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Nodier

 
 
       
  Grammairien, philologue, bibliographe, critique, romancier et entomologiste français (Quérard le qualifie de "polygraphe fécond"), Charles Nodier est né à Besançon le 29 avril 1780, "de père inconnu". Ce n'est que onze années plus tard que son père, Antoine Nodier, avocat au parlement de Besançon et philologue, épouse sa mère et donne son nom au petit Charles, sur l'éducation duquel il veillait déjà avec sollicitude.
 
   
 

Antoine Nodier, rallié à la révolution, est nommé maire de Besançon en novembre 1790, et président du tribunal criminel le 1er septembre 1791, et le jeune Charles, dès l'âge de onze ou douze ans, prononce des discours au club des amis de la constitution de sa ville. Il accompagne en décembre 1793 une députation de ce club dans une députation auprès du général Pichegru ; il en reçoit un accueil cordial et il conservera toujours envers lui des sentiments de reconnaissance et d'admiration..

 

Besançon

Pichegru

 

 
 

En 1794, il reçoit des leçons de mathématiques et de sciences naturelles chez un ancien officier du génie, Girod de Chantrans, et il commence sous la direction de ce savant des études d'entomologie, s'attachant particulièrement aux coléoptères. En 1796 et 1797, il suit les cours de l'Ecole centrale du département du Doubs. Il publie en 1798 une "Dissertation sur les antennes et sur l'organe de l'ouïe dans les insectes". En novembre 1797, il fonde avec quelques amis (dont Charles Weiss) une société secrète, les Philadelphes.

   
 

Impliqué dans une conspiration politique, il est arrêté et n'est acquitté qu'à la majorité d'une voix. Son père l'envoie alors à Paris pour y poursuivre ses études de droit, mai le jeune Charles préfère s'adonner à la littérature et publie quelques romans, dont le Proscrit, le Peintre de Salzbourg (ou "journal des émotions d'un cœur souffrant"), un recueil de poésies intitulé le Jeune Barde, et une "Bibliothèque entomologique". Il collabore également au journal "le Citoyen français".

     
 

 

En 1802, il publie une ode dans laquelle il dénonce le despotisme du premier consul, "la Napoléone", "l'un des morceaux de poésie lyrique les plus remarquables de notre langue" , d'après la Biographie Michaud.

 

La Napoleone

 
  "Cette pièce est aujourd'hui trop connue pour qu'il soit nécessaire de rappeler qu'elle étincelle de beautés sublimes, et qu'elle est à la fois l'expression la plus passionnée de l'amour de la liberté et d'un ressentiment énergique, amer et pourtant plein de noblesse, contre un grand homme qui eut le tort de croire que les hommes n'étaient pas faits pour elle. Cette fougueuse imprécation surprit Bonaparte au milieu de son triomphe, et les mâles accents d'un intrépide jeune homme qui s'avançait ainsi au milieu de la tourbe des rimeurs stipendiés, pour confesser sa foi politique au prix de sa vie, retentirent à son oreille comme l'arrêt anticipé de la postérité." (Bibliothèque universelle et portative volume 2 partie 1, 1826, page 772.)      
 

Ayant appris que son imprimeur avait été arrêté, Nodier écrivit au premier consul une lettre par laquelle il reconnaissait être l'auteur de la Napoléone. Arrêté et enfermé à la prison de Ste Pélagie, il y resta au secret pendant plus d'un mois. Renvoyé à Besançon, il s'y lia avec des opposants au régime, et alla se cacher dans le Jura, ne s'occupant plus que d'études entomologiques. N'échappant pas à l'œil inquisiteur de la police, il fut soupçonné d'avoir pris part à un complot tendant à enlever Napoléon lors de son voyage pour aller se faire couronner roi d'Italie. (voir Conspiration à Besançon)

   
 

