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Les
Anglais n'étaient pas seuls à Waterloo. L'armée
alliée comptait près de 68.000 hommes. Parmi eux,
on ne comptait que 24.000 britanniques (Anglais, bien sûr,
mais aussi Gallois, Ecossais, Irlandais) . Le reste de l'armée
comprenait des Allemands, (Hanovriens, Brunswickois, Nassauviens)
et des Néerlandais (Belges et Hollandais).
Il est certain, d'autre part, que l'intervention de l'armée
prussienne fut décisive. A ne prendre en compte que les effectifs
des troupes dans la campagne, on pourrait dire que Waterloo est
une victoire allemande, remportée avec le concours de contingents
britanniques, hollandais et belges. Mais la réalité
politique est différente, et les chiffres ne peuvent empêcher
que Waterloo fût une victoire anglaise.
Wellington disposait d'excellentes troupes britanniques : son infanterie
était une des plus solides qui soit. Elle avait été
éprouvée en Espagne, était habituée
à vaincre, et disposait d'une tactique parfaitement adaptée
à sa composition et à son armement. De plus, l'origine
de son recrutement, son genre de discipline contribuaient à
lui assurer une solidité exemplaire. Mais l'armée
anglaise n'aurait pu, seule, résister aux assauts furieux
de l'armée française.
Si Wellington reconnut, dans son bulletin de la bataille, le rôle
joué par ses alliés en citant plusieurs de leurs généraux,
il s'est créé, au cours des années qui suivirent,
une image bien moins flatteuse dans l'opinion britannique pour ces
auxiliaires. Les auteurs anglais les montrèrent de plus en
plus fréquemment comme étant de mauvaises troupes,
n'ayant apporté aucun appui, et s'étant débandées
en masse. Cette image, destinée à accroître
le mérite britannique, fut imposée par l'ouvrage de
Siborne (1844). Dans cette imagerie noire, ce furent surtout les
troupes néerlandaises, et particulièrement les Belges,
qui furent désignées au mépris de l'opinion
britannique.
Des auteurs
allemands, belges et hollandais ont répondu à ces
imputations, et leur défense trouva de l'écho dans
leurs pays respectifs. Mais bien que leurs arguments fussent solides,
le message n'est jamais passé en Angleterre.
Il faut donc voir si les allégations de Siborne sont fondées
ou non, et à la lumière d'un nouvel éclairage
de l'histoire, tenter de comprendre quels furent le rôle et
le comportement des troupes alliées à Waterloo, et
particulièrement des Belges.
La
Belgique existait-elle en 1815 ?
Aujourd'hui, on est parvenu à faire croire aux Belges eux-mêmes
qu'ils n'ont pas d'existence nationale avant 1830, et que l'Etat
belge est une création artificielle, imposée par les
puissances européennes. Pourtant, les documents ne manquent
pas, qui démontrent l'existence d'une conscience nationale
belge en 1815, conscience qui puisait ses racines dans un passé
prestigieux .Ce sentiment était tempéré d'un
fort provincialisme.
Le 8 février 1814, le général commandant les
armées alliées en Belgique, le duc de Saxe-Weimar,
écrivait dans une proclamation affichée à Bruxelles
: "Qu'elle renaisse cette Belgique jadis si florissante, qu'elle
renaisse sous l'égide de l'ordre et du repos. L'indépendance
n'en est plus douteuse, mais allez la mériter par la conservation
de l'ordre intérieur et par l'organisation de levées
militaires qui combattront pour la liberté et l'honneur."
Dans une proclamation du 4 mars 1814 relative à la formation
de la Légion Belge, le gouverneur militaire de Bruxelles,
le comte de Lottum écrivait : "Ressouvenez-vous, braves
Belges, des exploits de vos ancêtres. Pensez à l'état
d'opprobre et d'esclavage du chef de l'Eglise qui, par un dévouement
héroïque et digne des couronnes célestes, a su
sauver les intérêts de la Sainte Religion. Il s'agit
de sa libération, il s'agit de votre honneur, de votre existence
politique, du bonheur de vos familles."
