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Camille Desmoulins

     
 

     
 

Camille Desmoulins est né à Guise (Picardie, aujourd'hui département de l’Aisne) le 2 mars 1760. Son père était lieutenant général civil, criminel et de police au bailliage de Vermandois. Il fit ses études comme boursier au collège Louis-le-Grand à Paris, en même temps que Robespierre et Danton.
Inscrit au barreau en 1784, il ne plaida pas. En 1789, il se lie avec Mirabeau.
Le 12 juillet 1789, à la nouvelle du renvoi de Necker, il harangue la foule au Palais-Royal, et propose d’adopter une cocarde comme signe de reconnaissance. Le choix se porte sur le vert. (Voir La Cocarde tricolore). Les jours suivants, il participe aux journées révolutionnaires. En septembre 1789, il publie des pamphlets : La France libre, et le Discours de la Lanterne aux Parisiens, allusion aux exécutions sommaires qui ont eu lieu en juillet en pendant les suspects aux réverbères.
Il crée en novembre 1789 les Révolutions de France et de Brabant. Le 11 décembre 1790, il épouse Lucile Duplessis, fille d’un premier commis du contrôle des finances.
Membre du club des Cordeliers, il combat avec Robespierre la politique belliciste de Brissot.
Après la proclamation de la République, Danton lui confie les fonctions de secrétaire général de la Chancellerie. Elu député de Paris à la Convention, il vote la mort de Louis XVI.
En décembre 1793, il lance un nouveau journal, le Vieux Cordelier qui se fait le porte-parole des Indulgents ; il attaque les Hébertistes et critique la politique du Comité de salut public. Il est arrêté le 31 mars 1794, jugé avec Danton et est avec lui guillotiné le 5 avril. Sa femme, accusée d’avoir voulu le délivrer, est exécutée huit jours plus tard.

 

Vermandois

Mirabeau

Necker

 

 

 

 

 

 

 

Biographie universelle, ancienne et moderne, par une société de gens de lettres et de savants (Biographie Michaud). tome 11, Paris, 1814 :

   
 

