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Dernière modification:
11/03/2004
Relation d'un témoin oculaire
"Relation fidèle et détaillée de la dernière campagne de
Buonaparte, terminée par la bataille de Mont-Saint-Jean, dite de Waterloo ou de
la Belle-Alliance, par un témoin oculaire.
Paris, J. G. Dentu, Imprimeur-Libraire, rue du Pont de
Lodi, n° 3, près le Pont-Neuf. 1815. (Présentation
et début) |
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(...)
Tel était l'état des choses, lorsqu'on apprit que la garde, partie de Paris
à l'issue du Champ-de-Mai, se dirigeait à marches forcées sur Laon, et que
Buonaparte, peu de jours après, avait suivi son mouvement, et se rendait en
toute hâte sur les frontières. On le vit en effet arriver presque en même
temps qu'elle à Vervins, où il se mit à la tête de l'armée, qui avait quitté
ses quartiers pour se réunir : le passage des troupes par Vervins et Avesnes
fut continuel pendant plusieurs jours.
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p. 10
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On est encore à se demander par quels prestiges
Buonaparte était parvenu à fasciner tellement les yeux d'une immense
population et de l'armée, que l'une vît sans effroi fondre sur elle toutes
les calamités de la guerre, et que l'autre affrontât audacieusement toutes
les forces de l'Europe conjurées contre elle ; ce qu'il y a de certain,
c'est que partout il fut accueilli avec les acclamations les plus bruyantes
et les plus unanimes. |
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On ne pensait pas généralement que son intention fût
d'attaquer; mais il paraissait plus vraisemblable que l'armée se portait sur
l'extrême frontière pour prendre ses lignes de défense. Au reste, il
développa sur son passage son activité ordinaire : passant des revues et
vi-sitant en détail les fortifications des villes qu'il traversait, il ne
laissait échapper aucune occasion de se montrer aux troupes. |
p. 11 |
En arrivant à Beaumont, l'armée du Nord fit sa jonction
avec celle des Ardennes, commandée par Vandamme, dont le quartier-général
était établi à Fumay. L'armée de la Moselle, sous les ordres du général
Gérard, partie de Metz à marches forcées, débouchait en même temps par
Philippeville, et se mettait également en ligne. Ainsi l'armée du nord se
trouvait composée de cinq corps d'infanterie, commandés par les lieutenants
généraux d'Erlon, Reille , Vandamme, Gérard et comte de Lobau. La cavalerie,
commandée en chef par Grouchy, était partagée en quatre corps, sous les
ordres des généraux Pajol, Excelmans, Milhaud et Kellermann. |
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La garde impériale, qui était forte de 20.000
hommes, formait le noyau de cette belle armée, que suivait un matériel
considérable d'artillerie, parfaitement bien attelé et dans le meilleur
état, ainsi que plusieurs équipages de pont. Indépendamment des batteries
attachées à chaque division, chaque corps d'armée avait son parc de réserve;
la garde surtout avait une magnifique artillerie presqu'entièrement composée
de pièces neuves. |
p. 12. |
Ces troupes, toutes d'élite et parfaitement
bien disposées, pouvaient donner un effectif de 150.000 combattants, dont
20.000 de cavalerie, ayant à leur suite 300 bouches à feu. |
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Mais déjà, dans le sein même de leur patrie,
ces troupes manquaient de celte discipline qui fait la force des armées et
devient la sauvegarde des pays qu'elles occupent. Sans égard pour leurs
malheureux compatriotes, qui mettaient le plus grand zèle à leur fournir
tous les moyens de subsistance qui étaient en leur pouvoir, les soldats
français les traitaient avec la dernière rigueur; et regardant le pillage
comme un de leurs droits les plus incontestables, ils se faisaient en
quelque sorte un mérite de se livrer à tous les excès. |
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Partout ils saccageaient les maisons ; et,
sous le prétexte de chercher des vivres, brisaient les portes, enfonçaient
les armoires, maltraitaient les paysans, et s'emparaient de tout ce qui
était à leur convenance : on était en campagne; on ne pouvait faire la
guerre sans eux, disaient- ils; en conséquence tout leur était permis, et,
d'après ce raisonnement, ils donnaient un essor 13 )illimité à leur goût
pour le brigandage, goût raffiné par dix ans de guerres qu'on ne peut
comparer, par les ravages qu'elles exercèrent, qu'à ces excursions de hordes
barbares sur les terres de leurs voisins. Ainsi, courant de maison en
maison, de grenier en grenier, de cave en cave, les soldats ne revenaient au
camp que chargés de dépouilles, et après avoir anéanti ce qu'ils ne
pouvaient emporter : trop heureux si, en butte à toutes sortes d'invectives
et de mauvais traitements, le pékin accusé d'avoir trop bien caché son
argent, parvenait à échapper à leur vengeance, en laissant à leur discrétion
tout son avoir. |
p. 13. |
La plupart des officiers, il est affligeant
de l'avouer, ne s'opposaient que très faiblement à cet infâme pillage, et le
toléraient, en disant avec une sorte de satisfaction : " Pourquoi n'y a-t-il
pas de magasins; il faut bien que le soldat « vive. » Et quand le soldat
vivait, l'officier, comme on peut le croire, était dans l'abondance, et
n'avait que l'embarras du choix. Reconnaîtra-t-on à ces traits le caractère
essentiellement loyal, désintéressé, généreux et délicat des officiers
français ? Non, sans doute; mais autre temps, autres moeurs, et il
appartient aux officiers de Buonaparte de présenter à l'histoire une
physionomie nouvelle et particulière. |
p. 14. |
Au milieu de cette tourbe de dévastateurs
cupides et sans principes, se trouvaient cependant un grand nombre d'hommes
pleins d'honneur et de moralité, qui gémissaient de cet affreux désordre, et
qui ne servaient qu'à regret dans une armée rebelle, qu'une pareille
conduite rendait plus criminelle et plus méprisable encore; mais entraînés
par la force des circonstances, et voulant se dissimuler leur parjure, ils
cherchaient à se faire illusion sur les causes de la guerre, pour n'en
considérer que le but, qui était de s'opposer à l'invasion du territoire
français. |
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C'est à ce seul titre que, déposant toute
opinion, et dans l'intention exclusive de concourir à la défense de la
patrie, ils regardaient comme leur premier devoir de rester fidèles à leur
poste. |
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Il était, au reste, impossible de réprimer
ces excès; le soldat en était venu au point de ne pouvoir être contenu; et,
en général, les chefs animés des meilleures intentions, savaient très bien
que ce désordre avait constamment régné dans les armées commandées par
Buonaparte, et qu'il était un des plus puissants moyens employés par lui
pour se concilier l'attachement des soldats et monter leur courage. |
p. 15. |
(à suivre.) |
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(p. 40 et suivantes,
bataille de Waterloo) |
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