Sous la pression des événements, le prince-souverain
des Pays-Bas hâta la réunion projetée de la
Belgique et de la Hollande. Le 16 mars, il se fit proclamer par
les Etats Généraux roi des des Pays-Bas et grand-duc
de Luxembourg.
Dans sa proclamation du 16 mars 1815, "portant déclaration
que tous les pays qui sont sous son gouvernement forment le Royaume
des Pays-Bas", Guillaume rappelle que ce sont les puissances
assemblées au Congrès de Vienne qui se prononcent
pour la réunion de la Hollande et de la Belgique, et que
les habitants des "provinces Belgiques" ont témoigné
leur joie sur cette importante mesure. Et il continue : "Animés
par le suffrage des plus puissants souverains ; nous confiant en
cette noble passion pour la liberté civile et l'indépendance,
qui, de tout temps, a caractérisé les Belges
(...) nous prenons aujourd'hui le sceptre en mains."
Les lettres de Goblet, jeune officier tournaisien sortant de l'armée
française, montrent que, si ses sentiments de fraternité
vont vers la France, il n'en a pas moins une conscience nationale
belge, et que l'union avec la Hollande est plutôt perçue
comme un mariage de raison.
Le père de Goblet écrit à son fils, le 11 juillet
1815 :
"il paraît bien démontré que nos Belges
ont soutenu leur ancienne réputation guerrière".
Cette réputation était largement répandue,
si l'on en croit le Dictionnaire du général Bardin
: "La réputation des Gardes wallonnes était
un témoignage de l'estime dont jouissait depuis Charles-Quint
la milice belge ; elle a produit de tout temps des soldats vigoureux
; tel était ce célèbre régiment des
dragons de Latour qui, au commencement de la guerre de la Révolution,
combattait sous les drapeaux d'Autriche."
A la même époque (1793)
des corps belges se battaient dans les rangs de l'armée française.
Le général français Thiebault servit dans un
des ces corps, le 24e bataillon d'infanterie légère,
et il se souvenait en rédigeant ses Mémoires de l'impression
que lui avaient laissée les hommes qui le composaient :
"Quant aux soldats, ils étaient ce que seront toujours
des Belges bien commandés, c'est-à-dire des hommes
ayant avec l'élan des Français une ténacité,
une énergie qu'en masse nous n'avons pas, c'est-à-dire
des soldats ne le cédant à aucun des soldats du monde."
Voir aussi
: La Belgique existait-elle en 1830 ?
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Panique
à Bruxelles...
Le 16 juin, le capitaine anglais Basil Jackson assiste à
la panique qui saisit les Anglais qui résident à Bruxelles
: familles et domestiques des officiers anglais, équipages,
fonctionnaires de l'administration militaire, tous se ruent dans
le plus grand désordre vers Anvers.
"Quant aux habitants, écrit-il, ils avaient
vu, l'année précédente, tant d'armées
traverser leur ville, qu'ils voyaient dans la situation présente
tout au plus la menace d'un orage qui pouvait leur causer un préjudice
plus ou moins sérieux. En outre, une bonne moitié
d'entre eux étaient Français de cœur, et prêts
à accueillir en amis Napoléon victorieux. "
Ceci n'a pas empêché certains auteurs anglais, et ce
dès le lendemain de la bataille, d'affirmer que ce sont les
populations et les troupes belges qui ont fui en hâte devant
l'arrivée annoncée des Français.
Le général Sarrazin, un Français qui avait
commandé en Belgique et qui était passé en
Angleterre, se montre sceptique et écrit en commentant le
récit du général Scott, publié dès
la fin 1815 :
"La déroute d'un régiment de cavalerie belge,
qui fut saisi d'une terreur panique, est rapportée avec toute
la complaisance d'un Anglais à qui on a prêté
sujet de se moquer. Encore un tableau comme celui que j'ai déjà
cité, quand on apprit à Bruxelles l'entrée
des Français en Belgique ! Si nous en croyons M. Scott tout
Bruxelles se serait rendu en poste à Anvers, tant on était
effrayé des horreurs qu'on redoutait des Français.
