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1789 : La cocarde tricolore

 
 
  Début de l'article    
 

Chapitre 2
Explosion…

Nuit de terreur
Milice parisienne cocarde bleue et rouge
Rejet de la cocarde verte -

   
       
 

Explosion…

C'est le dimanche 12 juillet qu'arrive la nouvelle qui va mettre le feu aux poudres : le Roi a congédié Necker, le ministre qui avait la confiance du Tiers État, qui marchait dans le sens des idées nouvelles, et qui jouit d'une popularité sans égale. Cette fois c'est certain, le coup de force de l'aristocratie est en route : pour sauvegarder ses intérêts, elle va commettre le plus grand des crimes : proclamer la banqueroute. Quant au petit peuple, il ne doute pas que le pain sera encore plus cher, ce qui signifie la famine et la misère. La personne du Roi, image sacrée aux yeux de tout Français qui se respecte, n'est pas mise en cause :
" La bonté connue du Roi ne rassure pas les meilleurs citoyens. Il est trompé, disent-ils ; on nous a calomniés auprès de lui, et nous avons tout à redouter de la fureur de ceux qui l'entourent". (La Semaine Mémorable, p 5.)

 

 

Necker

 

 

La Semaine Mémorable

 
  Au Palais-Royal, centre de l'agitation politique, des orateurs, des "agitateurs", haranguent la foule, essayent de l'émouvoir, de l'appeler aux armes. Un de ceux-ci, un jeune avocat du nom de Camille Desmoulins, transforme l’agitation en insurrection, en proposant de prendre une cocarde. Prendre une cocarde, c'est se proclamer soldat, c'est s’afficher en état d'insurrection (2). La couleur verte est choisie, des rubans sont distribués, ceux qui n'ont pas de rubans prennent les feuilles des arbres du jardin du Palais-Royal.    
   

 

(2). Le port de la cocarde était strictement réglementé. Seuls les militaires avaient le droit de porter cet ornement et l'ordonnance du 13 octobre 1782 faisait défense "à toutes personnes non admises dans l'état militaire de porter des cocardes à leurs chapeaux, de quelque couleur qu'elles soient, sous peine d'être emprisonnées sur-le-champ et punies suivant la rigueur des ordonnances". D'après le Dictionnaire de Bardin, "porter cocarde" était synonyme de l'expression "être au service". Le fait d'arborer une cocarde était donc une déclaration de prise d'armes, d'opposition ouverte au pouvoir, et l'histoire récente en offrait des précédents; ainsi, les Brabançons avaient-ils arboré, en mai 1787, la cocarde noire, jaune et rouge aux couleurs des armes de Brabant, et les Luxembourgeois, au mois de juin suivant, des cocardes "de la couleur des armoiries de œ duché, "bleues, blanches et rouges." En janvier 1789, on signale que les membres du Tiers Etat de Bretagne se montrent publiquement avec des cocardes blanches, voulant montrer par là qu'ils étaient "prêts à faire bonne contenanœ vis-à-vis de la noblesse (Gazette des Gazettes, janvier 1789/2).  

 

 
  Un cortège va au cabinet de cires de Curtius, y emprunte les bustes de Necker et du duc d'Orléans et les porte en triomphe dans la ville. La foule fait fermer les spectacles en signe de deuil. Bientôt ont lieu les premiers heurts avec les troupes royales.    
  Dans le jardin des Tuileries, une charge du régiment Royal Allemand, commandé par le prince de Lambesc, épouvante d'inoffensifs promeneurs. Il se répand comme une traînée de poudre que le prince a sabré un vieillard, et qu'un Garde française a été tué.
"Sa mort devient le signal de la guerre civile. Paris change tout à coup de face. A l'abattement et à la douleur succèdent l'indignation et le désespoir. Le peuple court en foule dans toutes les rues en criant : Aux armes, aux armes. Les femmes tremblantes répètent ces cris en rentrant dans leurs maisons. Les boutiques des armuriers sont enfoncées. On se porte dans tous les lieux où on soupçonne qu'il y a des armes " malheureusement ce sont des gens de la plus vile populace qui s'en emparent; les honnêtes citoyens voient de tous côtés leur vie en danger". (3)
 

 

 

 

(3). La Semaine mémorable, p 6.

