Les
Mémoires du général Marbot ont été publiés
en 1891, à l'apogée de la grande vague de la littérature napoléonienne.
Ils ont connu un succès considérable. Jean Tulard, dans sa bibliographie
des Mémoires sur le Consulat et l'Empire, signale qu'ils ont suscité
de vives critiques, de la part notamment d'Albert Sorel, Ernest
Daudet et Emile Bourgeois, qui "ont mis en doute l'exactitude
du récit et dressé un parallèle avec les romans de Dumas".
Et il cite P. Conard : "Les détails nouveaux qu'on peut
lui emprunter sont suspects ; le reste n'est pas de lui".
Et Jean Tulard conclut : "Ecrits après 1847, ces mémoires
font en effet de grands emprunts à Thiébault, Fain et Thiers. La
verve de Marbot le conduit souvent à bien des exagérations."
Pour beaucoup, les Mémoires de Marbot
passent pour un roman, sans valeur historique.
J'ai personnellement montré, dans
les Carnets de Campagne n° 4, que la relation de la bataille de
Waterloo écrite par Marbot en 1830 était en contradiction complète
avec une lettre écrite par lui en 1815, et avec d'autres témoignages
de combattants. Mais ce n'est pas pour ça que je pense qu'il faut
ranger ses Mémoires au rayon des romans.
Marbot était bel et bien fils d'un
général de premier plan de la République (Antoine
Marbot), mort au siège de Gênes en 1800. Marbot a bien réellement
été aide de camp des maréchaux Augereau, Lannes et Masséna.
Il a réellement été colonel du 23e
chasseurs à cheval, et il était, semble-t-il, un colonel capable
et distingué.
Il était réellement colonel du
7e régiment de hussards à Waterloo.
Il a eu une vie extraordinaire, probablement
plus extraordinaire que n'importe quel roman... A un scénariste
qui proposerait un personnage ayant le parcours de Marbot, on répondrait
: "tu ne crois pas que tu en mets un peu trop ?..."
Marbot est Gascon, et il raconte bien,
c'est entendu. Mais si on écarte dédaigneusement les témoignages
de ceux qui écrivent bien (comme la
duchesse d'Abrantès), on risque de passer à côté d'éléments
historiques importants. Autre chose est de se livrer à un véritable
travail de critique historique, et de voir, lorsque ces auteurs
sont surpris à arranger les faits, voire même à mentir, pourquoi
ils le font.
Quant à dresser un parallèle avec
les romans d'Alexandre Dumas... Pourquoi pas ? Le père d'Alexandre
Dumas, un mulâtre originaire de Saint-Domingue, était lui aussi
général de la République, et l'un des plus extraordinaires personnages
de cette époque, qui n'en manquait pourtant pas.
|