La Biographie nouvelle des Contemporains (de Arnault, Jay, Norvins, 1824) donne sur la vie aventureuse de Nodier les détails suivants :
"M. Nodier chercha un asile dans le département du Jura, où il s'occupa d'histoire naturelle. Sa retraite fut découverte ; il fut pris ; mais, ayant été délivré par des paysans, il passa en Suisse, où il exerça la profession d'enlumineur d'estampe et de correcteur d'imprimerie. A cette époque, la mort d'une personne qu'il aimait tendrement le détermina à se retirer chez des moines de la Trappe. Le commissaire du gouvernement français ayant obtenu son extradition, il s'enfuit quoique dangereusement malade, erra dans les montagnes, réduit à mendier son pain, et après avoir lutté contre la misère, les fatigues et les maladies, il se joignit à des peintres badigeonneurs italiens, avec lesquels il rentra en France, et dont il partagea les travaux, jusqu'à la levée de son mandat d'arrêt. M. Nodier dut à la bienveillante humanité de M. Debry, alors préfet du département du Doubs, quelque adoucissement à la rigueur de son exil. (...)" p 96.

     
 

En 1810, Nodier accepta une place de bibliothécaire à Laybach, en Illyrie, province de l'Empire gouvernée successivement par le général Bertrand, le général Junot et Joseph Fouché, et il prit la direction du "Télégraphe illyrien", journal officiel de cette partie de l'Empire français.
Obligé de quitter l'Illyrie au moment de l'évacuation par les troupes françaises (fin 1813), il revint à Paris où il collabora au Journal des Débats, dans lequel il exprimera des sentiments royalistes.
Après la rentrée des Bourbons en France, il fut nommé bibliothécaire de Monsieur (le comte d'Artois, futur Charles X).

   
 

En 1824, il fut nommé bibliothécaire de l'Arsenal à Paris, où son salon devint le centre d'une société littéraire où se rassemblaient les premiers romantiques.
Après s'être présenté à plusieurs reprises à l'Académie, il fut élu le 24 octobre 1833, et il y fit partie de la commission du Dictionnaire (il s'était pourtant moqué, quelques années plus tôt "d'une société célèbre qui s'est constituée tout exprès pour faire un bon dictionnaire de la langue française, et qui s'en occupe avec plus de patience que de bonheur depuis cent cinquante ans au moins. Cela n'empêche pas qu'elle ne puisse y parvenir un jour. Quand on a l'immortalité pour devise et l'éternité devant soi, on peut bien prendre son temps.")
Charles Nodier est mort le 27 janvier 1844.

Pendant longtemps, on a tenu Charles Nodier pour un affabulateur. Dans la "Galerie des Contemporains illustres", Louis de Loménie qualifie Nodier de : "celui qui s'est le moins embarrassé à fabriquer des histoires à propos de l'histoire".

Quant à Mérimée, dans son éloge à son prédécesseur lors de son admission à l'Académie française, il a écrit : "Qu'il s'agisse de lui, qu'il s'agisse des autres, qu'importe à M. Nodier l'exactitude des faits ? Pour lui, tout est drame… Je ne sais d'ailleurs si toutes ces fictions de l'homme de lettre furent volontaires ; si, en s'abandonnant à son imagination, il ne crut pas quelquefois consulter sa mémoire… Souvent, de brillantes rêveries se confondirent à son insu avec les souvenirs moins attachants des scènes du monde qu'il avait traversées."

Jacques Rémi Dahan, dans sa présentation de la Correspondance de Jeunesse de Charles Nodier (Droz, Geneve, 1995), écrit : "Bien des légendes tenaces s'effondrent définitivement : l'idée selon laquelle Charles Nodier aurait été un affabulateur de génie est si communément acceptée que la démonstration de la véracité de son témoignage apparaît plus extraordinaire que la mise en évidence des rares libertés qu'il a prises avec l'histoire !
(...) Nous avons même acquis la conviction que la plus rocambolesque des récits de Nodier, celui des événements de 1805 relatés tant dans l'Histoire des sociétés secrètes de l'armée (1815) que dans les Suites d'un mandat d'arrêt (1834) reposait sur des faits pour l'essentiel irréfragables, le vide épistolaire de cette époque se justifiant amplement par la situation de fugitif du narrateur".

 

     

 

1805 : Conspiration à Besançon

     

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