 
  Un témoin, l'imprimeur Nicolas Ruault, écrit à son frère : « Le soir, le peuple des artisans et manouvriers qui était dans les guinguettes des faubourgs, apprenant la nouvelle, se répandit dans la ville, armé de toutes pièces. Nous fûmes obligés d'attendre dans le fiacre qui nous reconduisait chez nous qu'une longue colonne de ces hommes ivres de vin et de fureur eût passé la rue aux Ours. » (4)  
(4). N. Ruault, Gazette d'un Parisien sous la Révolution, p. 153, Lettre du 16 juillet.
 
 

On ne peut que difficilement se faire une idée aujourd'hui de la fracture qui existait à cette époque dans la société, entre les classes supérieures et moyennes d'une part, et ce qu'on appellera plus tard les "classes dangereuses". Celles-ci sont perçues par les premières comme une sorte de masse grouillante, menaçante, un monde aux confins de l'enfer, dont il faut à tout prix se garder.
Parfois, les émeutiers forcent les passants à marcher avec eux :
«On arrêtait les passants en leur demandant.. "Etes-vous du Tiers-Etat ?" –Il fallait répondre.. "oui". On vous faisait marcher de force. Toutes les personnes qui se sont trouvées à ces heures-là dans les quartiers Saint-Denis, Saint-Martin, Saint-Honoré, celles, surtout, qui devaient passer les ponts, ont été arrêtées et forcées de se réunir à cette canaille.» (5)

 



 

5. Bailli de Virieu, lettre écrite dans la nuit du 12 au 13 juillet.

 
  Voici le récit d'un autre témoin, un bourgeois qui se trouvait rue d'Antin :
« Vers les 7 heures, on entendit des voix dans le lointain, des cris, plusieurs coups de fusil et un bruit sourd et confus qui paraissait s'accroître et s'approcher à chaque instant. Nous étions tous aux fenêtres. L'inquiétude était dans tous les mouvements et la pâleur sur tous les visages. La rue d'Antin donne dans la rue neuve des Petits-Champs. Nous vîmes le long de cette rue plusieurs files de bandits en guenilles, armés de bâtons ferrés, de haches et de quelques fusils et pistolets, qui formaient une espèce de procession tumultueuse et portaient en triomphe deux bustes que je reconnus le premier être ceux du duc d'Orléans et de M. Necker. Le tumulte augmentait, les coups de fusils devenaient plus fréquents. La ville était remplie de soldats étrangers, d'Allemands et de Suisses. D'eux hommes viennent en courant dans notre rue et nous crient "gare, fermez vos fenêtres, on pille, on brûle et on s'égorge dans tout Paris". A cette nouvelle, que les apparences ne confirmaient que trop, je me souviens que ma femme est sortie ; que ma maison est seule ou presque seule. Je vois déjà ma porte succombant sous les haches, et des torches incendiant ma maison, mes papiers, dévorant ma fortune. Je connaissais la peur ; je connus la terreur.
» (6)
 

 

 

 

 

6. Correspondance d'un habitant de Paris avec ses amis de Suisse et d'Angleterre. Paris, Gattey, 1791, p. 33.

 
  Agitation aussi à l'Hôtel-de-Ville, "occupé par une multitude immense de tous états et de toutes conditions". Des rapports signalent tous les événements qui agitent la ville, notamment "qu'une foule d'hommes sans aveu et sans domicile, se répand dans tous les quartiers, armée et menaçante, que les troupes encerclent Paris, que plusieurs régiments sont à l'intérieur.
A onze heures, les électeurs prennent un arrêté convoquant les citoyens dans les districts.
" (7)
 

 

