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de
Brézé (Marquis de)
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Le
marquis de Brézé, grand-maître des cérémonies
en 1789, est connu dans l'histoire par le rôle qu'il a joué
face à Mirabeau au cours de la séance royale. Bien
qu'il fût marquis de Dreux et de Brézé, et que
sa famille est souvent désignée sous l'appellation
de Dreux-Brézé, le maître des cérémonies
n'est jamais désigné en 1789 que sous le nom de "marquis
de Brézé", notamment dans l'Almanach Royal.
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Biographie
universelle, ancienne et moderne, supplément, tome 62, Paris
1837 : |
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DREUX
-BRÉZÉ (Henri-Evrard, marquis de), grand-maître
des cérémonies de France sous les rois Louis XVI,
Lonis XVIII et Charles X, né en 1762, avait a peine dix-neuf
ans lorsqu'il succéda, en 1781, à son père,
décédé dans cette dignité, héréditaire
en leur famille depuis quatre-vingts ans (1).
Aux différentes séances royales qui eurent lieu jusqu'à
la convocation des états-généraux , il remplit
sans peine et sans obstacle ses fonctions aussi douce que brillantes
; mais il n'en fut pas de même depuis l'ouverture de cette
assemblée. Les hommes qui cherchaient a détruire la
monarchie sentaient de quelle importance il était d'affaiblir
d'abord l'éclat et la majesté du trône, en renversant
les lois de l'étiquette. Le marquis de Brézé
se vit donc, par ses fonctions , un des premiers en butte aux attaques
des révolutionnaires. Peut-être ne comprit-il pas assez
la nécessité, en présence d'une opinion si
menaçante, de modifier en quelques parties l'antique cérémonial
des états-généraux. Quoi qu'il en soit, il
fit publier dans les journaux et distribuer dans les bailliages
la description du costume qu'il prescrivait à chacun des
trois ordres ; et la simplicité de ce costume pour les députés
du tiers contrastait avec la richesse de celui du clergé
et de la noblesse (2). Bien que
cette distinction eût toujours été admise dans
les états-généraux , elle déplut à
la bourgeoisie ; et les publicistes du jour demandèrent au
marquis de Brézé s'il se croyait encore « dans
les temps gothiques où les états-généraux
ne se mouvaient, pour ainsi dire,
qu'a la baguette (3). »
Toutefois les députés du tiers se soumirent a ce costume,
jusqu'au moment où l'assemblée l'abolit parmi ses
membres. Ce fut le 1er mai 1789, que les trois ordres durent être
présentés au roi, à Versailles, en habit de
cérémonie : le clergé a onze heures, l'ordre
de la noblesse à une heure après midi, et le tiers-état
à quatre heures. Dreux-Brézé , assisté
du comte de Nantouillet et du sieur de Waironville, maître
et aide des cérémonies, les conduisirent successivement
en corps dans l'appartement du roi. Le clergé et la noblesse
furent reçus dans le cabinet de sa majesté, et l'ordre
du tiers ne fut admis que dans la chambre à coucher. On ouvrit
les deux battants pour le clergé, et un seulement pour la
noblesse et le tiers-état. Ces distinctions impolitiques
sans doute, mais que le grand-maître ne pouvait pas omettre
sans l'ordre du roi, excitèrent de vifs mécontentement
parmi le tiers-état. On doit le dire : puisque le gouvernement
de Louis XVI ne se sentait pas le courage de comprimer par la force
les nouvelles prétentions du troisième ordre, il fallait
au moins ménager sa susceptibilité dans des choses
aussi indifférentes. Le contraire arriva : le 5 mai, lors
de la séance d'ouverture, avant d'être admis dans la
salle préparée pour eux à Versailles, il fallut
que les membres attendissent que le marquis de Brézé
et ses deux maîtres de cérémonies eussent appelé
successivement les bailliages ; après quoi, les députés
de chaque élection étaient introduits. Les mêmes
sujets de plainte pour tant d'hommes, dont la malveillance ne cherchait
qu'un prétexte, se reproduisirent avec aggravation à
la fameuse séance du 23 juin. Le matin, avant neuf heures,
tous les députés s'étaient rendus à
la salle. On introduisit ceux des deux premiers ordres par la grande
porte ; ceux du tiers par une petite porte du côté
opposé : encore laissa-t-on une partie de ces députés
exposés à la pluie pendant près d'une heure,
et d'autres tellement pressés dans un vestibule ou antichambre
que l'on pouvait à peine respirer. Ce fut une véritable
échauffourée dans laquelle Paporet, doyen des secrétaires
du roi, mourut asphyxié. Enfin le roi parut ; et, après
avoir harangué les députés et fait lire une
déclaration qui prescrivait à l'assemblée la
marche à tenir dans ses opérations, il reprit la parole
pour intimer personnellement aux membres l'injonction de se retirer
dans les chambres affectées à leur ordre, puis il
ajouta : « J'ordonne en conséquence au grand-maître
des cérémonies de faire préparer les salles.
