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On peut considérer le Bruxellois Joseph Plateau
comme le père des images animées, et par là,
comme le grand-père du cinéma.
Né en octobre 1801, il n'avait pas encore 14 ans au moment
de la bataille de Waterloo. Par un curieux concours de circonstances,
il se trouvait au mois de juin dans le petit village d'Ohain, voisin
du champ de bataille. (voir sa biographie.)
Comme tous les habitants d'Ohain, il se réfugia le 17 juin
dans la forêt de Soignes, pour échapper aux exactions
de la soldatesque. Et le 19 juin, il vit le champ de bataille.
L'idée qu'un jeune garçon de 13 ans
ait pu se promener sur ce théâtre de carnage le 19
juin 1815 a de quoi laisser perplexe.
L'idée qu'il ait pris ses crayons pour dessiner ce qu'il
avait sous les yeux, au milieu des cadavres, des mourants, des blessés,
des débris de toute sorte qui parsemaient la plaine est plus
surprenante encore.
Mais ce jeune garçon, la suite de sa vie devait le prouver,
était un être d'exception, une véritable nature
scientifique, qui devait révéler par la suite d'exceptionnelles
facultés d'observation.
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On
ne sait rien, à ce jour, de la visite du jeune Joseph Plateau
sur le champ de bataille, si ce n'est qu'il a dessiné le
bâtiment de la Belle-Alliance, modeste cabaret de campagne
qui a été au centre des combats de la veille. On le
sait, parce que ce dessin aquarellé a été conservé :
il est présenté aujourd'hui dans une vitrine du musée
le Dernier Quartier Général de Napoléon,
à la ferme du Caillou.
On doit ici se poser la question de l'authenticité de ce
dessin.
Pour moi, il est authentique, et on peut le considérer comme
tel, pour plusieurs raisons :
Il a été conservé dans la famille de Joseph
Plateau et confié au musée cité par une descendante
de l'illustre scientifique, Madame Buisseret-Plateau.
Il ne me paraît pas être la copie d'un dessin publié
auparavant , car il ne ressemble pas aux dessins de la Belle-Alliance
connus et publiés après la bataille.
La précision et l'exactitude des uniformes, notamment celui
de l'officier de chasseurs à cheval mort (que Jean-Jacques
Pattyn a pu identifier comme étant le lieutenant Dumont,
du 3e régiment de chasseurs à cheval), est telle que
ce dessin ne peut être que l’œuvre d'un témoin oculaire.
Il existe d'autres dessins faits peu de temps après la bataille
et qui seront présentés ici dans les jours suivants.
Ils ont comme caractéristique commune de ne montrer aucune
enseigne ou inscription peinte sur les façades du bâtiment.
Par contre, les dessins faits plus tard, généralement
par des « touristes » anglais qui n'ont pu
se rendre sur les lieux que plusieurs semaines après la bataille,
montrent que la Belle-Alliance a été garnie d'une
inscription en lettres noires sur fond blanc.
Un voyageur écossais, James Simpson, a publié le récit
de la visite qu'il a faite le 31 juillet 1815, et il note que le
propriétaire a fait peindre sur le pignon, en lettres noirs
sur fond blanc, l'inscription « Hotel de la Belle-Alliance ».
Simpson
(James), A Visit to Flanders, in July, 1815, Edinburgh, 1816.
Ce qui donne à penser que l'inscription, au moment de la
visite de J. Simpson, était d'application récente.
Le voyageur anglais Robert Hills a visité le champ de bataille
le samedi 22 juillet 1815. Il a dessiné la Belle-Alliance,
et l'on ne voit pas d'inscription ornant la façade sur son
dessin. Mais il note dans son récit (p. 87) que ce miserable
estaminet (miserable little ale-house) s'appelle "Hotel
de la Belle-Alliance et à Wellington" (sic), et
il ajoute en note que la mention "à Wellington"
a été ajoutée après la bataille ("The
addition "à Wellington", had been painted on its
front subseqently to the battle").
On en conclura que c'est entre le 20 juin et le 31 juillet 1815
que le propriétaire de la Belle-Alliance, probablement soucieux
de faire valoir son bien, a fait peindre l'inscription sur les façades
du bâtiment. (Ceci peut paraître un détail, mais
il est d'importance dans la discussion concernant l'erreur
de lecture de carte par l'armée française à
Waterloo.)
Quoi
qu'il en soit, le fait que le grand-père du cinéma,
le père des images animées, ait parcouru le champ
de bataille le lendemain de la sanglante confrontation, et qu'il
en ait ramené un des tout premiers témoignages iconographiques,
valait d'être rappelé en cette année du Bicentenaire. |
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