7. Bailly et Duveyrier, Procès Verbal des Electeurs.

 
  Un autre témoin, parmi tant d'autres, mais plus célèbre celui-là, Restif de la Bretonne, nous a laissé des pages qui dépeignent bien le sentiment d'une grande partie de la population de la capitale à ce moment crucial :
« La nuit vint, tandis que j'errais. Je rentrais dans la ville : j'allai au Palais d'Orléans.
Des groupes tumultueux s 'y racontaient avec fureur ce qui s'était passé dans la journée. Ils menaçaient ! Ils mettaient à prix des têtes !... Moi, je frissonnais: je voyais un nuage de maux se former sur cette capitale infortunée
(...)
A onze heures du soir, las de voir et d'écouter, je sortis du Palais-Royal... Mais quel affreux vacarme! Des cris furieux s'élevaient de toutes parts. Je vois la rue des Petits-Champs remplie de brigands armés. Au péril de ma vie, je veux les voir de près. Je passe entre les épées et les bâtons : on se battait ou feignait de se battre... J'examinais du coin de l'œil. Le brigandage se peignait dans les yeux étincelants de ces misérables. (...) »
 

 

Restif de la Bretonne

 

 


 
       
 

Nuit de terreur

La nuit qui suivit fut particulièrement éprouvante pour les nerfs des Parisiens :
«
La marche de ces hommes dont les intentions étaient inconnues, les bruits des coups de fusil tirés par intervalle, la lueur des incendies, remplissent la ville d'effroi. Dans cette nuit désastreuse, le sommeil ne descendit que sur les yeux des enfants: seuls ils reposèrent en paix, tandis que leurs pères alarmés et leurs mères éplorées veillaient auprès de leurs berceaux. » (8)

 

 

 

8. Histoire de la Révolution de 1789, par deux amis de la liberté, Paris 1790.

 
  L'abbé Rudemare passa cette nuit chez sa sœur :
« Pendant la nuit, raconte-t-il, des hommes de la figure la plus sinistre armés de bâtons, d'épées, de faux, de lames de couteaux fixées au bout de longues perches, de fourches, de broches, de pistolets, de fusils qu'ils avaient volés chez les armuriers, couraient les rues de la capitale et répandaient sur leur passage l'épouvante et l'effroi ; j’avais passé cette nuit chez ma sœur, dans des transes mortelles. » (9)
 

 

9. Journal d'un prêtre parisien, Revue de la Révolution, 1893/1.

 
  Epouvantés par cette insurrection de la populace, les bourgeois se rassemblent dès l'aube dans les églises, qui avaient servi peu de temps auparavant comme lieu d'assemblée pour les élections aux Etats Généraux. Partout le même réflexe : former une garde bourgeoise :
« Le matin suivant, les habitants s'assemblèrent dans leurs paroisses respectives, L'assemblée de Saint-Germain l'Auxerrois crut qu'il fallait opposer aussitôt une garde bourgeoise à cette horde de spectres, tous plus hideux et plus abominables les uns que les autres, et me députa avec neuf laïcs pour aller porter aussitôt son vœu à l'assemblée de la commune et prendre son avis.
» (Journal de l'abbé Rudemare.)
     