Qui avait donc rendu les Bruxellois si méfiants ? Pendant
vingt ans, il y avait eu garnison française à Bruxelles,
et j'ai vu les habitants de cette ville se conduire envers nos officiers
et soldats avec tous les égards qu'on a dans tous les pays
pour les défenseurs de la patrie. "
Et Sarrazin montre l'intérêt qu'il pouvait y avoir
en Angleterre à calomnier la conduite des alliés :
"Après avoir lu ce roman, le fermier anglais pousse
un profond soupir, avale un verre de bierre, et dit gravement :
"Il vaut encore mieux payer d'énormes taxes, que d'être
obligé de fuir à pied comme les habitants de Bruxelles.
""
Les auteurs anglais englobent dans l'expression "belgic"
l'ensemble des troupes alliées, et les fuites avérées
de troupes hanovriennes ont été attribuées
aux Belges. L'armée néerlandaise, composée
de troupes hollandaises, nassauviennes et belges étaient
connues sous la dénomination de Dutch-Belgian army.
Mais souvent, ces troupes sont désignées par les Anglais
sous le nom de Belgian ou Belgic, alors que les
Belges ne formaient même pas un cinquième de l'ensemble.
(il y avait à Waterloo 4 bataillons, 7 escadrons et 2 batteries
belges, soit 4200 hommes environ.)
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Siborne.
En 1844, le
capitaine Siborne publia son monumental ouvrage : History of
the war in France and Flanders in 1815.
L'ouvrage de Siborne, dans lequel "l'armée néerlandaise
et les Belges sont déchirés à pleine dents,"
dit le général Renard, "est une "spéculation
basée sur l'exaltation de l'amour propre britannique."
"Cette histoire est faite avec des cancans et des commérages".
En 1846, le général hollandais Knoop publia un ouvrage
intitulé Beschouwingen over Siborne's geschiedenis,
par lequel il réfuta Siborne.
En 1855, le général belge Renard publia une "Réponse
aux allégations anglaises sur la conduite des troupes belges
en 1815". On lisait en.exergue. la citation suivante de
Guibert : "Honte à l'écrivain militaire qui
sacrifie son opinion à l'ambition ou à la fortune."
C'est clairement Siborne qui était visé.
L'ouvrage du général Renard est une démonstration
remarquable. Mais elle n'a pas dû convaincre les Anglais,
qui ne le lirent pas, et continuèrent à prendre l'ouvrage
de Siborne pour la bible définitive sur la bataille de Waterloo.
Renard démontre, exemples à l'appui, que, pour vaincre,
une armée doit posséder de bons cadres, de l'instruction
et une discipline à toute épreuve, et que de pareils
corps ne s'improvisent pas. Que si l'armée de Wellington
était une armée exemplaire, c'était dû
au mérite du duc de Wellington qui avait forgé cette
armée au cours de la guerre de la Péninsule en dépit
de l'opposition du Parlement :
"Les
palmes de la gloire ne sont pas le patrimoine exclusif d'une nation,
mais elles sont moissonnées par les armées les mieux
organisées, les plus disciplinées, les plus manœuvrières,
abstraction faite de la nation à laquelle elles appartiennent."
Et il rappelle
que les armées britanniques qui combattaient en Belgique
en 1793 et 1794, n'étaient exemptes ni de terreurs paniques,
ni de fuites précipitées, et que Wellington se plaignait
amèrement de l'indiscipline de ses troupes en 1810.
Il rappelle en outre, que les Belges, en 1815, ne se battaient pas
pour une cause exaltante :
"Etait-ce
pour l'indépendance de la patrie ? Non, car leurs vœux à
ce sujet avaient été déçus : cette indépendance,
l'Angleterre elle-même venait de la leur ravir, pour river
le sort de leurs belles provinces à un Etat qu'elles avaient
appris à haïr et dont, depuis, deux siècles,
elles n'avaient reçu que des affronts ou de mauvais procédés.
