La Patience, e-bulletin n° 365, 2 février 2002.
Nouvelles du quartidi 14 nivôse, an X de la République.
(4 janvier 1802, ancien style.)

Angleterre. Londres, 26 décembre (5 nivôse.) Des lettres récemment reçues de Madras donnent les détails suivants :
" Les cipayes au service de la compagnie forment une partie considérable de l'état militaire de l'Inde. Ils sont formés en bataillons réguliers, et ont un uniforme complet. Un bataillon forme huit compagnies de cent hommes chacune, dont deux de chasseurs ou de grenadiers. Leurs habits présentent l'apparence des corps européens les mieux organisés ; ils sont en rouge, avec des revers de velours noir ; le reste ressemblé plus à l'habillement asiatique, et leurs jambes nues les rendent plus actifs pour le service.
Ils jouissent d'une grande considération parmi leurs compatriotes, et ils savent la soutenir. Leur service est infiniment utile dans cette contrée, pour y maintenir le bon ordre, assister les receveurs, les douaniers dans des cas pressants, escorter les courriers, et préserver le pays d'être infesté par les voleurs. Ce sont eux qui exercent partout la police, et il faut avouer qu'avant eux, il n'y en avait aucune.
L'établissement de paix de Madras consiste en trente bataillons de cipayes ; ils ont peu de défauts, sont très sobres par habitude et par religion ; ils sont extrêmement attachés à tous ceux qui ont quelque autorité sur eux, et fort prévenants envers leurs officiers, lorsque ceux-ci ont besoin de leurs services.

- Des lettres de l'Inde venues par la voie de terre et arrivées ici, hier, annoncent que les Polygars du Carnate, qui ont servi si utilement nos armées, sont en état de rébellion, et que même ils ont remporté différents avantages contre les troupes envoyées pour les réduire. Elles nous apprennent aussi la mort de Zemaun Shah.

- D'après le pouvoir attribué par les lords de l'amirauté aux commandants en chef de nos flottes, chacun d'eux est autorisé à faire juger, condamner et exécuter quiconque sera trouvé coupable de révolte à bord de sa flotte, sans prendre les ordres de l'amirauté.

- L'Empereur de la Chine (Kia-King) a prohibé dans ses États la vente de l'opium, dont la compagnie des Indes retirait un grand profit (Nous ferons connaître l'édit publié à ce sujet par le hoppo, ou receveur général des douanes à Canton.)

Intérieur. Mont-de-Marsan, le 5 nivôse. Un crime extraordinaire va être déféré au tribunal criminel. Depuis plus de six mois, la police, instruite que dans une partie de ce département, quelques scélérats faisaient la profession d'avorteurs, suivait leurs traces. Sur quatre individus prévenus de cet attentat, et qui sont présentement dans les prisons de Saint-Sever, trois ont été saisis en flagrant délit ; deux d'entre eux étaient munis d'un instrument tranchant et d'un breuvage qui s'est trouvé une décoction de plusieurs plantes auxquelles on attribue la vertu de faire périr le fruit dans le sein de la mère. Il paraît que la forme de ces instruments varie. Deux sont déposés entre les mains de la justice : l'un est une lame de ciseaux recourbée et extrêmement tranchante des deux côtés ; l'autre est un morceau de fer de la longueur d'un décimètre environ, enfermé dans un roseau et armé d'une lame d'acier, en forme de fer de lance.
On dit que la loi actuelle, semblable à celle de Solon qui n'avait pas cru prévoir le parricide, n'établit point de peine contre les avorteurs ; mais les dispositions pénales applicables aux assassins ne le sont-elles pas au crime qui réunit, au plus révoltant degré, tous les caractères de l'homicide ?

Niort, le 5 nivôse. On lit dans le Journal des Deux-Sèvres le nom de huit poissonniers de la commune de Magné qui, le 25 frimaire dernier, ont tous péri avec un bateau apparemment surchargé. La feuille citée fait observer que parmi les habitants du marais, il  n'en est aucun qui, dans une pareille circonstance, ne dût périr aussi misérablement. Entourés d'eau dès leur enfance, y est-il dit, à peine  ont-ils six à sept ans qu'ils savent manier l'aviron, et, par une singularité remarquable et bien funeste, aucun ne s'exerce à la natation, cet art si intéressant, puisqu'il est pour eux d'une utilité journalière. Tout ce qui les environne les avertit qu'il est important de savoir nager. Leurs troupeaux, leurs chiens, les oiseaux de leur basse-cour, leur en donnent l'exemple ; des accidents fréquent leur en font sentit la nécessité. Nous les invitons à ne plus négliger ce moyen précieux de leur conservation, et à apprendre à nager à leurs enfants. Cette science est pour eux celle de la vie.

Préfecture de police. Paris, le 13 nivôse an 10.  - Malgré les différents avis donnés au public, pour le tenir en garde contre ces lettres supposées dites lettres de Jérusalem, dans lesquelles des individus se disant détenus au Temple ou ailleurs, offrent d'indiquer un trésor prétendu enfoui par eux, si l'on veut bien leur envoyer une somme d'argent, nombre de personnes sont encore dupes de ce genre d'escroquerie. Le préfet de police a déjà fait arrêter beaucoup de ces escrocs, et récemment encore plusieurs individus qui tenaient de cette manière une correspondance très étendue. Ils écrivaient de ces lettres et se faisaient adresser les réponses par l'intermédiaire de deux femmes, qui prenaient tout à la fois l'une les noms de Thibault, Bouton, Duret, Dumesnil, Kinklaine, Gillet et Monnier ; et l'autre, ceux de Durand, Raoul, Genty et Martin ; elles indiquaient autant de demeures différentes.

On lit dans “le Journal de Paris” de ce jour :

- Le ministre de l'intérieur est parti, le 12, pour Lyon.

Autriche. Vienne, 10 décembre. L'archiduc Charles a fait distribuer un ordre par lequel il est défendu de donner des coups de bâton à aucun soldat, à l'insu de son colonel.

- La police à cheval est maintenant établie dans cette capitale ; elle consiste en militaires réformés de la cavalerie.

Rép. Helvétique. Berne, 24 décembre. Il est arrivé à Lausanne 4 compagnies de la 75e demi-brigade française venant de Fribourg.

Préfecture de Police. Il est de toute fausseté qu'un bœuf se soit échappé d'un troupeau dont les bouchers du Marais faisaient entre eux le partage, et les détails rapportés à ce sujet dans plusieurs journaux, sont controuvés.