  Le lundi matin, 13 juillet, alors que toutes les cloches des paroisses sonnent le tocsin, la foule se porte vers l'Hôtel- de-Ville dès six heures du matin, et remplit la grande salle, les escaliers, les cours et la place de Grève. Les électeurs qui s'y trouvent réunis décident d'inviter le Prévôt des Marchands, c'est-à-dire le chef de la municipalité ( fonction équivalente à celle de maire dans d'autres villes), pour se mettre à leur tête. Celui-ci, M. de Flesselles, se rend à l'invitation avec le bureau de la ville, et est nommé président de l'assemblée, laquelle arrête que tous les citoyens se retireront de suite dans leurs districts respectifs. Le même arrêté de l'assemblée établit un comité permanent, présidé par le Prévôt des Marchands et composé du bureau de la ville et d'une majorité d'électeurs, et institue un corps de milice parisienne, composé dans chaque district de "citoyens connus et en état de porter les armes". Tout ceci se passe dans la plus grande agitation : le tumulte, le désordre et l'embarras étaient parvenus à un tel excès, qu'il était impossible de saisir aucun détail, et de méditer aucune délibération. C'était pire que du désordre, puisque la populace avait pris possession de l'Hôtel-de-Ville, et que le comité permanent siégeait au milieu d'elle :
"Figurez-vous une pièce immense, décorée de grands tableaux et garnie de bancs disposés en amphithéâtre ; et dans cette pièce, une horde de scélérats demi nus, ivres de vin et de fureur, tenant d'une main chancelante et mal assurée des piques, des fusils, de manière à nous laisser craindre à chaque instant d'être percés par la baïonnette, assommés par la crosse ou tués par le contenu du fusil ; mugissant comme des bêtes féroces, écumant de rage, se cherchant à tort et à travers des victimes ; (…) infectant l'air de la salle de leur haleine et de leurs déjections fétides ; offrant enfin un spectacle dont je crois qu'il n'y a que l'enfer qui puisse être l'image." (Abbé Rudemare).
 

de Flesselles

 

 

 
  Dans la ville aussi, le désordre règne, les bandes armées continuent à parcourir la ville, au grand effroi de Restif de la Bretonne:
« Dans la journée, les bandits du faubourg Saint-Marcel étaient passés devant ma porte, pour aller se réunir aux bandits du faubourg Saint-Antoine. Ces bandits étaient mendiants de race, avec les horribles tireurs de bois flottés ; tout cela formait une tourbe redoutable qui semblait dire: "C'est aujourd'hui le dernier jour des riches et des aisés: demain sera notre tour. Demain nous coucherons sur l'édredon, et ceux auxquels nous aurons laissé la vie occuperont, s'ils le veulent, nos ténébreux galetas. " Toutes les femmes tremblaient. Pour moi, je me disais: "Voilà le moment où jamais de former une milice nationale!" Je ne travaillai pas. Je me levai du matin, pour l'unique fois depuis de longues années, et j'allai trouver les ouvriers, les artistes de ma connaissance: "Amis! leur dis-je, courez à vos districts, dites-leur qu'il faut que les bourgeois honnêtes s'arment, pour se préserver des brigands et des hommes grossiers !" (...) Chacun va porter à cent autres la triste nouvelle, que les brigands, profitant des troubles, se proposent de piller la ville dans la nuit suivante.
Aussitôt les honnêtes bourgeois effrayés s'assemblent, délibèrent. D'autres vont au fait, et se réunissent aux patrouilles.
» (10.)
 

 

 

 

 

 

 

10. Les Nuits révolutionnaires, troisième nuit.

 
  Restif, on l'a vu, n'était pas le seul à avoir eu l'idée de former une milice nationale. .
Dans chacun des soixante districts, avec plus ou moins de succès, se tiennent des réunions qui forment les premiers embryons de la garde bourgeoise.
Dans l'église Saint- Antoine, par exemple, une assemblée de huit cents personnes prend la résolution suivante:
«
(...) entraînés à se réunir par les alarmes trop bien fondées, qu'inspire à tous les citoyens le danger qui semble les menacer tous individuellement, et par la nécessité imminente de prendre des mesures promptes pour en prévenir les effets ; considérant qu'une multitude de particuliers effrayés peut-être par des bruits, que des gens mal-intentionnés sans doute ont répandus, parcourent armés et sans ordre toutes les rues de la capitale, que la garde ordinaire de la ville ou se confond avec eux ou reste spectatrice tranquille du désordre qu'elle ne peut arrêter; considérant aussi que déjà la prison de l' Hôtel de la Force a été brisée et ouverte aux prisonniers, que la menace serait de forcer pareillement les prisons qui renferment les vagabonds, gens sans aveu, même les gens repris pour crimes ; craignant avec raison que le mal n'aille en croissant et ne compromette à la fois et la sûreté et la tranquillité de la patrie (...) pour arrêter autant qu'il sera possible le mal présent et prévenir les événements qui pourraient exiger des précautions à l'avenir, en même temps que pour se conformer aux intentions paternelles du souverain, manifestées dans toutes les occasions (...) ont délibéré ce qui suit :
(...) il a été arrêté que tous les habitants composant le district du Petit Saint-Antoine se formeraient en une milice bourgeoise toujours en activité jusqu'à ce que par l'assemblée il en ait été autrement décidé.. (...)
Les bourgeois porteront une cocarde verte pour les faire distinguer et reconnaître.
On n'admettra dans la garde bourgeoise que les habitants domiciliés, les fils de domiciliés, les ouvriers qui demeurent dans le district et payent capitation, ainsi que les ouvriers qui demeurent chez leur maître dans l'étendue du district.
»
     