DESMOULINS (Camille). Au moment où cet article est rédigé, une des plus grandes révolutions qui jamais ait tourmenté l'espèce humaine, vient de se terminer par le retour en France de l'auguste famille dont elle avait renversé le trône et proscrit tous les princes. Après des événements aussi extraordinaires, les souvenirs se reportent naturellement, et par une sorte de réaction involontaire, sur les hommes qui en furent les auteurs ou les plus remarquables agents. Desmoulins fut le premier de la dernière classe, et le premier provocateur de l'anarchie dont la France devint le continuel théâtre dans ces temps déplorables. Il était né en 1762, à Guise, en Picardie, et fils d'un lieutenant au baillage de cette petite ville, qui, pour lui faire faire ses études à Paris, eut recours à la bienveillance du chapitre de Laon : il en obtint une bourse pour le collège de Louis-le-Grand, où son fils, le jeune Camille, fut le condisciple et l'ami du fameux Robespierre. Doué de beaucoup d'esprit naturel, il fit d'assez bonnes études, et fût devenu peut-être un sujet très distingué, si, moins abandonné à lui-même, des conseils sages eussent pu combattre dans son imagination ce que l'étude même pouvait, en ce temps-là, avoir de dangereux. En effet, on ne parlait alors que de principes républicains, que de vertus républicaines, à des jeunes gens destinés à vivre dans un état monarchique, dont une fausse philosophie sapait d'ailleurs tous les jours les fondements, avec une incroyable activité. Le système d'Helvétius devint celui de Desmoulins, et la poursuite du plaisir fut la règle de sa conduite, le mobile de toutes ses actions. Lorsqu'après avoir épuisé toutes les extravagances démocratiques, les révolutionnaires voulurent aussi faire l'essai des pratiques de Lacédémone, Desmoulins se moqua d'eux. « Je veux aussi, leur disait-il, célébrer la république , mais que ses banquets soient chez Méot. » Méot était alors le plus célèbre restaurateur de Paris, c'était là que Camille Desmoulins, le capucin Chabot, Fabre-d'Eglantine, et quelques autres, allaient faire des repas dignes de Lucullus ; mais quels furent ses actes révolutionnaires ? Dès l'ouverture des Etats-Généraux, le palais-royal était devenu le rendez-vous des provocateurs les plus ardents à tous les changements qu'on avait dessein d'opérer. Quoique bégayant beaucoup, Desmoulins était un des orateurs les plus déterminés des rassemblements qui s'y formaient. La tournure de son esprit et la hardiesse de ses motions le faisaient particulièrement remarquer d'une multitude délirante, toujours prête à applaudir ce qu'une imagination, exaltée au-delà de toute mesure, pouvait enfanter de plus extraordinaire. Le 12 juillet 1789, dans l'après-midi, on apprit à Paris que Necker venait d'être congédié. La nouvelle de cet événement produisit la plus grande fermentation. Les Parisiens criaient que tout était perdu, puisque ce ministre n'était plus à la tête des affaires publiques. Desmoulins, qui avait ses instructions secrètes, profite habilement de cette disposition des esprits : il sort d'un café, tenant un pistolet à la main, et une épée de l'autre, monte sur une chaise et annonce la nouvelle, puis arrachant une feuille d'arbre, il l'attache à son chapeau en guise de cocarde, crie aux armes ! et invite les rassemblements à le suivre. Aussitôt, tous se précipitent à grands flots; en un instant le Palais royal et les quartiers voisins se couvrent d'une foule immense, les habitants de Paris descendent de tous les étages de leurs maisons, la population entière de la capitale semble être dans les rues. Il est difficile d'imaginer un mouvement pareil ; les spectacles allaient commencer, Camille Desmoulins et ses amis en forcent les entrées, en criant aux armes ! et en font sortir tous les spectateurs, dont le plus grand nombre se joint à la foule insurgée : ils vont ensuite enlever de chez le statuaire Curtius, les bustes de Necker et du duc d'Orléans, et les portent en triomphe dans les rues et dans les places publiques. Le reste de cette scène ne doit point appartenir à cet article (voy. Necker et Orléans ). Pendant le règne de l'assemblée constituante et de l'assemblée législative, Desmoulins continua d'être l'agent le plus furieux, et surtout le plus utile des chefs de la révolution. Lors de l'assassinat du chevalier Delauney et de MM. de Flesselles, Foulon et Berthier, il prit, dans ses pamphlets séditieux, le titre de Procureur général de la Lanterne, et ne cessa d'exciter le peuple aux plus extrêmes violences, soit dans les groupes, soit dans les petits écrits dont il inondait le public, soit enfin dans son journal intitulé : les Révolutions de France et de Brabant. Lorsqu'on agitait dans l'assemblée la question de savoir si l'on accorderait au roi la sanction absolue des décrets, et si le corps législatif serait divise' en deux chambres, ou n'en aurait qu'une seule , on se servit de Desmoulins pour rédiger les écrits anonymes dans lesquels on menaçait de l'insurrection populaire, et même d'incendier les châteaux des députés qui voulaient la sanction absolue et les deux chambres ( Voyez les différents Mémoires sur la révolution ). M. Malouet, indigné de tant d'audace, dénonça plusieurs fois Desmoulins à l'assemblée, comme un provocateur à l'assassinat, et obtint même qu'il fût traduit au Châtelet, alors chargé de la poursuite des crimes de lèse-nation ; mais celui-ci réclama contre le décret, et