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Waterloo battle 1815

 

 

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Esclavage

 

     
 

L'esclavage était-il une pratique défendable sur le plan moral à la fin du XVIIIe siècle ?
Même s'il était largement pratiqué et si l'exploitation de la main d'oeuvre était source de profits pour une frange de la population en France et dans les colonies, l'esclavage n'en était pas moins reconnu et dénoncé comme une pratique inacceptable sur le plan moral pour les esprits accessibles à des sentiments humains.

 
 

 

Voici un extrait de l'article sur l'esclavage tel qu'il se trouve dans l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert (article du chevalier de Jaucourt) (1772) :

   
 

Après avoir parcouru l’histoire de l’esclavage, nous allons prouver qu’il blesse la liberté de l’homme, qu’il est contraire au droit naturel et civil, qu’il choque les formes des meilleurs gouvernements, et qu’enfin il est inutile par lui-même .
La liberté de l’homme est un principe qui a été reçu longtemps avant la naissance de Jésus-Christ, par toutes les nations qui ont fait profession de générosité. La liberté naturelle de l’homme c’est de ne connaître aucun pouvoir souverain sur la terre et de n’être point assujettie à l’autorité législative de qui que ce soit, mais de suivre seulement les lois de la Nature : la liberté dans la société est d’être soumis à un pouvoir législatif établi par le consentement de la communauté, et non d’être sujet à la fantaisie, à la volonté inconstante et arbitraire d’un seul homme en particulier.
Cette liberté par laquelle on n’est point assujetti çà un pouvoir absolu, est unie si étroitement avec la conservation de l’homme, qu’elle n’en peut être séparée que par ce qui détruit en même temps sa conservation et sa vie. Quiconque tâche donc d’usurper un pouvoir absolu sur quelqu’un, se met par là en état de guerre avec lui, de sorte que celui-ci ne peut regarder le procédé de l’autre que comme un attentat manifeste contre sa vie. En effet, du moment qu’un homme veut me soumettre malgré moi à son empire, j’ai lieu de présumer que si je tombe entre ses mains, il me traitera selon son caprice et ne se fera pas scrupule de me tuer, quand la fantaisie lui en prendra. La liberté est, pour ainsi dire, le rempart de ma conservation, et le fondement de toutes les autres choses qui m’appartiennent. Ainsi, celui qui dans l’état de la nature, veut me rendre esclave, m’autorise à le repousser par toutes sortes de voies, pour mettre ma personne et mes biens en sûreté.
Tous les hommes ayant naturellement une égale liberté, on ne peut les dépouiller de cette liberté, sans qu’ils y aient donné lieu par quelques actions criminelles. (…)
Les peuples qui ont traité les esclaves comme un bien dont ils peuvent disposer à leur gré, n’ont été que des barbares.
Non seulement on ne peut avoir de droit de propriété proprement dit sur des personnes ; mais de plus, il répugne à la raison, qu’un homme qui n’a point de pouvoir sur sa vie, puisse donner à un autre, ni de son propre consentement, ni par aucune convention, le droit qu’il n’a pas sur lui-même. (…)
Ce qui fait que la mort d’un criminel, dans la société civile, est une chose licite, c’est que la loi qui le punit, a été faite en sa faveur. Un meurtrier, par exemple, a joui de la loi qui le condamne ; elle lui a conservé la vie à tous les instants ; il ne peut donc pas réclamer contre cette loi. Il n’en serait pas de même de la loi de l’esclavage ; la loi qui établirait l’esclavage serait dans tous les cas contre l’esclave, sans jamais être pour lui ; ce qui est contraire au principe fondamental de toutes les sociétés.
