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Paris,
6 août. D'après les dernières nouvelles
de l'Armée, l'Empereur était arrivé, le 24,
de Gloubokoë à Kamen, non loin des bords de l'Oula,
à 10 lieues au sud de Polock, et à 19 ou 20 lieues
d'Orcha et de Witepsk. S.M. continue à se porter à
merveille ; les fatigues de la guerre fortifient toujours sa
santé. Toutes les lettres particulières sont remplies
de détails sur le désordre qui règne dans l'armée
russe. Elle se retire de toute part, en détruisant ses magasins
; mais quelque activité qu'elle mette à les brûler,
nos troupes arrivent souvent avant les incendiaires.
On ne peut s’empêcher, en voyant cette manière d'opérer,
de faire une réflexion : si les Russes étaient décidés
depuis longtemps à ne pas tenir ; si, comme ils le disent,
ils avaient médité un système de retraite,
pourquoi donc avaient-ils amassé de si immenses approvisionnements
dans le pays qu'ils étaient résolus d'abandonner ?
On répondra peut-être qu'ils ne se sont arrêtés
à ce plan que depuis quelques mois : mais, alors, pourquoi
n'ont-ils pas commencé à évacuer leurs magasins
au moment où l'armée française a passé
la Vistule ? Sur les frontières de la Gallicie, en Lithuanie,
en Courlande, partout les Russes ont brûlé des magasins.
Il est donc évident qu'ils ont été surpris,
déconcertés dans tous leurs projets ; qu'ils ne se
retirent pas, mais qu'ils fuient, et que leur retraite, avant le
combat, ressemble beaucoup à une déroute après
la défaite. Ne semblent-ils pas, d'ailleurs, s'être
fermé tout espoir de retour dans les pays dont ils s'éloignent,
puisqu'ils y détruisent les moyens de subsistances qu'il
leur avait paru indispensable d'y réunir pour commencer leurs
opérations ? Où retrouveraient-ils désormais
les mêmes ressources ? Les provinces polonaises, les plus
fertiles qu'ils eussent alors, les leur avaient seules fournies,
et les provinces polonaises sont au pouvoir de l'armée française !
La privation que la destruction des magasins cause à l'ennemi
est d'autant plus grande, que le soldat russe, dénué
d'intelligence, a besoin que l'on traîne à sa suite
tous les moyens de le nourrir, et que, chez ces peuples demi-sauvages,
le physique n'est jamais soutenu par le moral. Mais une perte immense,
irréparable pour l'armée russe, c'est celle de ses
convois et de ses équipages, qui tombent de toute part entre
les mains de nos troupes légères. Nous le répétons,
la perte d'une bataille ne pouvait pas avoir pour elle de plus funestes
résultats. |
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