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10 mars 1815     Samedi 11 mars 1815    12 mars 1815

Début de la série : 
       

 

On lit dans le Journal des Débats de ce samedi 11 mars 1815 :

 
 

Vienne, 28 février 1815.
On assure depuis hier que le départ de S. M. l'Empereur de Russie a été fixé entre le 10 et le 15 du mois prochain. Il paraît décidé que S. M. sera à Pétersbourg pour le jour de Pâques : il n'y a pas de doute qu'elle ne prenne sa route par Munich, Stuttgart, Carlsruhe, Weimar, Berlin et Varsovie.

 
 
 

Paris, 10 mars 1815.
Une dépêche télégraphique annonce que Monsieur est arrivé à Lyon le 8 à dix heures du matin, en parfaite santé. M. le comte Roger de Damas l'avait précédé de douze heures. S. A. R. a trouvé les troupes et les habitants réunis dans un sentiment commun de dévouement et de fidélité dont elle a reçu les témoignages les plus éclatants. (Moniteur).

 
 
  - Une lettre adressée au Gouvernement, en date de Gap le 5 au soir, annonce que Buonaparte était ce même soir à Poët, à deux lieues de Sisteron. Sa troupe continuait à se diminuer sur sa route, de soldats restant et surpris dans les villages. Le maréchal-de-camp Rostolant, commandant le département, avait réuni les différentes brigades de la gendarmerie à la petite garnison de Gap et les avait disposées de manière à agir de concert avec la garnison d'Embrun. (Le Moniteur.)      
 

Direction générale de la Police
Le directeur-général de la police du Royaume rappelle au public que les lois relatives aux passeports, notamment celles du 29 mars 1792, et 10 vendémiaire an IV, ordonnent l'arrestation de tout individu voyageant sans passeport, et sa détention jusqu'à ce qu'il ait été cautionné par des personnes domiciliées, ou qu'il ait justifié de son inscription sur le tableau de la commune de son domicile.
En conséquence, le public est prévenu qu'il vient d'être pris des mesures pour l'arrestation de tout voyageur qui se présenterait sans passeport aux barrières de Paris, ou sans feuille de route bien en règle, dans le cas où il serait militaire.
La stricte observation des lois et règlements sur le passeport est ordonnée dans tout le royaume.
Paris le 9 Mars 1815.
Le directeur général,
Signé
d'André.

 
 

 

On lit dans le Journal de Paris de ce samedi 11 mars 1815 :

 
 

M. le maréchal Ney, prince de la Moscowa, a prié le Roi de lui donner une destination. S.M. l'a assuré qu'elle comptait sur sa fidélité. M. le maréchal a baisé la main du Roi avec un enthousiasme respectueux, et lui a dit que le plus beau jour de sa vie serait celui où il pourrait lui donner des preuves de son dévouement.

   
 

- Mme de Saint-Leu vient d'interjeter appel du jugement relatif à son fils.

 
 
 

