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« Nous
souhaitons, si nous sommes encore condamnés à éprouver
le fléau de la guerre, que le bien du service vous appelle
de nouveau dans nos murs ; vous y trouverez autant d'amis que
de citoyens. »
Arrivé à l'armée du Nord en 1796, l'adjudant-général
Beker fut employé comme chef d'état-major de la division
Desjardin, à l'armée de Sambre-et-Meuse, et lors des
préliminaires de paix de Leoben, il retourna en Hollande,
où le général Dejean, commandant en chef, l'employa
utilement pour apaiser des troubles qui avaient éclatés
dans la province de Frise. Il empêcha, par la fermeté
de son caractère, une rupture entre les Orangistes et les
patriotes, et reçut, pour prix de cet important service,
des témoignages de satisfaction du général
en chef et des autorités avec lesquelles sa mission l'avait
mis en rapport.
A la paix de Campo-Formio, un ordre du ministre de la guerre appela
l'adjudant-général Beker à Paris, pour faire
partie de l'expédition de Saint-Domingue, comme chef d'état-major
du général Hédouville, agent du Directoire,
chargé de prendre possession de la partie espagnole de cette
île, cédée à la France par le traité
de Bâle avec l'Espagne.
Après avoir passé un an dans cette colonie, M. Beker
revint avec le général Hédouville en France,
et fut envoyé immédiatement à l'armée
d'Italie à la tête d'une brigade, dans la division
Serrurier, qui, pendant sa retraite sur Lecco, eut constamment à
lutter contre les attaques réitérées de l'armée
austro-russe, commandée par le célèbre Souvarow.
C'est à la bataille de Cassano que le général
Beker, après avoir eu deux chevaux tués sous lui,
et fait d'inutiles efforts pour arrêter l'armée austro-russe
au passage de l'Adda, fut atteint d'un biscaïen et laissé
pour mort sur le champ de bataille. A peine convalescent, il obtint
du général en chef Mélas l'autorisation de
rentrer en France sur parole ; n'étant pas échangé
il ne put faire la campagne de Marengo, mais il fut employé
comme général de brigade dans la division Grouchy,
pendant la campagne de Hohenlinden à l'armée du Rhin ;
et à la paix de Lunéville, le premier consul le nomma
au commandement du département du Puy-de-Dôme, patrie
du célèbre général Desaix, dont le général
Beker avait épousé la sœur. Il conserva ce commandement
jusqu'en 1805, et rejoignit la division Suchet dans le 5e corps
d'armée aux ordres du maréchal Lannes.
Dans cette campagne à jamais mémorable, le général
Beker fut promu au grade de général de division, et
dans la campagne suivante, il entra en Prusse à la tête
d'une division de six régiments de dragons. Il fut cité
honorablement dans le cours de cette glorieuse campagne, notamment
par un ordre du jour dans lequel l'empereur témoignait sa
satisfaction au général Beker pour sa belle conduite
dans plusieurs combats et la prise d'un corps considérable
de Prussiens à Auclam.
En Pologne, le général se comporta avec la même
valeur aux combats de Nazielk, de Golymin, de Pultusk, et couvrit
avec sa division, renforcée d'une brigade de cavalerie légère,
le corps du maréchal Davoust, pendant la cessation des hostilités.
A son arrivée à la grande armée, le maréchal
Masséna ayant demandé à l'empereur le général
Beker pour son chef d'état-major, celui-ci quitta le commandement
d'une division avec laquelle il avait eu de fréquentes occasions
de se distinguer, pour passer à des fonctions que la haute
réputation du maréchal lui avait fait accepter et
durant lesquelles il acquit toute la confiance de cet illustre capitaine.
Après la paix de Tilsitt, le général Beker
suivit le mouvement du 5e corps d'armée en Silésie,
où il reçut le titre de comte de l'empire avec une
dotation de 5.000 fr. Sa santé, délabrée par
les fatigues de la guerre, le força de se retirer dans ses
foyers d'où il fut rappelé pour remplir une seconde
fois les fonctions de chef d'état-major du maréchal
Masséna dans la dernière campagne contre l'Autriche,
en 1809. Sa conduite dans cette campagne et notamment à la
bataille d'Essling fut constamment honorable ; il en fut récompensé
par le titre de grand officier de la Légion-d'Honneur, qui
fut l'unique promotion faite à la suite de cette sanglante
bataille.