Le droit de propriété sur les hommes ou sur les choses, sont deux droits bien différents. Quoique tout seigneur dise de celui qui est soumis à sa domination, cette personne-là est à moi; la propriété qu’il a sur un tel homme n’est point la même que celle qu’il peut s’attribuer, lorsqu’il dit, cette chose-là est à moi. La propriété d’une chose emporte un plein droit de s’en servir, de la consumer et de la détruire, soit qu’on y trouve son profit, ou par pur caprice ; en sorte que de quelque manière qu’on en dispose, on ne lui fait aucun tort ; mais la même expression appliquée à une personne, signifie seulement que le seigneur a droit, exclusivement à tout autre, de la gouverner et de lui prescrire des lois, tandis qu’en même temps il est soumis lui-même à plusieurs obligations par rapport à cette même personne, et que d’ailleurs son pouvoir sur elle est très limité.
Quelque grandes injures qu’on ait reçu d’un homme, l’humanité ne permet pas, lorsqu’on s’est une fois réconcilié avec lui, de le réduire à une condition où il ne reste aucune trace de l’égalité naturelle de tous les hommes, et par conséquent de le traiter comme une bête, dont on est le maître de disposer à sa fantaisie. Les peuples qui ont traité les esclaves comme un bien dont ils pouvaient disposer à leur gré, n’ont été que des barbares.
Non seulement on ne peut avoir de droit de propriété proprement dit sur les personnes ; mais de plus il répugne à la raison, qu’un homme qui n’a point de pouvoir sur sa vie, puisse donner à un autre, ni de son propre consentement, ni par aucune convention, le droit qu’il n’a pas lui-même. Il n’est donc pas vrai qu’un homme libre puisse se vendre. (…)
La loi civile, qui a permis aux hommes le partage des biens, n’a pu mettre aux nombre des biens une partie des hommes qui doivent faire ce partage. (…)
Si l’esclavage choque le droit naturel et le droit civil, il blesse aussi les meilleures formes de gouvernement : il est contraire au gouvernement monarchique, où il est souverainement important de ne point abattre et de ne point avilir la nature humaine. Dans la démocratie où tout le monde est égal et dans l’aristocratie, où les lois doivent faire leurs efforts pour que tout le monde soit aussi égal que la nature du gouvernement peut le permettre, des esclaves sont contre l’esprit de la constitution ; ils ne serviront qu’à donner aux citoyens une puissance et un luxe qu’ils ne doivent point avoir.(…)
De plus, dans tout gouvernement et dans tout pays, quelques pénibles que soient les travaux que la société y exige, on peut tout faire avec des hommes libres, en les encourageant par des récompenses et des privilèges, en proportionnant les travaux à leurs forces, ou en y suppléant par des machines que l’art invente et applique suivant les lieux et le besoin. Voyez en les preuves dans M. de Montesquieu.
Enfin, nous pouvons ajouter encore avec cet illustre auteur, que l’esclavage n’est utile ni au maître, ni à l’esclave : à l’esclave, parce qu’il ne peut rien faire par vertu ; au maître, parce qu’il contracte avec ses esclaves toutes sortes de vices et de mauvaises habitudes, contraires aux lois de la société ; qu’il s’accoutume insensiblement à manquer à toutes les vertus morales : qu’il devient fier, prompt, colère, dur voluptueux, barbare.
Ainsi tout concourt à laisser à l’homme la dignité qui lui est naturelle. Tout nous crie qu’on ne peut lui ôter cette dignité naturelle, qui est la liberté : la règle du juste n’est pas fondée sur la puissance, mais sur ce qui est conforme à la nature ; l’esclavage n’est pas seulement un état humiliant pour celui qui le subit, mais pour l’humanité même qui est dégradée.
Les principes qu’on vient de poser étant invincibles, il n sera pas difficile de démontrer que l’esclavage ne peut jamais être coloré par aucun motif raisonnable, ni par le droit de la guerre, comme le pensaient les jurisconsultes romains, ni par le droit d’acquisition, ni par celui de la naissance, comme quelques modernes ont voulu le persuader ; en un mot, rien au monde ne peut rendre l’esclavage légitime.