ses partisans appuyèrent sa réclamation ; M. Malouet insista avec force, et dit que si quelqu'un osait combattre ses assertions, il était prêt à le confondre. « Oui, je l'ose, » s'écria Desmoulins , qui se trouvait alors dans les tribunes publiques. Cette hardiesse fit un bruit épouvantable : mille voix demandèrent que l'insolent fut arrêté; mais Robespierre prit sa défense, parla de sa vivacité, de son caractère, de son patriotisme, plusieurs députés du côté gauche se joignirent à lui ; il ne fut point arrêté, pas même renvoyé des tribunes, et le décret qui le traduisait au Châtelet n'eut point de suite, Desmoulins fut un des instigateurs de la révolte du Champ-de-Mars. Il complota avec les clubistes Cordeliers, ses collègues et ses amis, et fut momentanément poursuivi pour cette affaire, avec Danton et quelques autres. Sous l'assemblée législative, après la chute du ministre Delessart, on le vit attaquer Brissot et les députés de la Gironde, qui jusqu'à cet événement , époque remarquable de la révolution , avaient marché sur la même ligne avec les autres jacobins, ennemis de la cour. Brissot, et les députés de la Gironde, étaient les véritables républicains, et leur but, en faisant déclarer la guerre à l'Autriche, était de conduire les événements de manière que le renversement du trône en France en fût la suite. Ils déclarèrent publiquement depuis, que telles étaient leurs intentions ; quelques autres révolutionnaires, en apparence beaucoup plus exagérés qu'eux, voulaient bien aussi détrôner le malheureux Louis XVI, mais pour faire passer le sceptre dans les mains d'un autre prince. C'est pour ce parti qu'écrivit Camille Desmoulins, surtout en 1791. Il poursuivit à outrance Brissot, que la voix publique mettait à la tête des républicains, et ne contribua pas peu, par ses sarcasmes et ses plaisanteries, à le perdre dans l'opinion du peuple, qui était alors l'unique appui des révolutionnaires. Ce fut lui et le journaliste Morande qui imaginèrent la dénomination de Brissotins et de Girondins, qui commença leur ruine. Il dévoila leurs projets de détruire ce qui restait de la royauté ; idée qui n'existait encore que confusément dans les tètes les plus ardentes, et insinua que la guerre qu'ils voulaient faire déclarer n'avait pas d'autre but. Pendant que Desmoulins tenait ce langage, dans ses pamphlets, Robespierre s'élevait aussi de toutes ses forces contre la guerre, à la tribune des Jacobins , et prophétisait, pour ainsi dire, les malheurs qu'elle devait entraîner ( V. Robespierre). Au surplus. Desmoulins ne doit pas moins être signalé au nombre des plus cruels ennemis du roi, et il fut sous les auspices de Danton, un des provocateurs les plus immédiats de la révolution du 10 août. Après cet événement, il devint le secrétaire de Danton, et il paraît certain qu'il complota avec lui, et Fabre-d'Eglantine, les affreux massacres du 2 septembre. Quelques jours auparavant, il annonça avec son indiscrétion accoutumée, qu'il se préparait une expédition importante contre les ennemis de la patrie : mais il assura que tout se passerait avec ordre, et que les bons citoyens n'avaient rien à craindre. Après les assassinats, il essaya de les justifier, en disant que, comme il l'avait annoncé, tout s'était passé avec ordre, que le peuple n'avait frappé que les contre-révolutionnaires, et que même il avait renvoyé absous plusieurs aristocrates. Ce fut dans ces temps terribles, et pour ainsi dire sous la hache des bourreaux, que Camille Desmoulins fut nommé député à la convention, par les électeurs du département de Paris ; il y vota la mort du roi : après ce crime, il se comporta avec modération, et parut déplorer les attentats auxquels ses amis continuaient à se livrer. Il parla peu dans cette assemblée, la difficulté qu'il avait à s'exprimer en fut la cause ; il défendit cependant de toutes ses forces le général Arthur Dillon , qu'on avait résolu de proscrire, et ne cessa de se montrer son apologiste jusqu'au moment où il fut traîné à l'échafaud (v. Dillon). Les proscriptions devenant tous les jours plus nombreuses et plus épouvantables, il entreprit de les faire cesser, et crut pouvoir y parvenir en publiant un pamphlet périodique intitulé le Vieux Cordelier, que Robespierre, qu'il croyait encore son ami, ne parut pas d'abord désapprouver. S'il se fut contenté d'attaquer le fond des choses, sans attirer trop clairement l'attention sur les principaux acteurs, il eut peut-être réussi, mais il ne put se contenir, Robespierre seul fut ménagé, et Mr. B.. et St-Just, ses collègues et ses coopérateurs, furent accablés des sarcasmes les plus sanglants. Il disait de St.-Just qu'il portait sa tête comme un saint-sacrement. Je la lui ferai porter d'une autre manière, dit celui-ci. Alors ces deux hommes le dénoncèrent comme un modéré, comme un contre-révolutionnaire : deux expressions qu'on employait alors également pour envoyer les gens à l'échafaud. Robespierre parut vouloir un instant le sauver, en disant, dans une séance des Jacobins où se trouvait l'accusé, qu'il fallait brûler son pamphlet. Brûler n'est pas répondre, répartit Desmoulins. Les tyrans n'aiment pas qu'on raisonne avec eux ; Robespierre trouva cette réponse fort déplacée, et abandonna son ancien ami à la vengeance de Mr. B... et de St.