» Quand il se retira , une partie des députés
du clergé et de la noblesse le suivirent : les députés
du tiers restèrent immobiles sur leurs bancs. Le marquis
de Brézé vint leur rappeler les intentions du monarque
; mais, selon l'expression d'un journaliste du temps (Dubois-Crancé),
« il s'aperçut bientôt que ceci n'était
plus une affaire de cérémonie. » — « Oui,
monsieur, lui répondit Mirabeau , nous savons tout ce qu'on
a suggéré au roi; et vous, qui ne sauriez être
son organe auprès des états-généraux
, vous, qui n'avez ici ni place, ni voix, ni droit de ce parler,
vous n'êtes pas fait pour nous rappeler son discours. Cependant,
pour éviter toute équivoque et tout délai,
je déclare que, si l'on vous a chargé de nous faire
sortir d'ici , vous devez demander des ordres pour employer la force
; car nous ne quitterons nos places que par la puissance de la baïonnette.
» À ces paroles, le marquis de Brézé
se retira sans répliquer, si l'on en croit maints récits
répétés pendant près d'un demi-siècle.
Mais ce fait a été rectifié d'une manière
authentique et solennelle , il y a peu d'années. Le 9 mars
1333, à la chambre des pairs, lors de la discussion, sur
les pensions à décerner aux vainqueurs de la Bastille,
M. Villemain ayant fait allusion aux paroles de Mirabeau, M. le
marquis Scipion de Dreux-Brézé, aujourd'hui pair de
France, saisit cette occasion de venger la mémoire de son
père. « Mon père, dit-il, fut envoyé
pour demander la dissolution de l'assemblée nationale. Il
y parut couvert ; c'était son devoir ; il y parlait au nom
du roi. L'assemblée trouva cela mauvais. Mon père
se servant d'une expression que je ne veux pas rappeler, répondit
qu'il resterait couvert, puisqu'il parlait au nom du roi. Mirabeau
ne ai dit pas : Allez dire à votre maître,
etc. J'en appelle à tous ceux qui étaient présents
a l'assemblée, et qui se trouvent dans cette enceinte ; je
demande a M. de Montlosier si cela n'est pas exact. Mon père
ne garda pas le silence lorsque Mirabeau lui dit : « Nous
sommes assemblés par la volonté nationale; nous n'en
sortirons que par la force ; » mais il dit à Bailly
: « Je ne puis reconnaître dans M. Mirabeau que le député
du bailliage d'Aix, et non l’organe de l'assemblée nationale.
» Le tumulte augmenta : un homme contre cinq cents est toujours
le plus faible, et mon père se retira. A l'époque
du retour de Louis XVIII, il lui demanda la permission de rectifier
ce fait, mais le roi le pria de ne pas le faire. » Cette explication
, qui d'ailleurs était consignée depuis 1829 dans
les Mémoires d'une femme de qualité (t. Ier,
pag. 363), et contre laquelle personne ne s'est élevé,
a réduit à sa juste valeur le mot amplifié
de Mirabeau. Enfin les auteurs de l'Histoire parlementaire de
la. révolution (MM. Roux et Bûchez) ont adopté
la version de M. de Dreux-Brézé, du reste assez conforme
au compte-rendu du Moniteur, du 24 juin 1789. Il est désormais
permis d'espérer que le nom de ce grand-maître des
cérémonies de France ne reviendra plus dans les biographies
ou dans les histoires comme satellite de la gloire révolutionnaire
de Mirabeau. Mais, pour revenir au fait en lui-même, peut-on
concevoir la faiblesse et l'impéritie du gouvernement de
Louis XVI. qui, en confiant au marquis de Brézé la
mission difficile de dissoudre une assemblée en révolte
contre le gouvernement établi, l'envoya seul et sans avoir
pris en cas de non-succès, aucune mesure pour assurer en
définitive force au pouvoir et à la loi ? Mais, ainsi
que tant d'autres serviteurs dévoués de Louis XVI,
le marquis de Brézé fut jeté là en enfant
perdu puis abandonné aux criailleries menaçantes du
parti dominant. Peu de temps après, s'étant rendu
à sa terre du Maine, il fut arrêté par la municipalité
de l'endroit; et il fallut une décision de l'assemblée
nationale pour qu'il obtînt sa mise en liberté. Toujours
dévoué au roi, il ne le quitta point durant la fatale
journée du 10 août. Il émigra ensuite ; mais
les ordres qu'il reçut de Louis XVIII à Vérone
l'obligèrent a rentrer en France, où il vécut
dans la retraite, non sans être souvent en butte aux persécutions
dirigées contre la noblesse. Sous Napoléon il reçut
quelques avances de la nouvelle cour ; et son fils aîné
entra dans les pages de l'empereur. A la restauration, il alla au
devant de Louis XVIII à Calais, reprit ses fonctions de grand-maître
des cérémonies au mois de mai 1814, et fut créé
chevalier de Saint-Louis la même année. C'est lui qui
présida, le 21 janvier 1815, à tous les détails
