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Fouché
(de Nantes), duc d’Otrante, député à la Convention
nationale, ministre de la police générale, sénateur,
pair, etc.
Membre distingué de la congrégation de l’Oratoire,
à l’époque de la révolution, il en embrassa
la cause avec chaleur ; fut élu député de la
Loire-Inférieure à la convention nationale, et y vota
la mort de Louis XVI. Il se fit peu remarquer à la tribune
avant le 9 thermidor ; fut presque toujours en mission à
Nantes, à Nevers, à Moulins et à Lyon, où
il fit couler le sang, avec une fureur que peu de proconsuls ont
surpassée ; se brouilla avec Robespierre peu de temps avant
sa chute, et se ménagea pourtant des liaisons intimes dans
la propre maison de Maximilien, qui lui servirent ensuite pour connaître
ses desseins, et les faire avorter : il eut le talent de désunir
les frères et la sœur, avec laquelle il vivait depuis longtemps,
et fonda leur ruine réciproque sur les dissensions qu’il
avait fomentées. Depuis lors il intrigua plus que jamais
auprès des thermidoriens et des montagnards ; s’attache successivement
à l’un et à l’autre parti, ou plutôt les fit
servir tous les deux à garantir sa personne de la juste vengeance
des Lyonnais ; échappa ainsi aux nombreuses dénonciations
dirigées contre lui ; fut menacé plusieurs fois d’arrestation,
et enfin compris au nombre des députés proscrits après
l’insurrection jacobine du 1er prairial an 3, à laquelle
il avait puissamment contribué. Amnistié par la loi
du 4 brumaire, il vécut dans la retraite jusqu’en 1799, et
à cette époque remplaça Trouvé, ministre
du Directoire à Milan. Destiné ensuite à la
place d’envoyé près la république batave, il
ne fit que paraître à La Haye, et fut appelé
au ministère de la police, où il ne tarda pas à
se montrer l’ennemi de ces mêmes jacobins qu’il avait défendus
si longtemps. Toujours infatigable dans les intrigues politiques,
il ne tarda pas à se servir de l’autorité que venait
de lui confier le directoire pour accélérer sa chute,
et contribua, s’il ne la provoqua pas même, à la révolution
du 18 brumaire. Resté ministre de la police sous Bonaparte,
qu’il venait de donner pour maître à la France, il
déploya de grands talents dans cette administration, et s’y
conduisit plutôt en homme d’Etat qu’en inquisiteur politique.
Froid sans passions ; observateur fin et rusé ; profondément
versé dans l’histoire secrète des hommes et des choses,
il possédait les qualités propres à remplir
dignement ses importantes fonctions, et si elles n’eurent pour résultat
qu’une effroyable tyrannie, et un despotisme intolérable
pour des Français, on doit dire au moins que Fouché
fit toujours ce qui dépendit de lui pour en adoucir les rigueurs.
C’est cependant, et on ne peut le dissimuler, sous son ministère
que furent frappés de mort, ou de déportation, cette
foule de malheureux jacobins et royalistes, pour des conspirations,
souvent inventées, et presque toujours dirigées par
la police elle-même ; c’est sous son ministère que
malgré le droit des gens et celui de l’humanité, on
tortura, dit-on, des infortunés étrangers, et des
régnicoles, parmi lesquels on citait le capitaine anglais
Whright, le général Pichegru et le saxon Sahla, pour
leur faire avouer des choses qu’ils ignoraient, ou qu’il n’était
pas de leur honneur de dévoiler ; c’est enfin sous son ministère
que renaquirent ces infâmes prisons d’Etat, toujours remplies
de victimes, qui ne durent la cessation de leurs maux qu’à
la chute du tyran. Devenu sénateur, à la fin de 1802,
il reprit les rênes de la police en 1804 ; fut disgracié,
et remplacé par Savary en 1810 pour avoir, assure-t-on, fait
prévenir Lucien que son frère voulait le mettre en
arrestation ; puis envoyé successivement à Rome, où
il ne se rendit pas, et dans sa sénatorerie d’Aix, où
il resta jusqu’en 1813, que son successeur à la police ayant
voulu s’emparer de sa personne, l’obligea à se sauver à
Dresde, auprès de Napoléon. Il alla de là remplacer
Junot, dans le gouvernement général des province Illyriennes,
et se sauva à Naples aussitôt que les Autrichiens eurent
pris possession de Laybach. Convaincu dès lors que la cause
de Bonaparte était perdue, il insinua, à ce qu’on
prétend, dans l’esprit de Murat, l’idée de traiter
avec les Anglais, et c’est à lui qu’on doit la rédaction
du traité qui lia ce transfuge à une coalition qui
devait amener sa perte. Peu content de ce succès, qui n’était
que le prélude de plus grands desseins, il se rendit à
Lyon auprès du maréchal Augereau, qu’il tâcha
de convaincre de l’inutilité de sa défense, et qu’il
voulait, dit-on, faire déclarer dès lors pour un prince
de la maison de Bourbon. Repoussé par ce vieux républicain,
qu’il ne put séduire, mais qu’il ébranla pourtant,
il se rendit à Toulouse, auprès du maréchal
Soult, dans les mêmes vues, et ne cessa ses instances à
cet égard que quand il fut convaincu, par une dépêche
de lord Wellington, qui avait été consulté
à ce sujet, que les alliés traitaient franchement
avec Napoléon au congrès de Châtillon. Demeuré
sans emploi pendant la Restauration, il devint l’objet des inquiétudes
des uns, et des espérances des autres, et vit secrètement
les coryphées de chacun des partis déçus dans
leurs espérances. Echappé à l’arrestation dont
il avait été menacé depuis le débarquement
de Bonaparte, il redevint son ministre le 20 mars 1815 ; fut élu
ensuite à la chambre des représentants par plusieurs
départements, puis créé pair le 2 juin. Il
montra beaucoup de modération pendant la courte durée
du second règne de Napoléon ; laissa agir et parler
librement contre lui, et ménagea tellement les choses, qu’il
était tout à la fois l’espoir des royalistes, le régulateur
des républicains, et l’homme de confiance des Bonapartistes,
qui voulaient une régence et Napoléon II. On sait
trop comment il se conduisit dans le gouvernement provisoire qu’il
présidait, et avec quelle adresse il amena les partis à
la nécessité de s’entendre et de capituler sans effusion
de sang. Après le retour du roi, il fut conservé au
ministère, à la grande surprise des uns, et à
la satisfaction des autres ; mais il était impossible qu’un
tel homme pût conserver longtemps la confiance publique dans
des circonstances aussi difficiles ; aussi fut-il remplacé
deux mois après, et envoyé à Dresde en qualité
d’ambassadeur. Le temps nous apprendra si ce caméléon
politique en est enfin venu à sa dernière couleur,
et s’il n’aura pas encore le talent de tromper la bonne foi de quelque
gouvernement.
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