise, la marche des colonnes qui étaient restées en arrière, et sans prendre aucune autre information, sans connaître ni la position ni les forces de son ennemi, sans s'assurer que l'armée prussienne fût bien contenue par le corps de Grouchy, il résolut d'attaquer sur le champ.  
L'armée française, qui consistait en quatre corps d'infanterie, y compris la garde, et en trois corps de cavalerie, pouvait présenter un effectif de 120,000 combattants*, et se trouva rassemblée vers les dix heures, en avant de Planchenois, sur des hauteurs parallèles à celles qu'occupait l'armée anglaise, que l'on découvrait en position sur les plateaux situés en avant de la forêt de Soignes, à laquelle elle était appuyée. * Chiffres excessifs

On apercevait vers le centre, sur le Mont-Saint-Jean, en arrière et autour de la ferme du  même nom, de fortes masses d'infanterie qui couronnaient un vaste plateau au-devant duquel on distinguait facilement des redoutes, dont la terre fraîchement remuée paraissait d'une couleur différente à celle du sol : ce plateau se prolongeait des deux côtés, le long de la lisière de la forêt, en diminuant beaucoup de largeur, et était couvert de batteries. La droite de l'armée anglaise s'appuyait au village de Merke-Braine, ayant devant elle la ferme d'Hougoumont, environnée d'un bois coupé par plusieurs ravins ou sinuosités profondes ; sa gauche s'étendait vers Wavres, couverte aussi par un ravin et la ferme de la Haye-Sainte ; on n pouvait se rendre compte de son développement que jusque derrière Smouhen, où se trouvaient les troupes brunswickoises, et où l'on présumait que se terminait la ligne.  En général, excepté sur le grand plateau que l'on regardait comme le centre de l'armée anglaise, on voyait peu de troupes ; mais ne devait-on pas supposer, comme on en acquit la certitude pendant l'affaire, qu'elles étaient cachées dans les gorges qui séparaient les plateaux de la forêt, et dans la forêt elle-même ?

4e édition : "en arrière du village de Mont-Saint-Jean"

 

 

 

 

 

 

Le quartier-général de Lord Wellington était à Waterloo, en arrière de ses lignes établies, comme on l'a vu, de manière à traverser les routes de Bruxelles et de Nivelles.

 
A peine les troupes françaises étaient-elles réunies, que Buonaparte, qui s'était placé sur un mamelon situé à très peu de distance de l'endroit où il avait couché, sur la droite de la route, près de la ferme de la Belle-Alliance[*], et d'où il pouvait découvrir tous les mouvements, envoya l'ordre de commencer le feu. Il se promenait seul les bras croisés sur la poitrine, en avant et à une petite distance de son état-major, groupé et aligné derrière lui. Le temps était orageux, il tombait par intervalles quelques averses qui n'étaient pas de longue durée. Cette température se maintint pendant tout le jour.

[*] Le "témoin oculaire" commet la même confusion que Foy, qui prend Rossomme pour la Belle-Alliance. Voir Foy.

  p. 49

Le 2e corps fut placé à la gauche, et marcha contre la ferme d'Hougoumont. Le premier appuya sa gauche à la route, et se porta sur le centre ; le 6e tenait la droite. La garde était en réserve sur les hauteurs. La cavalerie était répartie sur les différents points ; mais les plus fortes colonnes de cette arme occupaient les deux ailes et particulièrement l'aile droite. Encore un témoin qui dit que le 6e corps tenait la droite...
(position du 6e corps)
Vers midi, les premiers coups de canon partirent des lignes françaises, et de nombreux tirailleurs s'en détachèrent pour entamer l'action. La gauche attaqua vivement la ferme d'Hougoumont, dont les bâtiments avaient été crénelés par les fantassins qui les occupaient en force, et qui s'y battaient avec une extrême opiniâtreté. Des bataillons et des escadrons se portèrent en même temps contre les masses placées derrière cette ferme, et qui y envoyaient continuellement des renforts. L'engagement se décida peu de temps après sur la droite avec la même ardeur, et le centre, s'avançant graduellement pour suivre le mouvement des deux ailes, et agir de concert avec elles, un feu très soutenu ne tarda pas à s'allumer sur toute la ligne : l'affaire devint donc bientôt générale et s'annonça dès le début comme devant être très chaude et très sérieuse. Après une heure d'un combat meurtrier, et pendant lequel la canonnade et la fusillade furent de mieux en mieux nourries de part et d'autre, les Anglais parurent se retirer un peu, et l'armée française resserra ses approches : l'artillerie se porta en avant sur toute la ligne, et les colonnes la suivirent.  