" Vu les conditions dans lesquelles les troupes belges
eurent à prendre part à la campagne : organisation
imparfaite et précipitée, indifférence pour
la cause que l'on défendait, et chez quelques-uns même,
des vœux pour l'armée rivale, on aurait pu s'attendre à
des fuites ou des défections, ce qui n'eut pas lieu.
:
"les
Belges, poursuivait Renard, restèrent fidèles
à l'honneur militaire et au drapeau. Et s'ils le furent,
c'est dû au corps des officiers : "presque tous les
officiers étaient des hommes d'élite : un grand nombre
portaient sur la poitrine la croix des braves, gagnée sur
les champs de bataille de la Répubique et de l'Empire."
Comment les Anglais en sont-ils arrivés à déprécier
la conduite de leurs Alliés ? C'est que la victoire de Waterloo
porta l'Angleterre "au dernier degré d'exaltation",
l'orgueil national ne connut plus de bornes. "Les Anglais
se plurent à imaginer qu'ils avaient vaincu seuls Napoléon
et son armée, et que le reste ne formait qu'un appoint incommode,
voire gênant. Les Hanovriens, les Prussiens, les Néerlandais
furent tour à tour vilipendés, à un point incroyable.
"
Qu'il y ait eu des corps culbutés par l'ennemi, qu'il y ait
eu des soldats qui aient cherché à se soustraire au
feu de l'ennemi, le général Renard ne le nie pas car,
dit-il, ces incidents se retrouvent dans toutes les armées,
les anciennes comme les jeunes. Il y en eut des exemples dans l'armée
française, comme dans l'armée anglaise.
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Le
mot de Napoléon
Dans le récit
de la campagne de 1815 dicté par Napoléon à
Sainte-Hélène et publié en 1818 sous le nom
du général Gourgaud, on lit : "Les soldats
belges et allemands ne valaient pas les soldats français".
Les dictées de Sainte-Hélène sont des œuvres
politiques de circonstance, dans lesquelles il ne faudrait pas trop
chercher la vérité. Tout y est dirigé dans
le sens de la justification de Napoléon, et surtout du camouflage
de ses fautes. Dans la phrase citée ici, Napoléon
entendait valoriser les qualités du soldat français,
en oubliant que les armées françaises comptaient proportionnellement
autant de Belges que d'habitants de n'importe quelle autre région
de l'Empire.
Le général Kellermann, dans sa réfutation de
l'ouvrage de Gourgaud écrivait, en réponse à
cette assertion : "Quoiqu’en aient dit les généraux
ennemis, leur armée était incontestablement supérieure
en nombre et de beaucoup à l’armée française
et ne lui était pas inférieure en qualité ou
en nature de troupes. L’Empereur a affecté cette prétention
avec d’autant plus de tort, qu’elle n’a pas été justifiée
par le succès. Le soldat anglais est connu par sa fermeté
et les soldats belges avaient longtemps partagé nos succès
et nos revers.
Il serait bien plus vrai de dire que dans cette fatale circonstance
le soldat français si valeureux, si entreprenant, est resté
au-dessous de lui-même."
Napoléon
a dicté à Gourgaud un récit de la campagne
qui n'est qu'une œuvre de propagande, et qui ne traduit pas la pensée
de ses auteurs. Mais le même Gourgaud notait au jour le jour
dans ses carnets les points saillants de ses conversations avec
Napoléon. C'est là qu'il faut chercher la véritable
pensée de l'Empereur. Et on y lit, à la date du samedi
17 février 1816.
" (...) La Bavière, la Saxe, l'Italie sont mécontentes.
La Belgique sera bientôt à moi !
- Votre Majesté (répond Gourgaud) a
pourtant vu qu'à Waterloo l'avant-garde des Anglais était
composée de Belges, et qu'ils se sont bien battus.
- On se bat toujours bien, quand on a du cœur, mais ils sont
à moi ; tout cela dépend du sort d'une bataille.
__________________
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Le
Mayeur, Ode sur la bataille de Waterloo ou de Mont-Saint-Jean, suivie
de remarques historiques relatives à cette bataille, Bruxelles,
1816.