de la lugubre et magnifique cérémonie en mémoire
de Louis XVI et de Marie-Antoinette. Personne ne souffrit plus que
lui, en 1814, du défaut d'étiquette et du pêle-mêle
qui régnaient dans les salons des Tuileries. Il finit cependant
par interdire l'entrée des pantalons larges. Pendant les
cent-jours il vécut dans la retraite, et ensuite reprit une
seconde fois ses fonctions pour ne plus les quitter. Il fut créé
pair de France le 17 août 1815, maréchal-de-camp le
1er janvier 1816, officier de la Légion d'Honneur le 19 août
1823, et chevalier des ordres du roi le 30 mai 1825. Si l'on avait
trop négligé l'étiquette à la première
restauration, il n'en fut pas de même à la seconde
rentrée de Louis XVIII. Ce prince affectait quelquefois de
rire de l'importance que le marquis de Brézé attachait
à ses fonctions ; mais au fond il pensait comme lui. Ce fidèle
serviteur des Bourbons avait pour axiome que « l'égalité
dans les costumes confond les rangs et mène droit à
une loi agraire. » On peut juger par le ton grave et digne
de la correspondance du marquis de Brézé avec les
présidents des deux Chambres que Louis XVIII avait bien entendu
que les attributions du grand-maître des cérémonies
de France ne perdissent rien de leur éclat, en se mêlant
a des relations constitutionnelles. Au mois de janvier 1817, le
marquis de Brézé assista à l'exhumation des
ossements des Valois et des Bourbons, qui en 1793 avaient été
jetés dans une fosse commune au milieu du cimetière
de la Madeleine à Saint-Denis. Il fut, en 1824, l'ordonnateur
des funérailles de Louis XVIII ; puis, en 1825, il présida
au sacre de Charles X. Comme il sut, tout en respectant les anciens
usages, les approprier à nos mœurs et aux nouvelles formes
du gouvernement, ce ne fut plus, comme en 1789 : pas une plainte,
pas une réclamation ne s'éleva contre les dispositions
qu'il avait faites (4). En sa
qualité de pair de France, il prit peu de part aux discussions
; il ne fut jamais ce qu on appelle un homme politique. Il est mort
à Paris le 27 janvier 1829 (5).
M. le duc de Doudeauville prononça son éloge à
la chambre haute, et termina son panégyrique par ces paroles
simples et vraies : « Il fut un honnête homme. »
Le marquis de Dreux-Brézé avait épousé
la fille du comte de Custine ( Voy. ce nom, X, 386 ). De ce mariage
sont nés plusieurs fils, dont l'aîné avait succédé
a son père dans la dignité de grand-maître des
cérémonies qui n'existe plus et dans celle de pair
de France. D—R—R.
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(1).
On trouve dans un ouvrage de M. Alissan de Chazet, intitulé
Des mœurs, des lois et des abus (Paris, 1819, in-8°), une anecdote
curieuse sur l'origine de l'illustration de cette famille. — Sous
le règne de Louis XIV, Dreux et Chamillart étaient
conseillers au parlement de Paris , et amis intimes. Dreux était
fort riche, et Chamillart fort pauvre. Leurs femmes accouchèrent
en même temps d'un fils et d'une fille. Dreux par amitié
demanda à Chamillart de s'engager, le lendemain de leur naissance,
à les marier un jour ensemble. Chamillart représenta
à son ami avec délicatesse qu'avant cette époque
il trouverait des partis bien plus avantageux que sa fille. Dreux
insista tellement qu'ils se donnèrent réciproquement
parole. La chance tourna : Dreux demeura simple conseiller, et Chamillart
devint contrôleur- général. Aussitôt après
sa nomination , il alla trouver Dreux et lui dit que leurs enfants
étaient en âge d'être mariés , et qu'il
fallait remplir l'engagement qu'ils avaient pris. Dreux, touché
de cette proposition, fit tout ce qu'un homme d'honneur peut faire,
pour rendre à son ami une parole , qu'en sa qualité
de premier ministre il ne pouvait plus tenir sans nuire eux intérêts
de sa famille. Chamillart le somma de tenir sa promesse : ce combat
de générosité dura plusieurs jours. A la fin
Chamillart, bien résolu de partager sa fortune avec son ami
, l'emporta, et le mariage se fit. Il obtint pour son gendre, avec
le titre de marquis, la charge de grand-maître des cérémonies
le 30 mars 1701 , sur la démission du marquis de Blainville;
il l'exerça jusqu'en 1741, et mourut en 1749. Son fils aîné,
lieutenant-général, inspecteur-général
d'infanterie, commandant du camp de Mézières, officier
d'un rare mérite, succéda à son père
comme grand-maître, et mourut sans postérité
en 1764. Il eut pour successeur son frère puîné,
Michel de Dreux, marquis de Brézé, baron de Brye,
père de Henri-Evrard dont il est question dans cet article.