-Just, qui le firent décréter d'accusation, comme complice de Danton, qu'on venait d'envoyer à la prison du Luxembourg. Le Vieux Cordelier, dont il n'a paru que six numéros, est un écrit recherché ; on y compare la doctrine qu'on suivait alors à celle de Tibère, dont la loi des suspects est une misérable copie. On croit faire plaisir aux lecteurs en consignant, dans cet article, un projet de Chaumette à cet égard, que Camille avait en vue (1). « Sont suspects, disait Chaumette, et il faut arrêter comme tels : 1°- Ceux qui, dans les assemblées du peuple, arrêtent son énergie par des discours artificieux , des cris turbulents, des murmures ; 2°. ceux qui, plus prudents, parlent mystérieusement des malheurs de la république, s'apitoient sur le sort du peuple, et sont toujours à répandre de mauvaises nouvelles avec une douleur affectée ; 3°. ceux qui ont changé de conduite et de langage, suivant les événements, qui, muets sur les crimes des royalistes , des fédéralistes, déclament avec emphase contre les fautes légères des patriotes, et affectent pour paraître républicains, cette sévérité, cette austérité étudiées, qui se démentent dès qu'il s'agit d'un modéré ou d'un aristocrate ; 4° ceux qui plaignent les fermiers et marchands avides, contre lesquels la loi est obligée de prendre dcs mesures ; 5°ceux qui, ayant toujours les mots de liberté, république et patrie sur les lèvres, fréquentent les ci-devant nobles, les prêtres contre-révolutionnaires, les aristocrates, les feuillants, les modérés, et s'intéressent à leur sort ; 6° ceux qui n'ont pris aucune part active dans tout ce qui intéresse la révolution, et qui, pour s'en disculper, font valoir le paiement des contributions, leurs dons patriotiques, leur service dans la garde nationale, par remplacement ou autrement ; 7°. ceux qui ont reçu, avec indifférence, la constitution républicaine, et ont fait part de fausses craintes sur son établissement et sa durée ; 8° ceux qui, n'ayant rien fait contre la liberté, n'ont rien fait pour elle ; 9° ceux qui ne fréquentent pas leurs sections, et qui donnent pour excuse qu'ils ne savent pas parler, et que leurs affaires les en empêchent ; 10°. ceux qui parlent avec mépris des autorités constituées, des signes de la loi, des sociétés populaires et des défenseurs de la liberté ; 11° ceux qui ont signé des pétitions contre-révolutionnaires, ou fréquenté des sociétés ou clubs anti-civiques, etc., etc. Camille Desmoulins resta peu de temps dans la prison du Luxembourg, ce qui l'affligeait davantage, était d'abandonner une femme charmante, qui venait tous les jours dans le jardin, sous les fenêtres de la prison, recevoir les adieux de son mari ; elle était, dit-on, fille naturelle de l'abbé Terrai, et avait apporté en dot 6.000 francs de rente à Desmoulins, qui en était tendrement chéri et qui l'aimait lui-même avec passion. Il avait fait bénir son mariage par un ecclésiastique insermenté ; c'était elle qui l'avait exigé, et cet ecclésiastique était le professeur de Desmoulins, pour lequel, au milieu de ses monstrueuses erreurs, il avait conservé beaucoup de vénération. (V. Berardier.} II montra au tribunal révolutionnaire, comme ses co-accusés, beaucoup d'impatience et d'indignation ; il ne pouvait comprendre comment, avec ses principes, il se trouvait devant des juges de cette espèce, dont presque tous étaient ses compagnons d'armes, ou avaient été dirigés par lui dans la carrière de la révolution. Lorsque le président lui demanda quel était son âge, il répondit 33 ans, l'âge du sans-culotte Jésus, l'âge funeste aux révolutionnaires. Après sa condamnation , il résista de toutes ses forces aux sbires chargés de sa garde ; il écumait de rage; ses habits étaient en lambeaux , et il était presque nu lorsqu'il arriva à l'échafaud : il fut exécuté le 5 avril 1794 avec Danton et autres. Son intéressante femme fut assassinée de la même manière quelques jours après ; elle montra beaucoup plus de fermeté que son mari, et prédit aux misérables qui l'avaient condamnée, le sort qui les attendait. Desmoulins avait été un des accusateurs des députés en mission dans la Vendée, et avait osé faire considérer comme des crimes, les horreurs qui s'y commettaient. Il fut, après le 9 thermidor, considéré comme une des victimes de la tyrannie, et sa mémoire fut particulièrement honorée par ceux qui avaient triomphé dans cette journée (V. Philippeaux). Outre un grand nombre de pamphlets et de journaux, les Révolutions de France et de Brabant, commencées en 1789, et le Vieux Cordelier, en 1794, on a de Camille Desmoulins : I. Satyres, ou Choix des meilleures pièces de vers qui ont précédé et suivi la révolution, Paris, an 1er de la liberté, in-8°. de 32 pag. ; recueil pitoyable sous le rapport de la poésie. L'éditeur, dans son avertissement, promettait un cahier tous les quinze jours: il ne paraît pas qu'il ait tenu parole ; II. Opuscules de Camille Desmoulins, Marseille, Strasbourg et Paris, 1790, in-8°.; III. Histoire des Brissotins, ou fragments de l'Histoire secrète de la révolution et des six premiers mois de la république, 1793, in-8°. de 80 pages. Une traduction anglaise de cette brochure, formant un in-8°. de 68 pag., eut deux éditions à Londres , en 1794. Quelques bibliographes lui attribuent encore la Maltéide ou le Siège de Malte, poème, Bouillon, 1790, in-8°. ; cet ouvrage a pour auteur un Desmoulins, contrôleur des fermes à Sedan. B—u. (Beaulieu.)

 

(1) Cette pièce devait paraître à l'article Chaumette ; mais la censure d'alors ne permit pas de la publier.
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