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Il
est certain que la fidélité et la bravoure des Belges
ont influé puissamment sur le succès des deux batailles
de Quatre-Bras et de Waterloo. C'est ce qu'expriment ces paroles
de la lettre de S. M. le roi des Pays-Bas à S. A. R. le prince
héréditaire, en réponse à ses rapports
des 17 et 22 juin : « Dites a tous les braves guerriers
des Pays-Bas, qui ont combattu sous vos ordres, que tous leurs compatriotes
ont les yeux fixés sur eux avec admiration et reconnaissance,
et sont fiers de la constance et du courage qu'ils ont déployés.
»
Une lettre contenue dans le Star (feuille anglaise) dit,
en date du 23 juin, au sujet de la bataille de Waterloo, que les
régiments des Pays-Bas se sont admirablement bien comportés
: fonghi admirably (sic). Il n'est pas inutile de rappeler
qu'avant l'engagement, des soldats révolutionnaires criaient
à ces régimens : « Nos amis les Belges,
venez vous réunir à nous. »
Ces renseignements
viennent du fermier même. Ceux qui suivent ont été
fournis par des officiers supérieurs de l'armée belge.
Les régiments belges des dragons-légers n° 5 et
des hussards n° 6 se distinguèrent aux Quatre-Bras, dans
la bataille du 16 juin. Le colonel Édouard de Mercx commandait
le premier de ces régiments. Ayant ordonné au major
comte de Looz, de dégager les hussards ci-dessus, vigoureusement
poursuivis dans la plaine jusqu'au-delà de nos pièces
, sur lesquelles nos canonniers avaient été sabrés,
tandis que lui-même chargerait sur la route de Charleroi,
où la cavalerie ennemie se portait en avant en masse, ce
brave colonel réussit à la culbuter, et la poursuivit
au-delà des lignes françaises. Ce succès paraît
avoir décidé du gain de la bataille, et avoir empêché
l'ennemi de se rendre le même jour à Bruxelles. Il
est vraisemblable qu'il aurait pu y parvenir sans cette résistance;
car vingt mille hommes de ses troupes se trouvaient entre Nivelles
et la position des Quatre-Bras, tandis que la route de Bruxelles
restait dégarnie. Le colonel de Mercx reçut quatre
blessures en ce combat, et eut un cheval tué sous lui. Le
capitaine Van Remoorter eut aussi un cheval tué sous lui,
et reçut une blessure à travers le corps. Le 7e bataillon
d'infanterie belge se signala aussi dans cette journée du
16. Il perdit plusieurs braves officiers. Le même régiment
des dragons-légers, n° 5 , à la bataille du 18
juin, a chargé et a manœuvré avec la cavalerie réunie
en masse. C'est en combattant à sa tête que le brave
général Van Merlen fut atteint d'un boulet de canon.
Il expira deux heures après sa blessure dans une cabane du
Mont-Saint-Jean, près de la barrière. Ce régiment
perdit 140 hommes et autant de chevaux.
La brigade de carabiniers belges, composée des 1er, 2me et
3me régiments, s'est couverte de gloire dans la bataille
du 18 juin. Elle était placée sur un plateau vis-à-vis
la ferme de la Belle-Alliance, position avantageuse que Napoléon
voulut enlever, parce qu'elle favorisait les opérations de
toute la ligne de l'armée, couvrant les routes de Namur et
de Nivelles. Elle avait à sa gauche un bataillon carré
hanovrien et à sa droite un bataillon carré anglais.
Trois régimens de cuirassiers français et un régiment
de lanciers firent plusieurs charges pour enfoncer cette brigade,
mais en vain. Napoléon fit avancer une division d'infanterie
de la garde avec un nombre considérable de pièces
d'artillerie de gros calibre; la brigade fut mitraillée en
tous sens. En même temps la fusillade s'engagea; mais nos
bataillons carrés, protégés par notre brigade
de carabiniers, restèrent inébranlables. Les tentatives
de la cavalerie ennemie, par plusieurs charges successives, n'ayant
pu réussir a enlever cette position, Napoléon fit
marcher ses grenadiers au pas de charge vers la division d'infanterie
belge et de milice nationale commandée par le lieutenant-général
Chassé, et placée sur la droite de notre ligne. Les
batteries anglaises manquant de munitions, notre feu cessa tout-à-coup.
