Dernière modification: 15/11/2002
Saint-Domingue
-
Une assemblée coloniale vient de se former à Saint-Domingue, sous
les auspices de Toussaint-Louverture. Elle discute un plan de constitution
pour l’île. Le résultat de ses délibérations n’est point encore connu.
Toussaint a été nommé gouverneur par un acte législatif. . (Journal de
Paris, 4 vendémiaire an 10.)
- Le journal officiel rapporte, sans en garantir
l’authenticité, le texte de la constitution de Saint-Domingue. En voici
quelques articles :
Saint-Domingue fait partie de l’empire français. Elle
est gouvernée par des lois particulières. - L’esclavage y est aboli. -
La religion catholique est la seule professée publiquement. - Les ministres
du culte ne peuvent former un corps dans la colonie. - Le divorce n’est
point permis. - Le gouvernement propose les lois. - L’assemblée centrale
les agrée ; sa session dure 3 mois. - Ses séances ne sont pas publiques.
- Le gouvernement est confié au gouverneur, qui correspond avec la mère-patrie
pour tout ce qui est relatif aux intérêts de la colonie. - Toussaint-Louverture
est nommé gouverneur pour toute sa vie. - A l’avenir, le gouverneur ne
sera nommé que pour 5 ans. Toussaint-Louverture choisira son successeur
immédiat. - Il y aura des tribunaux de première instance et d’appel, et
un tribunal de cassation. Toussaint-Louverture enverra cette constitution
à la sanction du gouvernement français ; mais, en attendant, elle sera
mise à exécution. (Journal de Paris, 12 vendémiaire an 10.)
- On
mande de Bordeaux qu’après un court séjour dans cette ville, le C.en Vincent,
envoyé par Toussaint-Louverture, en est parti le 10
vendémiaire pour Paris. (Journal
de Paris, 18 vendémiaire an 10.)
Insurrection de Moyse
Baltimore, le 29 novembre
(8 frimaire). Traduction d'une lettre écrite à M. J. Okoucke par un colon
de Saint-Domingue.
Cher ami, j’étais près de quitter cette ville pour me rendre à Saint-Domingue
; toutes mes provisions étaient à bord, lorsque le soir même où nous devions
mettre à la voile, nous reçûmes l'agréable nouvelle de la paix entre la
France et l'Angleterre, en conséquence je me suis déterminé à retarder
mon départ pour attendre les événements. Cette circonstance a été d'autant
plus heureuse, que nous venons en ce moment d'apprendre par un vaisseau
qui a quitté le Cap le 11 du courant, qu'une insurrection a eu lieu dans
cette partie de l'île. Il en est résulté le massacre de tous les blancs
qui résidaient sur leurs plantations. Ils ont été, à la réserve de deux,
impitoyablement égorgés par les nègres révoltés. Tous les habitants du
Cap, et même les Américains du Continent, étaient destinés au même sort.
Ils doivent leur salut à la prudence et à la fermeté du noir Christophe,
qui commande dans la ville, et qui a découvert ce complot un moment avant
que l'on en commençât l'exécution.
Il paraît que cette trame était ourdie par le général Moïse, neveu de Toussaint.
Non seulement tous les blancs, mais même les noirs attachés à ce dernier
devaient être également massacrés. Heureusement ce complot n'a pas réussi
dans toute son étendue, et jusqu'à présent les habitants des plantations
en ont seuls été victimes. Les chefs de la conspiration ont été arrêtés,
et plusieurs d'entre eux ont été arrêtés. On a encore de grandes craintes
sur les conséquences que la paix peut entraîner, et l'on appréhende avec
raison qu'elle ne cause de nouvelles révoltes, qui pourraient à la fin
dégénérer en une insurrection générale de la colonie. J'espère toutefois
que ceci n'arrivera point ; et je pense que si le gouvernement français
n'use point de trop de précipitation à l'égard de Toussaint, et sans témoigner
de ressentiment pour sa conduite passée, le traite avec douceur, l'on
peut compter que tout ira bien. (Le Moniteur Universel, 10 pluviôse an
10 – 30 janvier 1802.)
___________
Relation de Toussaint-Louverture
:
Colonies. Nous avons rapporté
dans notre feuille du 27 nivôse, les extraits des nouvelles de Saint-Domingue,
que publiaient les papiers anglais. On y a vu le projet formé par les
Noirs d'exterminer les Blancs dans la ville du Cap et dans la partie nord
de cette île. Le journal officiel d'hier donne copie d'un imprimé reçu
de Newyork, et intitulé Récit des
événements qui se sont passés dans la partie du nord de Saint-Domingue,
depuis le 29 vendémiaire jusqu'au 13 brumaire an 10. Cet écrit est
signé : le gouverneur de Saint-Domingue, Toussaint
Louverture. Sa date est du 16 brumaire. La tranquillité était
alors rétablie partout.
Le foyer de la révolte était la ville même
du Cap. Les quatre principaux chefs de la conjuration avaient persuadé
aux Noirs qu'ils allaient perdre la liberté, qu'ils seraient vendus aux
Blancs, que le gouverneur avait à cet effet un magasin de chaînes, etc.
C'est pendant la tournée que faisait le gouverneur pour installer les
tribunaux, qu'il reçut avis des premiers mouvements. Arrivé aux Gonaïves
le 2 brumaire, il apprit que le chef de brigade Vernet avait attaqué les
révoltés. (…)
"Les rapports unanimes des généraux, des commandants militaires,
les cris des révoltés, les interrogatoires de ceux qui ont été arrêtés,
s'accordent à désigner le général de division Moyse comme l'auteur de
cette conspiration, je le fis arrêter le 6 brumaire ; il est détenu au
Grand-Fort, en attendant que son procès lui soit fait.
Informé que l'ordre était rétabli, que tous les cultivateurs avaient été
remis au travail, désirant rassurer les habitants du Cap, je suis rentré
dans cette ville, le 13 brumaire, faisant conduire devant moi 40 prisonniers
; 13 des principaux chefs ont été punis de mort sur la place d'Armes ;
un grand nombre d'autres sont dans les prisons.
Le mal a été grand, sans doute, ajoute le gouverneur ; le souvenir ne
s'en effacera jamais de ma mémoire ; mon cœur en est brisé de douleur
: mais si la main de la Divinité n'avait retenu la rage des monstres qui
voulaient nous déshonorer, nous aurions bien plus à pleurer encore. Le
sang de l'innocent sera vengé, et justice sera faite de manière à effrayer
les plus intrépides scélérats. La Providence a voulu que dans la ville
du Cap il n'y ait eu qu'une innocente victime (un gendarme tué). D'ailleurs,
pas le moindre désordre n'y a été commis, pas le moindre pillage n'y a
été exercé. Elle était le foyer de la révolte ; elle a été sauvée par
la sagesse du général Christophe, secondé du zèle des chefs militaires
sous ses ordres… Tous mes soins et mes veilles seront employés pour que
ce fatal événement ne détruise pas la confiance publique.
(Journal de Paris, 17 pluviôse, an X,
5 février 1802.)