|  | 
          Des colonies françaises, et en 
              particulier de l’île de Saint-Domingue, par Charles Esmangart, ancien 
              officier de marine.   A 
              Paris, chez H. Agasse*, imprimeur-libraire, rue des Poitevins, n° 
              18, an 10.     
                Tel 
              est le titre d’une brochure que vient de publier le même auteur 
              à qui l’on doit un écrit sur la marine française, lequel obtint, 
              au commencement de l’an 9, un succès mérité auprès de tous les bons 
              esprits qui se sont occupés de cette branche essentielle de l’administration 
              publique.   Ce 
              nouvel ouvrage nous paraît fait pour produire une vive sensation, 
              soit par l’importance du sujet, soit par la manière dont il est 
              traité : la modération avec laquelle s’exprime le citoyen Charles 
              Esmangart, prouve un homme pénétré de la vérité de ce qu’il avance, 
              et quelqu’éloigné qu’on pût être de ses idées, il est difficile 
              de ne pas les adopter après qu’il les a présentées avec tant de 
              clarté et de précision, et lorsque c’est dans une longue expérience 
              qu’il puise la principale force de ses raisonnements. Son but est 
              de détourner le gouvernement de tout projet d’établissements nouveaux 
              : il veut au contraire que la France s’occupe des moyens de rendre 
              à ses possessions actuelles l’éclat dont la guerre leur a fait perdre 
              une partie, mais dont elles conservent toujours la source. Enfin, 
              il pense, et il démontre avec évidence que de toutes les colonies 
              qui nous restent, c’est surtout l’île de Saint-Domingue qui mérite 
              la sollicitude et les efforts du gouvernement.  
              Nous allons donner une analyse rapide de cet intéressant 
              ouvrage.  (...) 
                Nous 
              suivons l’auteur à Saint-Domingue, et nous rappelant avec lui que 
              cette superbe colonie, la première des Antilles pour la fertilité, 
              pour la population et la richesse, contenait, en 1789, cinq cent 
              vingt mille individus, et faisait pour deux cent cinquante millions 
              d’exportation annuelle ; nous cherchons la cause de cet accroissement 
              prodigieux qui fut l’ouvrage d’un siècle ; nous la trouvons dans 
              l’amélioration des cultures, dans l’augmentation et le renouvellement 
              de la population par la traite, dans le traitement plus doux et 
              plus humains que les colons français exerçaient envers les nègres, 
              circonstance sur laquelle se sont accordés tous les voyageurs et 
              les écrivains de toutes les nations. Mais les malheurs de la révolution 
              et les désastres de la guerre, ont détruit en partie ce brillant 
              édifice. Est-il possible d’en réparer les ruines ? C’est ce qu’affirme 
              le citoyen Esmangart ; et si quelque chose peut sembler digne d’estime, 
              c’est la bonne foi d’un colon qui pense et qui prouve que l’émancipation 
              des nègres, après avoir, par son imprudente précipitation, amené 
              tant de calamités, n’est point un obstacle au rétablissement de 
              la colonie, et qu’il serait aussi injuste qu’impolitique de revenir 
              sur le principe de cette émancipation.    Pour 
              maintenir la subordination, si nécessaire parmi les différentes 
              classes d’habitants, surtout aujourd’hui que l’affranchissement 
              des nègres et l’habitude de l’indiscipline les ont rendus plus difficiles 
              à contenir, l’auteur fait sentir la nécessité d’établir un gouvernement 
              très fort, et au moment même où il publiait ses idées à cet égard 
              et rappelait l’ancienne administration des colonies, il se rencontrait 
              avec le système que le gouvernement français avait adopté pour la 
              Guadeloupe et qu’il vient de faire connaître. Parmi les moyens qu’il 
              conseille, un des premiers, selon lui, doit être de rétablir les 
              habitants dans leurs droits de propriété, et de protéger leur rentrée 
              sur leurs plantations.   (...) 
                Après 
              avoir retracé le tableau de l’ancienne prospérité de Saint-Domingue, 
              et indiqué les mesures nécessaires pour la faire revivre, le citoyen 
              Charles Esmangart examine les avantages que promet à la France la 
              partie de l’île qui appartenait à l’Espagne, et qui nous a été cédée 
              par cette puissance. (...)   Les 
              avantages futurs qui résulteront de cette nouvelle possession dépendent 
              des progrès de la culture et de l’accroissement de la population. 
              Ces deux causes inséparables, comme leurs effets, seront infaillibles. 
              Mais quel est le moyen d’augmenter la population ? Il en est un 
              que l’auteur regarde comme le plus efficace, et qui, fondé sur les 
              bases qu’il lui indique, ne serait contraire ni à la justice, ni 
              à l’humanité. Ce moyen, c’est la traite, pratiquée par tous les 
              peuples de l’Europe, et à laquelle la France n’a aucune raison de 
              renoncer. Il propose donc un engagement de sept années, au bout 
              desquelles les nègres nouvellement achetés, auraient, par leurs 
              travaux, indemnisé les cultivateurs de toutes leurs avances, et 
              seraient libres de rester alors sur les habitations de leurs premiers 
              maîtres, ou d’aller employer pour d’autres leurs bras et la jouissance 
              de leur personne. Pour quiconque connaît le climat des colonies, 
              et est bien convaincu qu’elles ne seront jamais peuplées utilement 
              que par des ouvriers nègres, les raisonnements du citoyen Esmangart 
              sont de toute évidence, et ses réponses à toutes les objections, 
              d’une sensibilité feinte ou malentendue, paraîtront l’effet d’une 
              philanthropie mieux éclairée, qui, au lieu de l’état continuel de 
              guerre et de l’esclavage éternel auquel les nègres sont condamnés 
              dans leur pays, ou dans les colonies étrangères, leur présente, 
              dans nos possessions, un prompt acheminement à la civilisation et 
              à la liberté.    (...) 
                Cette 
              brochure, plus substantielle que bien des volumes, honore également 
              le bon esprit, le talent et le zèle du citoyen Charles Esmangart. 
               |  |  |