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La Napoléone de Charles Nodier

 

Napoléone
ODE

   
 

Que le vulgaire s'humilie
Sur les parvis dorés du palais de Sylla,
Au-devant des chars de Julie,
Sous le sceptre de Claude et de Caligula ;
Ils régnèrent en dieux sur la foule tremblante.
Leur domination sanglante
Accabla le monde avili ;
Mais les siècles vengeurs ont maudit leur mémoire,
Et ce n'est qu'en léguant des forfaits à l'histoire
Que leur règne échappe à l'oubli.

Qu'une foule pusillanime
Brûle au pied des tyrans son encens odieux.
Exempt de la faveur du crime,
Je marche sans contrainte, et ne crains que les dieux.
On ne me verra point mendier l'esclavage
Et payer d'un coupable hommage
Une infâme célébrité.
Quand le peuple gémit sous sa chaîne nouvelle,
Je m'indigne d'un maître, et mon âme fidèle
Respire encor la liberté.

Il vient cet étranger perfide
Insolemment s'asseoir au-dessus de nos lois ;
Lâche héritier du parricide,
Il dispute aux bourreaux la dépouille des rois.
Sycophante vomi des murs d'Alexandrie
Pour l'opprobre de la patrie,
Et pour le deuil de l'univers,
Nos vaisseaux et nos ports accueillent le transfuge ;
De la France abusée il reçoit un refuge,
Et la France en reçoit des fers

Pourquoi détruis-tu ton ouvrage,
Toi qui fixas l'honneur au pavillon français ?
Le peuple adorait ton courage.
La liberté s'exile en pleurant tes succès.
D'un espoir trop altier ton âme s'est bercée.
Descends de la pompe insensée,
Retourne parmi tes guerriers.
A force de grandeur crois-tu devoir t'absoudre ?
Crois-tu mettre ta tête à l'abri de la foudre
En la cachant sous des lauriers?

Quand ton ambitieux délire
Imprimait tant de honte à nos fronts abattus,
Dans l'ivresse de ton empire
Rêvais-tu quelquefois le poignard de Brutus ?
Voyais-tu s'élever l'heure de la vengeance
Qui vient dissiper ta puissance
Et les prestiges de ton sort !
La roche Tarpéienne est près du Capitole,
L'abîme est près du trône, et la palme d'Arcole
S'unit au cyprès de la mort.

En vain la crainte et la bassesse,
D'un culte adorateur ont bercé ton orgueil.
Le tyran meurt, le charme cesse,
La vérité s'arrête au pied de son cercueil.
Debout dans l'avenir la justice t'appelle;
Ta vie apparait devant elle
Veuve de ses illusions.
Les cris des opprimés tonnent sur la poussière,
Et ton nom est voué par la nature entière
A la haine des nations.

En vain aux lois de la victoire
Ton bras triomphateur a soumis le destin.
Le temps s'envole avec ta gloire,
Et dévore en fuyant ton règne d'un matin.
Hier j'ai vu le cèdre : il est couché dans l'herbe
Devant une idole superbe,
Le monde est las d'être enchaîné.
Avant que tes égaux deviennent tes esclaves,
Il faut, Napoléon, que l'élite des braves
Monte à l'échafaud de Sidney.

Paris, février 1802.

     

 

 

 

     

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