       
 

Milice parisienne : cocarde bleue et rouge

Dans l'après-midi du 13 est publié un arrêté du comité permanent, texte important puisqu'il régularise les formations des districts en établissant la milice parisienne, et qu'il la dote d'un signe distinctif, la cocarde bleue et rouge, qui ne peut être portée que par ses membres. On notera aussi le préambule, qui ne parle aucunement du danger que fait peser sur la ville la présence des troupes royales. Seuls sont évoquées les menaces de la populace :
« La notoriété des désordres et les excès commis par plusieurs attroupements, ayant déterminé l'assemblée générale à rétablir sans délai la milice parisienne, il a été ordonné ce qui suit:
1° Le fonds de la milice parisienne sera de 48 000 citoyens, jusqu'à nouvel ordre.
2° Le premier enregistrement fait dans chacun des soixante districts, sera de 200 hommes pour le premier jour, et ainsi successivement pendant les trois jours suivants.

(...) Marque distinctive.
10° Comme il est nécessaire que chaque membre qui compose cette milice parisienne porte une marque distinctive, les couleurs de la ville ont été adoptées par l'Assemblée générale ; en conséquence, chacun portera la cocarde bleue et rouge.
Tout homme qui sera trouvé avec cette cocarde sans avoir été enregistré dans l'un des districts, sera remis à la Justice du comité permanent.
»
Insistons bien sur cette dernière disposition. La cocarde bleue et rouge est réservée aux seuls habitants enregistrés dans la milice. La défense d'arborer la cocarde de la milice sera rappelée "rigoureusement" le 16 juillet, il ne s'agit donc pas d'une disposition transitoire et non appliquée .(11).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

11. Esprit des Gazettes, juillet 1789, P. 75.

 
  D'après le Procès-Verbal des électeurs, cette ordonnance a été proclamée et affichée à deux heures après-midi ou environ. Le même ouvrage rapporte que : "le comité permanent, en conformité du règlement de la milice parisienne, avait fait faire un grand nombre de cocardes rouges et bleues; elles ont été distribuées dès le soir même, et les cocardes vertes ont été proscrites avec autant de promptitude qu'elles avaient été adoptées."
Pourtant, il y a ici une lacune dans le Procès-verbal des électeurs, puisque l'arrêté du comité permanent réserve la cocarde bleue et rouge à la milice. Elle n'est donc pas la cocarde de M. Tout-le-monde. Celle-ci continue à être la cocarde verte. Et il est plutôt conseillé de la porter, comme en témoignent les correspondances suivantes:
     
 
                                                                           13 juillet 1789.
« Mon laquais qui rentre me dit que les bourgeois sont sous les armes. Tout est tranquille. On désarme les polissons, on arrête ceux qui ont des effets volés; mais il faut avoir une cocarde verte au chapeau pour n'être pas insulté. On sonne le tocsin pour assembler les bourgeois; on ne laisse sortir personne pour aller à la campagne, voilà ce que je viens d'apprendre
», écrit un député de la noblesse de Marseille, qui se trouvait à Paris ce jour là.(12)
  12. Revue de la Révolution, septembre 1893, p 67.
 