__________________________________

Nous avons été opprimés pendant douze années par un seul homme. Il a porté la dévastation dans toutes les contrées de l‘Europe, et soulevé contre nous les nations étrangères. Accablés sous le nombre, nos défenseurs ont dû reculer ; les murs de Paris ont vu, pour la première fois depuis plusieurs siècles, flotter les bannières ennemies. L‘auteur de tant de maux a déposé le pouvoir ; après avoir versé tous les fléaux sur notre patrie, il a quitté le sol de la France. Qui n‘eût pensé qu‘il le quittait pour toujours?
Tout à coup il se présente, il réclame ses droits ou ceux de son fils. Il promet aux Français la liberté, la victoire, la paix. Il redemande le trône.
Ses droits ? quels sont-ils ? la légitimité héréditaire ? Mais une courte occupation de douze années, et la désignation d‘un enfant pour successeur, ne peuvent certes se comparer à sept siècles d'une possession paisible. Le vœu du peuple ? Mais si ce vœu doit être compté, n‘a-t-il pas été unanime dans tous les cœurs pour rejeter Buonaparte? Ainsi, dans aucune hypothèse, il ne peut réclamer des droits.
Auteur de la constitution la plus tyrannique qui ait régi la France, il parle aujourd'hui de liberté ; mais c'est lui qui, durant quatorze ans, a miné et détruit la liberté. Il n'avait pas l'excuse des souvenirs, l'habitude du pouvoir ; il n'était pas né sous la pourpre. Ce sont ses concitoyens qu'il a asservis, ses égaux qu'il a enchaînés. Il n'avait pas hérité de la puissance : il a voulu et médité la tyrannie ; quelle liberté peut-il promettre? Ne sommes-nous pas mille fois plus libres que sous son empire ?
Il promet la victoire, et trois fois il a laissé ses troupes, en Égypte, en Espagne et en Russie, livrant ses compagnons d’armes à la triple agonie du froid, de la misère et du désespoir. Il a attiré sur la France l‘humiliation d'être envahie ; il a reperdu les conquêtes que nous avions faites avant lui.
Il promet la paix, et son nom seul est un signal de guerre. Le peuple assez malheureux pour le servir redeviendrait l'objet de la haine européenne ; son triomphe serait le commencement d'un combat à mort contre le monde civilisé.
Il promet encore le maintien des propriétés, de ces propriétés surtout qu‘attaquent follement les déclamations imprudentes de quelques écrivains désavoués. Mais cette parole même, il ne peut la tenir. Il n'a plus l‘Europe à donner pour récompense, et les propriétés des Français devraient remplacer les richesses étrangères.
Il n‘a donc rien à réclamer ni à offrir. Qui pourrait-il convaincre, ou qui pourrait-il séduire? La guerre intestine, la guerre extérieure, voilà les présents qu‘il nous apporte.
Contre un tel adversaire le gouvernement n’a besoin ni de mesures extraordinaires, ni de précautions ombrageuses, ni d‘extension de pouvoir. La constitution suffit à tout, et le roi lui a déjà rendu un solennel hommage, en appelant autour de lui les représentants de la nation.
Il appelle de même, avec la certitude d'en être entendu, les hommes qui, à toutes les époques, ont versé leur sang pour la patrie, et ceux qui ont entouré la monarchie des sauvegardes de la liberté, et les Français exilés auxquels il a rendu la terre qui les vit naître, et les nouveaux propriétaires dont il a sanctionné les acquisitions, et tous ceux qui pensent, et tous ceux qui sentent, et tous ceux qui chérissent les principes constitutifs de la dignité de notre nature.
Il est question de défendre une constitution dont les avantages sont déjà connus, qui contient tous les moyens d‘amélioration, et qui deviendra chaque jour plus chère au roi dont elle fait la sûreté, au peuple dont elle est la garantie ; il est question de la défendre contre un régime d'usurpation qui a pesé sur toutes les classes, sur tous les individus, qui soulèverait contre nous toute l'Europe, qui réunirait au-dehors et au-dedans tous les genres de honte et tous les genres de calamités.
Peut-être cet appel est-il superflu. Déjà peut-être le péril est conjuré. Mais s‘il ne l'était pas, tous les Français courraient aux armes, défendraient leur roi, leur constitution et leur patrie ; et ceux-là ne seront pas les derniers, qui, dans leur franchise et dans leur conscience,ont pu censurer quelques mesures ou quelques actes de l'autorité. Il se précipiteront au premier rang, car ils savent que, plus la liberté leur est chère, plus il faut repousser Buonaparte, son éternel ennemi ; et ils sont bien sûrs que le gouvernement qui même, dans un moment de crise, a donné une double preuve de sagesse et de force en respectant toutes les libertés, les chérirait encore plus après la victoire, s’enorgueillirait de régir un peuple libre, considérerait les droits de ce peuple comme la plus précieuse de ses propres garanties, et l‘assentiment national comme la base et le salut du pouvoir.
Benjamin Constant.
N.B. Cet article a été envoyé le 8 ; des circonstances, indépendantes de la volonté de l'auteur, en ont retardé de trois jours la publication.

 
 

 

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