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SEGUR
(Philippe-Paul, comte de), lieutenant général, un
des quarante de l'Académie Française, né en
1780, est le second des fils du comte de Ségur, le grand-maître
des cérémonies. Il passa une partie de sa jeunesse
en Angleterre, et termina ensuite son éducation dans le sein
de sa famille, à Châtenay. Après la révolution
du 18 brumaire, il entra dans l'armée comme enrôlé
volontaire. Le vieux maréchal, son grand-père, lui
dit à cette occasion: « Tu vas servir un parti qui
n'est pas le mien; mais sers ton pays, et une fois sous son drapeau,
ne l'abandonne jamais.» Le petit-fils s'est souvenu toute
sa vie de cette recommandation. Nommé immédiatement
sous-lieutenant, il fit en cette qualité la campagne de la
seconde armée de réserve, puis celle de Bavière
sous Moreau, et assista à la bataille de Hohenlinden. Ensuite,
aide de camp de Macdonald, il fit avec lui la rude campagne d'hiver
dans le canton des Grisons, qu'il a racontée sous le titre
de Campagne du général Macdonald dans les Grisons
(1802). La même année le premier consul l'admit dans
son état-major particulier, et lui confia la surveillance
du quartier général et de sa personne. Une nuit le
général commandant les Tuileries vint le réveiller
sur son lit de camp en lui recommandant de changer sur-le-champ
les mots d'ordre et de ralliement, et d'organiser toute la garde
du château comme en présence et à portée
de l'ennemi: un quart d'heure après, et depuis ce moment
jusqu'à l'arrestation de Georges et de Pichegru, ce service
fut réglé de manière à ce que toute
surprise devînt impossible.
En 1805 ce fut le capitaine de Ségur qu'on envoya dans Ulm
au feld-maréchal Mack pour le sommer de se rendre. Dans la
campagne de Pologne, en 1807, il remplit auprès de Napoléon
les fonctions d'olficier d'ordonnance; mais il eut le malheur d'être
fait prisonnier par les Russes, et il ne recouvra sa liberté
qu'après la paix de Tilsitt. Il commanda ensuite provisoirement
un régiment de hussards en Espagne, et enleva avec des lanciers
polonais la crête de la Somo-Sierra; fait d'armes qui lui
valut sa nomination définitive au grade de colonel. Promu
en 1812 général de brigade, il fit en cette qualité
la campagne de Russie, dont il a été depuis l'éloquent
historien. A la fin de cette même année 1812 l'empereur
le nomma gouverneur des pages. Pendant la campagne de 1813 il fut
chargé de former et de commander le cinquième régiment
des gardes d'honneur (le 3e), qui devait se composer de 2.700 cavaliers,
élite de la jeunesse languedocienne, bretonne et vendéenne,
et dont les dispositions inspiraient à bon droit quelque
inquiétude; mais le général réussit
bientôt à se rendre complètement maître
del'esprit de ses jeunes soldais, et le cinquième (troisième)
régiment des gardes d'honneur mérita d'être
cité à la bataille de Hanau comme un des corps qui
avaient le plus contribué au salut de l'armée. Dans
la campagne de 1814 le corps qu'il commandait se distingua aux combats
de Montmirail, de Château-Thierry, de Gui à Trème,
et surtout aux deux affaires de Reims. Blessé gravement dans
la dernière et transporté à Paris, il quitta
cette capitale quand l'ennemi y entra. Il se retira a Tours, qu'il
contint jusqu'au 11 avril avec les dépôts du quatrième
et du cinquième régiment des gardes d'honneur. Après
l'abdication de Napoléon, il adhéra au gouvernement
royal, et reçut de Louis XVIII le commandement du corps de
cavalerie formé avec les débris de la vieille garde.
A la fin des cent jours il fut chef d'état-major du corps
d'armée chargé de la défense de la rive gauche
de la Seine, dont le quartier général était
a Montrouge. Il s'opposa vainement, devant le prince d'Eckmühl
(Davout) et les généraux Grenier et Carnot, à
la capitulation de Saint-Gloud, en proposant pour le lendemain l'attaque
de l'armée prussienne , qui, témérairement
compromise sur la rive gauche de la Seine, aurait pu être
écrasée ; mais il était trop tard: les intrigues
de Fouché, ses ténébreuses négociations
avec les alliés et avec les Bourbons avaient décidé
du sort de Paris et de la France. Dès lors le général
Philippe de Ségur se retira avec ses enfants et le comte
de Luçay, son beau-père, dans la vallée de
Montmorency, a Saint-Gratien. C'est là que, revenu tout entier,
dans la maturité de l'âge, à la culture des
lettres qui avait marqué le début de sa carrière,
et qu'il avait toujours aimées et cultivées, il entreprit
l'Histoire de Napoléon et de la grande armée en 1812.
L'intérêt tout palpitant du sujet, la sincérité
de l'historien, ses révélations piquantes, ses réflexions
profondes, et outre cela la couleur pittoresque, animée,
de son style, placèrent tout d'un coup Philippe de Ségur
au rang des premiers écrivains de l'époque. Cet ouvrage
excita d'ailleurs quelques-unes de ces réclamations, de ces
critiques, qui ne font que confirmer le succès d'un livre,
en lui donnant plus d'éclat. Il fallut même que le
comte de Ségur mît l'épée à la
main pour protéger ce qu'avait écrit sa plume. Encouragé
par ce succès, il fit paraître, quatre ans après,
en 1829, l'Histoire de Russie et de Pierre le Grand. Même
éclat de style, même force de pensées que dans
son premier ouvrage. L'Académie Française récompensa
ce double succès de Philippe de Ségur en l'appelant
à l'unanimité dans son sein, le 25 mars 1830 ; et
ce fut la première fois qu'on vit le père et le fils
siéger ensemble dans ce corps littéraire. En 1835
Philippe de Ségur publia l'Histoire de Charles VIII; on y
trouve, sur l'expédition de ce prince en Italie, et sur les
intérêts des divers États de cette péninsule,
des documents qui n'avaient pas encore été présentés.
Le maréchal Gourion Saïnt-Cyr l'avait rappelé
à l'activité en 1819 ; et les services nouveaux qu'il
rendit alors furent récompensés par sa nomination
au grade de grand-officier de la Légion d'Honneur. La révolution
de Juillet ne l'en retrouva pas moins sans emploi depuis près
de deux ans. Rappelé à l'activité parle gouvernement
de Louis-Philippe, Ségur fut promu, le 27 février
1831, au grade de lieutenant général. Il vit aujourd'hui
complètement étranger aux affaires publiques.
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