(…)
Le droit de la guerre, a-t-on dit dans les siècles passés, autorise celui de l’esclavage ; il a voulu que les prisonniers fussent esclaves, pour qu’on ne les tuât pas ; mais aujourd'hui on est désabusé de cette bonté, qui consistait à faire de son vaincu son esclave, plutôt que de le massacrer. On a compris que cette prétendue charité n’est que celle d’un brigand, qui se glorifie d’avoir donné la vie à ceux qu’il n’a pas tués. Il n’y a plus dans le monde que les Tartares qui passent au fil de l’épée leurs prisonniers de guerre, et qui croient leur faire une grâce, lorsqu’ils les vendent ou les distribuent à leurs soldats : chez tous les autres peuples, qui n’ont pas dépouillé tout sentiment généreux, il n’est permis de tuer à la guerre, que dans le cas de nécessité ; mais dès qu’un homme en a fait un autre prisonnier, on ne peut pas dire qu’il ait été dans la nécessité de le tuer, puisqu’il ne l’a pas tué. Tout le droit que la guerre peut donner sur les captifs, est de s’assurer tellement de leurs personnes, qu’ils soient hors d’état de nuire.
L’acquisition des esclaves, par le moyen de l’argent, peut encore moins établir le droit d’esclavage, parce que l’argent, ou tout ce qu’il représente, ne peut donner le droit de dépouiller quelqu'un de sa liberté. D’ailleurs le trafic des esclaves, pour en tirer un vil gain comme des bêtes brutes, répugne à notre religion : elle est venue pour effacer toutes les traces de la tyrannie.
L’esclavage n’est certainement pas mieux fondé sur la naissance ; ce prétendu droit tombe avec les deux autres ; car si un homme n’a pu être acheté, ni se vendre, encore moins a-t-il pu vendre son enfant. (…)
S’il est absurde qu’un homme ait sur un autre homme un droit de propriété, à plus forte raison ne peut-il l’avoir sur ses enfants. (De plus, la nature
…)
C’était une prétention orgueilleuse que celle des anciens Grecs, qui s’imaginaient que les barbares étant esclaves par nature (c’est ainsi qu’ils parlaient), et les Grecs libres, il était juste que les premiers obéissent aux derniers. Sur ce pied-là, il serait facile de traiter de barbares tous les peuples, dont les mœurs et les coutumes seraient différentes des nôtres, et (sans autre prétexte) de les attaquer pour les mettre sous nos lois. Il n’y a que les préjugés de l’orgueil et de l’ignorance qui fassent renoncer à l’humanité.
C’est donc aller directement contre le droit des gens et contre la nature, que de croire que la religion chrétienne donneà ceux qui la professent un droit de réduire en servitude ceux qui ne la professent pas, pour travailler plus aisément à sa propagation. Ce fut pourtant cette manière de penser qui encouragea les destructeurs de l’Amérique dans leurs crimes ; et ce n’est pas la seule fois que l’on se soit servi de la religion contre ses propres maximes, qui nous apprennent que la qualité de prochain s’étend sur tout l’univers.
Enfin, c’est se jouer des mots, ou plutôt se moquer, que d’écrire, comme a fait un de nos auteurs modernes, qu’il y a de la petitesse d’esprit à imaginer que ce soit dégrader l’humanité que d’avoir des esclaves, parce que la liberté dont chaque Européen croit jouir, n’est autre chose que le pouvoir de rompre sa chaîne, pour se donner un nouveau maître ; comme si la chaîne d’un Européen était la même que celle d’un esclave de nos colonies : on voit bien que cet auteur n’a jamais été mis en esclavage. (…)
Concluons que l’esclavage fondé par la force, par la violence, et dans certains climats par excès de la servitude, ne peut se perpétuer dans l’univers que par les mêmes moyens. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

     

 

 

 

__________________

Voir Traite
Loi du 30 floréal an X (17 mai 1802) relative à la traite des noirs et au régime des colonies.
Esmangart

 

     

 

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