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11 juillet 1812     12 juillet 1812    13 juillet 1812

 

     

L'Empereur est à Wilna (aujourd'hui Vilnius en Lituanie)

 
 

 

Fezensac, aide de camp du maréchal Berthier :

   
 

Dans les premiers jours de juillet, Napoléon se décida à porter son quartier général en avant pour suivre le mouvement de l'armée. Glubokoé, petite ville à trente lieues de Wilna, dans la direction de Witepsk, lui parut le point central le plus convenable. En effet, il pouvait de là marcher avec une égale facilité sur le camp de Drissa par la gauche, sur Minsk par la droite, et en avant de lui sur la ligne d'opérations par laquelle les deux armées russes pouvaient tenter encore leur réunion.
Les 4e et 6e corps et la garde impériale partirent successivement de Wilna, pour suivre cette direction. L'empereur, devant faire le trajet très rapidement, envoya d'avance presque tous les officiers d'état-major.
Les aides de camp du prince de Neuchâtel partirent de Wilna le 12 juillet, et en cinq jours de marche, nous arrivâmes à Glubokoé. Le pays que nous traversâmes était, en général, beau et bien cultivé; les villages, misérables comme tous ceux de Pologne et ravagés par nos troupes. Nous rencontrâmes plusieurs régiments de la jeune garde ; je remarquai entre autres le régiment des flanqueurs, composé de très jeunes gens. Ce régiment était parti de Saint-Denis, et n'avait eu de repos qu'un jour à Mayence et un à Marienwerder sur la Vistule ; encore faisait-on faire l'exercice aux soldats les jours de marche, après leur arrivée, parce que l'empereur ne les avait pas trouvés assez instruits. Aussi ce régiment fut-il le premier détruit ; déjà les soldats mouraient d'épuisement sur les routes.

  Régiment de flanqueurs
de la Garde (chasseurs
)
 

 

D'après le général de Ségur, le séjour prolongé de Napoléon à Vilna pourrait s'expliquer par la fatigue dont aurait souffert un homme prématurément vieilli.

   
  Ceux qui l'approchaient le plus se disaient entre eux que ce génie si vaste, et toujours de plus en plus actif et audacieux, n'était plus secondé, comme autrefois, par une vigoureuse constitution ; ils s'étonnaient de ne plus trouver leur chef insensible aux ardeurs d'une température brûlante ; ils se montraient l'un à l'autre avec regret le nouvel embonpoint dont son corps était surchargé, signe précurseur d'un affaiblissement prématuré.
Quelques-uns s'en prenaient à des bains dont il faisait un fréquent usage. Ils ignoraient que, bien loin d'être une habitude de mollesse, ils lui étaient d'un secours indispensable contre une souffrance d'une nature grave et inquiétante (la dysurie), que sa politique cachait avec soin, pour ne pas donner à ses ennemis un cruel espoir.
     

 

Mais le général de Caulaincourt, qu'on peut cependant ranger au nombre de "ceux qui l'approchaient le plus", n'a pas remarqué cet affaiblissement :

   
 

L'Empereur fut d'une activité inconcevable pendant son séjour à Wilna. Les nuits ajoutées aux jours ne lui suffisaient pas. Aides de camp, officiers d'ordonnance, officiers d'état-major couvraient les routes. Il attendait avec une impatience toujours nouvelle les rapports des corps en marche. Sa première parole à tous ceux qui arrivaient était toujours : « — Combien a-t-on fait de prisonniers ? » Les escarmouches étaient, à son grand regret, sans résultats. Il se flattait, avec raison, que le prince d'Eckmuhl en viendrait aux mains avec le prince Bagration et se réjouissait de voir ce bras droit du vieux Souvarofî aux prises avec le plus tenace de ses lieutenants.

     

 

VIe Bulletin de la Grande Armée

   
 

Wilna, le 12 juillet 1812.