Dans ce moment, la garde impériale marcha la baïonnette
en avant aux cris de vive l'empereur, croyant nos pièces
d'artillerie abandonnées.
Ce fut alors que le lieutenant-général Chassé
ordonna la plus belle manœuvre; il fit avancer la batterie légère
sous les ordres du major Vandersmissen, qui dirigea un feu terrible
à mitraille dans les rangs des grenadiers ennemis. Ceux-ci
n’abandonnèrent pas le terrain, mais ils furent arrêtés.
Il est impossible de dépeindre avec quel acharnement on se
battait alors sur toute la ligne. L'ennemi avait au-delà
de 100 pièces d'artillerie de gros calibre, et ses pièces
de campagne vomissaient la mort sur tous les points. Vers six heures
du soir, la bataille restait encore indécise A six heures
et demie, la cavalerie ennemie venant d'obtenir un léger
succès sur les dragons anglais placés à notre
gauche, voulut entamer nos régiments. Les bataillons carrés
d'infanterie tenant ferme; la brigade de carabiniers chargea aussitôt
les cuirassiers français, et fit un carnage affreux. Les
braves Belges, se trouvant pèle-mêle avec leurs ennemis,
ne cessèrent de sabrer que lorsqu'ils ne trouvèrent
plus de résistance. Les opérations sur notre aile
droite n'allant pas aussi bien, il fallut se rallier de nouveau
sur la même position. La mitraille de l'ennemi plut de nouveau
dans nos rangs. Ils restèrent inébranlables. Notre
aile droite repoussa bientôt les efforts obstinés de
l'ennemi pour enlever sa position.
Les carabiniers firent une seconde charge qui réussit très-bien;
mais les Français ayant des batteries masquées, devant
lesquelles on crut attirer nos Belges , et ceux-ci, ayant connaissance
du piége, ils ne portérent leurs escadrons en avant
que jusqu'à ce que la cavalerie ennemie se retira, et au
lieu de la poursuivre, ils retournèrent reprendre leur position
sur la ligne. A sept heures, le prince d'0range, notre héros,
qui avait fait cette charge avec nos Belges, croisa son sabre sur
la poitrine du colonel de Bruyn, commandant le régiment des
carabiniers n° 2, en s'écriant : « Reprenez
vos positions, braves carabinîers; vous en avez assez fait
aujourd’huî.» Ce prince saisit en même temps la
main du colonel, et la serra d'une manière si affectueuse
que cet officier eut peine à contenir son émotion.
Tous les carabiniers s'empressèrent de crier vive le roi
, vive notre bon prince! en accompagnant cette acclamation du cliquetis
de leurs sabres qu'ils entrechoquaient en l’air.
A peine nos Belges furent reformés sur la ligne, que le jeune
héros, s'étant porté vers la division du lieutenant-général
Chassé placée sur notre extrême droite, la fit
marcher en avant, en faisant tourner son chapeau. Dans ce moment,
il reçut un biscaïen à travers l'épaule
; il ne s'aperçut de sa blessure que par la défaillance,
dans laquelle il tomba presque de son cheval. On le retint; et il
fut conduit sur les derrières. La fureur semble alors s'emparer
de notre armée; tous jurent de mourir ou de vaincre. Une
demi-heure après, 15000 Prussiens, sous les ordres du général
Bulow, débouchent sur l'extrême droite des Français.
Ces Prussiens n'eurent pas le temps de reconnaître toutes
les positions; ils ne firent que repousser quelques escadrons de
cavalerie légère francaise qui allaient au-devant
d'eux pour les arrêter.
Un hourra général fut aussitôt ordonné
par le général en chef sur toute la ligne; carabiniers,
cavalerie légère, tous se portèrent en avant.