Accusé d'exercer trop d'influence sur l'esprit du maréchal,
et devenu suspect par la manifestation de son opinion sur les conséquences
du système de guerre adopté par l'empereur, le général
Beker reçut l'ordre d'aller prendre le commandement de Belle-Isle
en mer, ce qui était une disgrâce, puisqu'il ne fut
pas employé à l'armée de Russie.
De retour dans ses foyers, il rendit en 1814, au département
du Puy-de-Dôme, un dernier service en se chargeant, sur la
demande du préfet, du commandement supérieur des troupes,
que l'occupation des 7e et 19edivisions militaires par les Autrichiens
y avait fait refluer ; il parvint à arrêter des
troubles prêts à éclater entre les militaires
et les citoyens.
Un corps autrichien ayant pénétré jusqu'à
Clermont, le maréchal de Wrede, commandant l'armée
austro-bavaroise, envoya au général Beker une lettre
patente conçue en ces termes : Les généraux
des armées alliées sont invités à prendre
sous leur protection spéciale les propriétés
de ce général, à titre de réciprocité
pour sa belle conduite et la noblesse de ses procédés ;
ils seront utiles à ce brave et digne militaire qui n'a jamais
cessé de faire le bien là où il a pu.
En 1815, le général Beker fut nommé, par les
électeurs du Puy-de-Dôme, président du collège
et député à la chambre des représentants.
Lors de la seconde abdication de l'empereur, le gouvernement provisoire
lui ordonna de se rendre à la Malmaison pour y veiller à
la sûreté de Napoléon et l'accompagner jusqu'à
Rochefort ; cet ordre était conçu dans les termes
suivants :
« Je vous transmets, général, copie d'un
arrêté du gouvernement qui vous charge d'accompagner
l'empereur Napoléon. Votre caractère connu est une
garantie que vous aurez et que vous ferez rendre à ce prince
les égards et respects que l'on doit au malheur, et vous
trouverez chez chaque autorité civile et militaire, dans
l’âme de chaque citoyen, les secours que vous pourriez être
dans le cas de réclamer pour la sûreté de sa
personne ; il vous suffira de montrer l'arrêté
de la commission du gouvernement, je ne vous donne pas d'autres
instructions.
« Le Maréchal, Prince d'ECHMUHL.
« Ministre de la Guerre, »
Le général Beker remplit avec habileté cette
mission difficile et dangereuse, au succès de laquelle la
France et l'Europe étaient intéressées, et
lorsque l'empereur prit la funeste résolution de se livrer
aux Anglais, le général Beker, auquel les instructions
du gouvernement prescrivaient de l'accompagner jusqu'à bord
de l'escadre anglaise, lui en fit l'observation ; l'empereur
répondit brusquement : N'en faites rien, car on ne manquerait
pas de dire que vous m'avez livré aux Anglais, et je veux
épargner cet affront à la France. Embrassez-moi, général,
je vous remercie des soins que vous avez pris de ma personne.
Telles furent les dernières paroles prononcées par
l'empereur au moment où il quitta le sol de la patrie, en
adressant au prince régent d'Angleterre une lettre pour lui
demander l'hospitalité sur le foyer britannique, tandis que
la sainte alliance avait prononcé son exil sur le rocher
de Sainte-Hélène.
Après avoir rendu compte de sa mission au gouvernement, le
général Beker rentra définitivement dans ses
foyers, où, malgré les services rendus, à toutes
les époques, à son département, il ne fut pas
exempt des persécutions exercées en 1816 contre les
hommes qui ont le plus honoré leur pays. On lui donna l'ordre
de se rendre en surveillance à Poitiers, et, malgré
la révocation de cette injuste mesure par le roi en son conseil,
le préfet, en vertu de son pouvoir discrétionnaire,
le somma de quitter le département.
L'ordonnance du 5 septembre de la même année lui rendit
la liberté, et, par celle du 5 mars 1819, il fut appelé
à la chambre des pairs, où il a honorablement siégé
depuis parmi les défenseurs des libertés publiques.
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