 p. 50

Nos troupes s'engageaient ainsi peu à peu, non sans éprouver de grandes pertes, au milieu de difficultés d'un terrain inégal, montueux et parsemé de coupures, de fossés profonds et de ravins, où elles étaient arrêtées à chaque pas par des masses nouvelles qui, cachées par les revers, n'étaient aperçues que lorsqu'on arrivait sur elles. On se disputait le terrain pied à pied, et l'on ne le cédait de part et d'autre qu'après avoir épuisé tous les moyens de résistance ; les moindres mamelons, les plus légers enfoncements, étaient souvent pris et repris plusieurs fois. Des charges répétées de cavalerie s'exécutèrent, le champ de bataille se jonchait de morts, et le feu, au lieu de se ralentir, devenait de plus en plus violent. On se battait des deux côtés avec une égale furie ; la défense était aussi opiniâtre que l'attaque était impétueuse.]  * Importance de la configuration du  terrain

 

 p. 51

On annonça bientôt que de fortes masses allaient marcher à la baïonnette sur le Mont-Saint-Jean, tandis que la cavalerie des ailes déboucheraient et chargeraient les pièces qui paraissaient peu soutenues. On attendait avec impatience ce grand mouvement dont on se promettait une réussite complète, mais il fut retardé par les efforts obstinés que les Anglais faisaient pour tenir dans les fermes qui couvraient leurs ailes ; ils dirigeaient sans cesse, vers Hougoumont et la Haye-Sainte, des bataillons que notre cavalerie chargea à diverses reprises avec beaucoup d'intrépidité, quoique sans un grand succès ; mais ces fermes, pressées sans relâche et avec une vigueur sans égale, continuaient à se défendre. Pris et repris à plusieurs fois avec beaucoup de peine et après un terrible carnage, les bâtiments d'Hougoumont continuaient à être occupés par l'ennemi, qui s'y maintint jusqu'au moment où, impatient de ne pouvoir l'en débusquer, on se décida à y mettre le feu. On envoya en même temps contre la Haye-Sainte de nouvelles forces qui s'en emparèrent enfin après un combat fort long et très acharné. Sur tous les points on luttait l'un contre l'autre avec la même ardeur. L'artillerie anglaise faisait dans nos rangs un ravage affreux, et nous y étions tellement exposés, que les projectiles traversaient facilement toutes nos lignes et tombaient fréquemment au milieu de nos équipages, arrêtés sur la route et aux environs. Quelques obus vinrent même y éclater, et troublèrent assez leur sécurité pour les déterminer à un éloignement qui n'eut pas lieu sans quelque désordre, et que les Anglais aperçurent très bien.

 

 

 



 p. 52

 

Notre artillerie répondait avec beaucoup d'énergie et de vivacité ; mais il est probable qu'elle avait beaucoup moins de prise sur l'ennemi, dont les masses ne pouvaient être ajustées que par approximation, parce qu'elles étaient presqu'entièrement masquées par les dispositions du terrain. Les détonations continuelles et simultanées de plus de 600 bouches à feu dont se composait l'artillerie des deux armées, jointes aux feux répétés des bataillons et des tirailleurs, aux explosions fréquentes des caissons qui sautaient atteints par des obus ; le sifflement des balles et des boulets, le bruit des armes, le tumulte des charges, les cris des combattants, faisaient un fracas d'autant plus effroyable, qu'il était concentré sur la surface peu étendue que couvraient les deux armées rapprochées l'une de l'autre et resserrées dans un espace de peu de longueur.

 

 

 p. 53.

Cependant, malgré tous les obstacles, et bravant tous les dangers avec un sang-froid et une intrépidité inébranlables, l'armée française avançait sensiblement ; les points d'appui des deux ailes anglaises ayant été emportés, elle passa le ravin et se rapprocha des positions qui vomissaient sur elle un déluge de mitraille et de boulets ; les charges qui avaient été ordonnées ne tardaient pas à s'exécuter. Une première colonne d'attaque très formidable s'avança vers le Mont-Saint-Jean, où le feu le plus épouvantable s'engagea. La cavalerie française s'élança en même temps sur les plateaux pour enlever les pièces, mais elle fut à son tour assaillie par la cavalerie ennemie, qui sortit en masse des sinuosités où elle était cachée ; des charges successives s'opérèrent, et n'eurent pour résultat qu'un horrible carnage. L'affaire se soutient, on ne lâche pied d'aucun côté ; de nouvelles colonnes s'avancent, les charges se renouvellent ; trois fois la position est sur le point d'être forcée, et trois fois, après des prodiges de valeur, les Français sont arrêtés.

 

 

 

 * Cette mention des sinuosités dans lesquelles des masses de cavalerie se cachent confirme que les Français se sont laissés surprendre par la configuration du terrain
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p. 54.
 

  (à suivre)

 

 

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