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FLESSELLES
(... De ), conseiller d'état, maître honoraire des
requêtes, fut la première victime des fureurs populaires
au commencement de la révolution de France: il avait été
mis en avant quelques années plutôt par le parti du
duc d'Aiguillon, contre le fameux procureur-général
la Chalotais, et s'était, par cette conduite, attiré
l'inimitié d'un autre parti très puissant, qui avait
alors la plus grande influence sur les dispositions du peuple. Flesselles
fut récompensé par l'intendance de Lyon des services
qu'il avait rendus dans l'affaire de la Chalotais. Il se fît
chérir par ses qualités personnelles, sa bienfaisance,
et son zèle pour les intérêts de cette grande
cité, dont le commerce lui est redevable d'établissements
importants. Il avait fondé à ses frais, pour perfectionner
la teinture noire de la soie, un prix de 300 livres, qui fut accordé,
en 1777, à Jacques Lafond. Peu de temps avant la révolution,
il fut nomme prévôt des marchands de la ville de Paris,
place dont les fonctions étaient à peu près
les mêmes que celles de maire. Dans des circonstances aussi
difficiles, un tel emploi ne pouvait être occupé avec
quelque espoir de succès que par un homme tout à la
fois ferme et profondément politique, sachant faire naître
les événements, on tout au moins en état de
maîtriser ou de diriger ceux qu'on ne pouvait prévoir,
et tel n'était pas le caractère du malheureux Flesselles
: naturellement doux, ami des plaisirs et des jouissances paisibles,
il devait être an moins chassé de son poste par les
furieux et les hommes machiavéliques qui s'emparaient de
l'autorité ; mais ce n'était pas une simple disgrâce
qui l'attendait : un sort bien plus déplorable lui était
réservé. Dès la soirée du dimanche 12
juillet 1789, jour où l'insurrection commença à
Paris, deux autorités municipales ou qu'on peut appeler ainsi,
se formèrent à l'Hôtel-de-Ville : celle des
anciens échevins, présidée par le prévôt
des marchands ; et celle des électeurs qui avaient nommé
les députés aux états-généraux,
et qu'après l'assemblée nationale on peut considérer
comme la principale puissance révolutionnaire, sans le secours
de laquelle la grande assemblée n'aurait sûrement pas
eu tous les succès qu'elle obtint. Bientôt il se forma
un comité central composé d'échevins et d'électeurs,
dont la présidence fut déférée au prévôt
des marchands : il crut devoir, dans cette nouvelle situation, continuer
son service comme à l'ordinaire, et ses communications, soit
avec la cour, soit avec le pouvoir militaire sous la direction du
baron de Besenval, qui lui avait fait connaître son projet
de défendre la Bastille. Il fut interpellé sur ces
dangereux rapports d'une manière, sinon malveillante, au
moins très imprudente, en présence d'une populace
furieuse, par M.Garan de Coulon, l'un des électeurs, et qu'on
a vu depuis jouer un rôle assez important. A cette interpellation
de M. Garan, on vit toutes les oreilles attentives et l'expression
de la fureur sur toutes les figures. Le malheureux Flesselles, effrayé,
balbutia, chercha à s'excuser, à prouver son innocence
; on lui signifia qu'il fallait aller au Palais-Royal, et que là
il serait entendu. « He bien! dit-il, allons au Palais-Royal.
» Ilse leva en même temps de son siège, et sortit
de l'Hôtel-de-Ville, précédé et suivi
d'une foule immense ; mais il ne put arriver qu'au bas de l'escalier,
où un jeune homme lui cassa la tête d'un coup de pistolet
tiré à bout portant. La foule alors sa précipita
sur son cadavre : on en sépara sa tête, qui fut placée
au bout d'une pique et portée au Palais-Royal. Le corps fut
traîné dans la fange. M. de Flesselles pouvait être
âgé d'environ 60 ans. Il périt le 14 juillet
1789, avant la prise de la Bastille.
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