|
Dernière modification: 29/11/2002 Traité d’union des Provinces belgiques, du 11 janvier 1790 Traité d’union et établissement du congrès souverain des Etats-Belgiques-Unis “Après la mort de l’impératrice douairière et reine, Marie-Thérèse d’Autriche, les peuples qui forment aujourd’hui les Etats-Unis des Pays-Bas, avaient reconnu pour leur souverain Joseph II, fils aîné de l’impératrice, et s’étaient soumis à son empire, mais sous des réserves et avec des stipulations expresses, telles que la constitution de ces provinces les avait dictées d’ancienneté. Ces stipulations et ces réserves, contenues dans le pacte inaugural, étaient plus anciennes que la maison qui gouvernait le pays, et nées, pour ainsi dire, avec la nation même ; aussi furent-elles agréées et jurées solennellement, et rien ne manqua au traité que le peuple avant de se donner, fit, suivant l’usage, avec son prince. La conservation entière de l’ancienne religion catholique, apostolique et romaine ; le maintien de la constitution, des libertés, franchises, coutumes et usages, tels qu’ils étaient contenus dans les chartes, et consacrés par la possession immémoriale de la nation, et dans ce que le Brabant surtout appelait sa Joyeuse Entrée, tout cela fut convenu et promis sous la foi du serment. Les habitants l’avaient d’autant plus à cœur, qu’ils s’étaient fait depuis longtemps une douce habitude de regarder tous ces points comme formant essentiellement leur constitution, et cette constitution comme le boulevard de leurs libertés et la sauvegarde de leur bonheur. Cependant, malgré le serment si positif du souverain, relativement à l’observation du pacte inaugural ; malgré les représentations si souvent réitérées de tous les ordres de l’Etat, touchant les infractions sans nombre faites à ce pacte, le souverain suivait depuis plusieurs années une marche constante, qui ne tendait à rien moins qu’à tout changer, à innover sans cesse, et à priver les habitants d’une constitution qui leur était chère, et dont sans injustice, sans enfreindre ses serments, il ne pouvait les dépouiller. On avait déjà vu paraître successivement une foule d’édits qui attaquaient la religion dans les différents objets de sa morale, de son culte, dans ce qui tenait à ses dogmes, et dans ses ministres. Les tribunaux de la nation furent renversés, les lois changées arbitrairement ou enfreintes ; les propriétés, la liberté personnelle, dont les Belges en tout temps se montrèrent si jaloux, n’étaient plus à couvert des entreprises inconstitutionnelles ; elles se taisaient les lois devenues impuissantes devant le glaive du militaire ; les usages antiques étaient partout altérés ou révoqués ; un ordre nouveau substitué à l’ordre ancien, et remplacé par les volontés mobiles et arbitraires du prince ou de ceux qui gouvernaient en son nom et agissaient sous son autorité. Tel était l’excès de nos maux ; ils étaient devenus sans remède. Le gouvernement, non content de se raidir contre toutes remontrances, ferma, par un nouvel et dernier coup d’autorité, la porte à ces remontrances même, en cassant la Joyeuse Entrée, les possessions anciennes et les lois fondamentales des provinces, en abolissant, avec la constitution, les collèges des députés de ses provinces, qui avaient été jusque-là l’organe des représentations et des représentants des peuples. Enfin, le pacte, qui cesse de lier dès qu’il cesse d’être réciproque, était formellement rompu de la part du souverain ; et que restait-il après cela aux peuples, sinon le droit naturel et imprescriptible que le pacte d’ailleurs lui-même donne, d’opposer la force à la violence, et de reprendre une autorité qu’on n’avait confiée que pour le bonheur commun, et avec tant de précautions, sous des stipulations et des réserves si expresses ? C’est ce qui a été fait, et ç’a été d’après ces principes que les différentes provinces se sont déclarées libres et indépendantes. Le ciel a béni visiblement une entreprise formée sous ses auspices ; l’Europe et l’humanité ont applaudi au succès. Mais ce n’est pas tout que d’avoir obtenu des succès, il a fallu songer à les consolider, à les rendre durables. A ces causes, les Etats Belgiques, après avoir resserré les anciens nœuds d’une étroite union et d’une amitié durable, sont convenus des points et articles suivants : “Art. I. Toutes ces provinces s’unissent et se confédèrent sous la dénomination d’Etats-Belgiques-Unis. “II. Ces provinces mettent en commun, unissent et concentrent la puissance souveraine, laquelle elles bornent toutefois et restreignent aux objets suivants : à celui d’une défense commune ; au pouvoir de faire la paix et la guerre, et par conséquent à la levée et l’entretien d’une armée nationale, ainsi qu’à ordonner, faire construire et entretenir les fortifications nécessaires ; à contracter des alliances, tant offensives que défensives, avec les puissances étrangères ; à nommer, envoyer et recevoir des résidents ou ambassadeurs