Le roi de Naples a continué à suivre l'arrière-garde ennemie. Le 5, il a rencontré la cavalerie ennemie en position sur la Dziana ; il l'a fait charger par la brigade de cavalerie légère, que commande le général baron Subervic. Les régiments prussiens, wurtembergeois et polonais qui font partie de cette brigade, ont chargé avec la plus grande intrépidité. Ils ont culbuté une ligne de dragons et de hussards russes, et ont fait deux cents prisonniers, hussards et dragons montés.
Arrivé au-delà de la Dzïana, l'ennemi coupa les ponts et voulut défendre le passage. Le général comte Montbrun fit alors avancer ses cinq batteries d'artillerie légère, qui, pendant plusieurs heures, portèrent le ravage dans les rangs ennemis. La perte des Russes a été considérable.
Le général comte Sébastiani est arrivé le même jour à Vidzoui, d'où l'empereur de Russie était parti la veille. Notre avant-garde est sur la Dwina. Le général comte Nansouty était le 5 juillet à Postavoui. Il se porta, pour passer la Dziana, à six lieues de là, sur la droite du roi de Naples. Le général de brigade Roussel, avec le neuvième régiment de chevau-légers polonais et le deuxième régiment de hussards prussiens, passa la rivière, culbuta six escadrons russes, en sabra un bon nombre et fit quarante-cinq prisonniers avec plusieurs officiers. Le général Nansouty se loue de la conduite du général Roussel, et cite avec éloge le lieutenant Borke, du deuxième régiment de hussards prussiens, le sous-officier Krance, et le hussard Lutze. S. M. a accordé la décoration de la Légion-d'Honneur au général Roussel, aux officiers et au sous-officier ci-dessus nommés.
Le général Nansouty a fait prisonniers cent trente hussards et dragons russes montés.
Le 3 juillet, la communication a été ouverte entre Grodno et Wilna par Lida. L'hetmann Platow, avec six mille cosaques, chassé de Grodno, se présenta sur Lida, et y trouva les avant-postes français. Il descendit sur Ivie le 5.
Le général comte Grouchy occupait Witchenew, Traboui et Soubotnicki. Le général baron Pajol était à Perckaï ; le général baron Bordesoult était à Blakchtoui; le maréchal prince d'Eckmühl était en avant de Bobrowitski, poussant des têtes de colonne partout.
Platow se retira précipitamment, le 6, sur Nikolaew.
Le prince Bagration, parti dans les premiers jours de juillet de Wolkowisk, pour se diriger sur Wilna, a été intercepté dans sa route. Il est retourné sur ses pas pour gagner Minsk ; prévenu par le prince d'Eckmühl, il a changé de direction, a renoncé à se porter sur la Dwina, et se porte sur le Borysthène par Bobruisk, en traversant les marais de la Bérésina.
Le maréchal prince d'Eckmühl est entré le 8 à Minsk. Il y a trouvé des magasins considérables en farine, en avoine, en effets d'habillement, etc. Bagration était déjà arrivé à Novoi-Sworgiew ; se voyant prévenu , il envoya l'ordre de brûler les magasins ; mais le prince d'Eckmühl ne lui en a pas donné le temps.
Le roi de Westphalie était le 9 a Nowogrodek ; le général Reynier, à Slonim. Des magasins, des voitures de bagages, des pharmacies, des hommes isolés ou coupés tombent à chaque moment dans nos mains. Les divisions russes errent dans ces contrées sans directions prévues, poursuivies partout, perdant leurs bagages, brûlant leurs magasins, détruisant leur artillerie, et laissant leurs places sans défense.
Le général baron de Colbert a pris à Vileika un magasin de trois mille quintaux de farine, de cent mille rations de biscuit, etc. Il a trouvé aussi à Vileika une caisse de vingt mille francs en monnaie de cuivre.
Tous ces avantages ne coûtent presque aucun homme à l'armée française : depuis que la campagne est ouverte, on compte à peine, dans tous les corps réunis, trente hommes tués, une centaine de blessés et dix prisonniers, tandis que nous avons déjà deux mille à deux mille cinq cents prisonniers russes.
Le prince de Schwartzenberg a passé le Bug a Droghitschin, a poursuivi l'ennemi dans ses différentes directions, et s'est emparé de plusieurs voitures de bagages. Le prince de Schwartzenberg se loue de l'accueil qu'il reçoit des habitants, et de l'esprit de patriotisme qui anime ces contrées. Ainsi dix jours après l'ouverture de la campagne, nos avant-postes sont sur la Dwina. Presque toute la Lithuanie, ayant quatre millions d'hommes de population, est conquise. Les mouvements de guerre ont commencé au passage de la Vistule. Les projets de l'empereur étaient dès lors démasqués, et il n'y avait pas de temps a perdre pour leur exécution. Aussi l'armée a-t-elle fait de fortes marches depuis le passage de ce fleuve, pour se porter par des manœuvres sur la Dwina, car il y a plus loin de la Vistule a la Dwina, que de la Dwina à Moscou et à Pétersbourg.
Les Russes paraissent se concentrer sur Dunabourg ; ils annoncent le projet de nous attendre et de nous livrer bataille avant de rentrer dans leurs anciennes provinces, après avoir abandonné sans combat la Pologne, comme s'ils étaient pressés par la justice, et qu'ils voulussent restituer un pays mal acquis, puisqu'il ne l'a été ni par les traités, ni par le droit de conquête.
Le chaleur continue à être très forte.
Le peuple de Pologne s'émeut de tous côtés. L'aigle blanche est arborée partout. Prêtres, nobles, paysans, femmes, tous demandent l'indépendance de leur nation. Les paysans sont extrêmement jaloux du bonheur des paysans du grand-duché, qui sont libres; car, quoi qu'on dise, la liberté est regardée par les Lithuaniens comme le premier des biens. Les paysans s'expriment avec une vivacité d'élocution qui ne semble pas devoir appartenir aux climats du nord, et tous embrassent avec transport l'espérance que la fin de la lutte sera le rétablissement de leur liberté. Les paysans du grand-duché ont gagné à la liberté, non qu'ils soient plus riches,mais que les propriétaires sont obligés d'être modérés, justes et humains, parce qu'autrement les paysans quitteront leurs terres pour chercher de meilleurs propriétaires. Ainsi le noble ne perd rien ; il est seulement obligé d'être juste, et le paysan gagne beaucoup. Ç'a dû être une douce jouissance pour le cœur de l'empereur, que d'être témoin, en traversant le grand-duché, des transports de joie et de reconnaissance qu'excite le bienfait de la liberté accordée à quatre millions d'hommes. Six régiments d'infanterie de nouvelle levée viennent d'être décrétés en Lithuanie, et quatre régiments de cavalerie viennent d'être offerts par la noblesse.

     

 

VIIIe Bulletin de la Grande Armée, Gloubokoé, le 22 juillet 1812.

   
 

Le 12, le général baron Pajol, étant a Jghoumen, a envoyé le capitaine Vaudois, avec cinquante chevaux, à Khaloui. Ce détachement a pris là un parc de deux cents voitures du corps de Bagration, a fait prisonniers six officiers, deux canonniers, trois cents hommes du train , et a pris huit cents beaux chevaux d'artillerie. Le capitaine Vaudois, se trouvant éloigné de quinze lieues de l'armée, n'a pas jugé pouvoir amener ce convoi, et l'a brûlé; il a amené les chevaux harnachés et les hommes.

     

 


  13 juillet 1812  

 

 

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