Cette troisième charge fut terrible et décisive. .
Le lieutenant-colonel Coenegracht, commandant le 1er régiment,
et le lieutenant-colonel Lightleiter, commandant le 3me régiment
de carabiniers, furent blessés à mort à 5 heures
et demie; ils expirèrent deux jours après.
Le lieutenant-général Collaert, commandant la division,
fut grièvement blessé à la première
charge; le général Trip prit le commandement de la
division, et remit au colonel de Bruyn celui de la brigade.
Le régiment de carabiniers n° 2, sous les ordres de ce
colonel, et qui a été formé à Bruxelles,
s'est particulièrement distingué dans les charges.
Les officiers qui méritent des éloges sont MM. les
majors de Mercx, et de Brias blessé dangereusement et qui
eut son cheval tué sous lui, le capitaine-major Bouwens Vanderboyen,
les capitaines Vanderduyn et de Liedekerke, l'adjudant-major Anoul
grièvement blessé, le lieutenant Majoie grièvement
blessé, le lieutenant Delobel aussi blessé, les lieutenans
de Goldstein, de Ladrière, Vanderveken, Hacquart, Rodenbach,
de Woot-de-Trixhe, d'Astier, de Macar.
Le lieutenant Henry a été tué; six officiers
ont eu leurs chevaux tués sous eux. Ce régiment perdit
87 hommes, 112 chevaux et eut 56 blessés.
La perte totale de l'armée des Pays-Bas fut de 2058 hommes
et de 1630 chevaux; 1936 hommes furent blessés, dont 115
officiers, comprenant dans ce total ceux qui moururent de leurs
blessures.
Ces pertes ci-dessus mentionnées ont été essuyées
par la cavalerie, l'artillerie, une division et une brigade. d'infanterie.
Le comte Duchâtel de la Hovarderie, qui fut du nombre des
morts à la bataille de Waterloo, était issu d'une.famille
ancienne, illustrée par de grandes alliances et de beaux
faits d'armes. Gérard Duchâtel fut tué à
Gand en combattant courageusement pour l'empereur Maximilien; Philippe
Duchâtel, grand écuyer de Jean de Hainaut, sire de
Beaumont, s'acquit un nom immortel en Angleterre dans l'expédition
dirigée l'an 1326 par ce héros belge, pour le rétablissement
de la reine Isabelle de Valois, épouse d'Édouard II.
Pour prix de sa bravoure, le gouvernement anglais lui fit une pension
de cent marcs sterlings. On en voit le diplome dans les actes publics
de la collection de Rymer, au règne d'Edouard III.
La famille du major de Brias, blessé à Waterloo, tire
son nom de la seigneurie de Brias, en Artois, qui, l'an 1649, fut
érigé en comté en considération des
services militaires de Charles de Brias, gouverneur de Marienbourg,
baron de Moriamés, premier pair de Liége. Jean, seigneur
de Brias, époux de Jeanne de Crequi, fut tué à
la bataille de Montlhéri en 1465, en combattant pour le duc
de Bourgogne, souverain des provinces belgiques.
Dans ce moment, M. Paelinck, peintre de S.M. la reine des Pays-Bas,
né aux environs de Gand, s'occupe à Bruxelles à
peindre la bataille de Waterloo sur une toile de trente pieds de
longueur sur dix-huit de hauteur, mesure de France. Ce tableau,
l'une des plus grandes compositions du genre historique qui aura
eu lieu, offrira la représentation des scènes les
plus importantes de la bataille, telle que le moment où S.
A. R. le prince d'Orange-Nassau est blessé; celui où
le duc de Wellington anime ses troupes pour l'attaque générale,
etc.,etc. Les figures des principaux personnages des différentes
nations offriront leur portrait. On croit que ce travail occupera
l'artiste pendant l'espace de deux ans. Les études qu'il
a faites pour ce sujet, le soin qu'il y met, et le mérite
de ses ouvrages antérieurs, donnent l'espoir d'un tableau
qu'on pourra placer, comme monument national, à côté
des chefs-d'œuvre de l'école flamande. |
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