  « Dès l'après-midi (du 13), la police commence de s'établir au milieu du désordre. On peut sortir sans danger, pourvu qu'on ait une cocarde verte au chapeau. Des patrouilles font la ronde dans tous les quartiers ; on arrête les vagabonds, les malfaiteurs, et on les conduit en prison. » (La Semaine mémorable, p 10.)      
  Gouverneur Morris: « Je vais au Louvre, après avoir pris soin d'orner mon chapeau d'une branche verte en l'honneur du Tiers, car c'est la mode du jour, et il faut s'y soumettre si l'on veut circuler en paix. »(13)   13. Journal de Gouverneur Morris (éd. Plon 1901), p. 58.  
  Le désarmement de la populace ne se fait pas d'un coup. Tout dépend du rapport de force entre les troupes en présence, variable selon les quartiers.      
  Nicolas Ruault : « Le soir même du 13, des patrouilles marchèrent, j'étais du nombre de ces citoyens, mais nous faisions une triste figure ; nous ne pouvions contenir la fureur du peuple; si nous l'eussions trop brusqué, il nous aurait exterminés. Ce n'est pas le moment de lui parler raison. » (14)   14. Ruault, ouvrage cité, lettre du 16 juillet, p 154.  
       
 

Rejet de la cocarde verte -

C'est ici qu'il faut situer le rejet de la cocarde verte. L'auteur anonyme de la brochure intitulée "Du règne de Louis XVI", parue fin août, début septembre, la situe à la fin de la journée du 13 :
« En passant au bas du Pont-Neuf, du côté de la rue du Roule, un homme, le fusil sur l'épaule m'aborde et me dit : "à bas le vert, nous ne sommes pas faits pour espérer un changement à nos maux, nous saurons l'obtenir". Je portais alors une cocarde verte comme les autres, et je ne savais pas que cette couleur avait été changée pour des cocardes roses, bleues et blanches, que l'on a toujours portées depuis. On dit qu'une des raisons qui a fait changer la couleur verte, est que la livrée du comte d'Artois est de cette couleur. » (15)

     
 
Plusieurs autres témoignages confirment que la cocarde verte a été rejetée à un moment donnée, et remplacée par une cocarde aux trois couleurs.
Qui a pu ordonner ce changement ? La seule autorité qu'il y eût à ce moment à Paris, c'est-à-dire le comité permanent établi à l'Hôtel-de-ville, et présidé par le prévôt des marchands, de Flesselles. Comment ce changement aura-t-il été porté à. la connaissance de la population? Par des affiches (16), semblables à celles qui annonçaient l'institution de la milice, et signées par le prévôt des marchands. Néanmoins, aucune de ces affiches ne nous est parvenue, aucun journal n'a publié l'arrêté du comité permanent créant la cocarde tricolore. Simple hasard ? Ce n'est pas sûr.
 

Prévôt des Marchands

de Flesselles

 
  A quel moment exact le changement de cocarde s'est-il opéré ? Il est difficile de le situer avec précision. Mais ce doit être dans la nuit du 13 au 14 juillet. Gouvion, major général de la garde nationale, écrit le 28 mars 1790 au maire de Paris, Bailly, que c'est d'après un arrêté d'une assemblée des électeurs le 14 ou 15 juillet dernier, que les trois couleurs ont été fixées. La Quinzaine Mémorable, chronique détaillée des événements de juillet, parue dans les premiers jours du mois d'août, et qui est le seul document imprimé, à ma connaissance, qui signale avec exactitude les trois modèles de cocarde, porte, à la date du 14 juillet, avant huit heures du matin : « ...grands et petits de tout état ont arboré, par ordre de la ville, la cocarde bleue, rouge et blanche. » (p. 49).  

Gouvion

 
  Maleissye, officier aux Gardes Françaises, dans ses Mémoires rédigés en émigration, et au plus tard en 1792, écrit : "Ce fut ce jour, 14 juillet, que la cocarde tricolore fut arborée à huit heures du matin.. elle était verte et rouge, couleurs de Necker ; à dix heures cette cocarde fut proscrite et la tricolore couleurs d'Orléans fut adoptée."      
       

 

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