et autres agents quelconques ; le tout par l’autorité seule de la puissance ainsi concentrée, et sans aucun recours aux provinces respectives. L’on est convenu de l’influence que chaque province, par ses députés, aura dans les délibérations sur les objets repris dans le présent traité. “III. Pour exercer cette puissance souveraine, elles créent et établissent un congrès des députés de chacune des provinces, sous la dénomination de Congrès souverain des Etats-Belgiques-Unis. “IV. Les provinces susmentionnées professant et voulant professer à jamais la religion catholique, apostolique et romaine, et voulant conserver inviolablement l’unité de l’Eglise, le Congrès observera et maintiendra les rapports anciennement observés avec le Saint-Siège, tant dans la nomination ou présentation des sujets desdites provinces aux archevêchés ou évêchés, de la manière dont les provinces conviendront entre elles dans la suite, qu’en toute autre matière, conformément aux principes de la religion catholique, apostolique et romaine, aux concordats et libertés de l’Eglise belgique. “V. Le Congrès aura seul le pouvoir de faire battre monnaie, au coin des Etats-Belgiques-Unis, et d’en fixer le titre et la valeur. “VI. Les provinces de l’Union fourniront à la dépense nécessaire à l’exercice des pouvoirs souverains attribués au Congrès, selon la proportion observée sous le ci-devant souverain. “VII. Chaque province retient et se réserve tous les autres droits de souveraineté, sa législation, sa liberté, son indépendance ; tous les pouvoirs enfin, juridiction et droits quelconques qui ne sont pas expressément mis en commun et délégués au Congrès souverain. “VIII. On est convenu de plus, et irrévocablement, qu’à l’égard des difficultés qui pourront naître, soit à l’occasion de la contribution commune, soit sur quelques objets de discussion que ce soit d’une province avec le Congrès, ou du Congrès avec une province, ou de province à province, le Congrès tâchera de les terminer à l’amiable ; et que si une composition amiable ne pouvait avoir lieu, chaque province nommera une personne, à la réquisition de l’une ou de l’autre des parties, pardevant qui la cause sera instruite sommairement, et qui la décideront ; et le Congrès aura le droit d’exécution. Et si la sentence est portée contre le Congrès, celui-ci sera obligé de s’y soumettre. “IX. Les Etats-Unis s’obligent le plus étroitement à s’entraider ; et dès qu’une province sera attaquée par un ennemi du dehors, elles feront toutes cause commune, et toutes ensemble défendront de toutes leurs forces la province attaquée. “X. Il ne sera libre à aucune province de faire une alliance ou traité quelconque avec une autre puissance, sans le consentement du Congrès, et les provinces particulières ne pourront s’unir entre elles, s’allier ou contracter de quelque manière que ce puisse être, sans le consentement du Congrès. La province de Flandres cependant pourra se réunir avec la West-Flandres, à condition que chacune aura ses députés particuliers au Congrès ; que ces députés auront leur voix libre et indépendante ; et ne pourront jamais les députés de l’une être en même temps les députés de l’autre. “XI. Cette union sera stable, perpétuelle, irrévocable ; et il ne sera libre à aucune province ni à plusieurs, pas même à la pluralité, de rompre cette union ou de s’en séparer, sous prétexte ou d’après un motif quelconque. “XII. On est aussi invariablement convenu que le pouvoir civil et militaire, ou une portion de l’un et de l’autre, ne sera jamais conféré à la même personne ; et que personne, ayant séance ou voix au Congrès, ne pourra être employé dans le service militaire ; et que de même personne en emploi militaire ne pourra être député au Congrès, y avoir séance ou voix. De même, tout employé ou pensionné de quelque puissance étrangère, sous quelque dénomination que ce puisse être, ne pourra être admis au Congrès. On en exclut aussi tous ceux qui, après la ratification de ce traité d’union, accepteront quelque ordre militaire ou autre décoration quelconque. “A cet effet, tous les Etats composant l’union en général, et chaque membre en particulier, de même que tous ceux qui prendront séance au Congrès, tous les conseillers et membres des conseils des provinces, tous les magistrats, et généralement tous les justiciers et officiers civils, promettront et jureront l’observation exacte et fidèle de cette union, et de tous et de chacun de ces points. Ainsi conclu, fait et arrêté à Bruxelles, dans l’assemblée générale des Etats-Belgiques-Unis, par les soussignés députés des Etats respectifs, sous la ratification de leurs commettants, le 11 janvier 1790, à deux heures du matin.” (L’original de ce traité d’union a été signé par les députés de Brabant, Gueldres, Flandres, West-Flandres, Hainaut, Namur, du Tournaisis et de Malines.) (Le Moniteur Universel, dimanche 31 janvier 1790.) Chronique des Révolutions belgique et liégeoise.
|
|