(Retour au texte.)
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(2)
Les cardinaux députés devaient être en chapeau
rouge ; les archevêques et évêques en rochet,
camail, soutane violette et bonnet carré ; les abbés,
doyens, chanoines et curés en soutane, manteau long et bonnet
carré. Les députés de la noblesse devaient
porter un habit a manteau d'étoffe noire, un parement d'étoffe
d'or sur le manteau, une veste semblable à ces parements,
culotte noire, bas blancs, cravate de dentelle, chapeau à
plumes blanches, retroussé a la Henri IV. Quant aux députés
du tiers, habit, veste et culotte de drap noir, manteau court de
soie ou de toile, cravate de mousseline ; tel était le costume
qui leur fut prescrit : seulement à la toque qui servait
jadis de coiffure aux membres du tiers état, et qui avait
fait naître parmi le peuple le terme méprisant de toqueton,
était substitué le chapeau à trois cornes,
sans ganse ni bouton. (Retour au texte.)
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(3)
Anecdotes du règne de Louis XVI, t. VI, page 129, Paris,
1791. (Retour au texte.)
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(4)
Voici comme s'exprime à cet égard l’auteur du Sacre
de Charles X (M. F. Miel ) :
« Dire qu'à cette cérémonie rien n'a
manqué, c'est faire l'éloge de M. le marquis de Dreux-Brézé
; car rien ne prouve mieux avec quelle prévoyance il avait
conçu, avec quelle netteté développé,
avec quelle précision appliqué son vaste programme.
» (Retour au texte.)
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(5)
M. de Brézé avait été compris pour la
somme de 436.287 fr., dans l'indemnité accordée aux
émigrés. C'était de beaucoup un des moins bien
partagés. (Retour au texte.) |
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Dictionnaire de
la Conversation et de la lecture, tome 3, 1856, page 701 : |
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Brézé
(Henri-Evrard, baron de Berrye, marquis de Dreux et de), grand maître
des cérémonies, pair de France, chevalier des ordres
du roi, maréchal de camp, etc., avait épousé
une fille du général de Custine. Né en 1762,
il succéda, à l’âge de dix-neuf ans, à
son père dans la charge de grand maître des cérémonies.
Il dut, peu d’années après son entrée en fonctions,
pourvoir aux préparatifs des états généraux
: la tâche était difficile. Il débuta dans ce
rôle délicat le 20 juin 1789, jour choisi par la majorité
des membres du clergé pour se réunir aux députés
du Tiers-Etat. Afin de prévenir cette fusion, la cour avait
ordonné la fermeture des salles, sous prétexte de
travaux pour une séance royale, et le marquis dut notifier
l’arrêté du roi au président Bailly. C’est cet
incident qui décida la séance du jeu de paume. Les
dernières paroles du roi avaient été une injonction
formelle de se retirer ; toute la noblesse et une partie du clergé
avaient obéi ; mais les députés des communes
et l’autre partie du clergé étaient restés
immobiles à leur place. Tout à coup Mirabeau se lève
et, dans une improvisation entraînante, propose de ne se séparer
qu’après avoir donné une constitution à la
France. En ce moment le grand maître paraît et, s’adressant
au président : « Monsieur, lui dit-il, vous avez entendu
les ordres du roi ? – Je vais prendre ceux de l’Assemblée,
répond Bailly ; elle est ajournée après la
séance royale, et je ne puis la séparer sans qu’elle
en ait délibéré. – Est-ce là votre réponse,
et puis-je en faire part au roi ? – Oui, Monsieur. » Puis,
se tournant vers les députés qui l’entouraient : «
Je crois, ajouta-t-il, que la nation assemblée ne peut recevoir
d’ordre. » Ce fut alors que Mirabeau, s’élançant
vers le marquis, lui adressa la fameuse apostrophe, sur laquelle
on a fait bien des variantes. A l’occasion d’un incident qui s’éleva,
le 15 mars 1833 à la chambre des pairs entre le fils du maître
des cérémonies et M. Villemain, voici comment le premier
a prétendu rétablir le texte des paroles de Mirabeau.
« Je remercie l’orateur d’avoir rappelé un souvenir
historique qui se rattache à la mémoire de mon père
; les historiens du temps ont tous rapporté ce fait d’une
manière inexacte. Mon père voulut, au retour du roi
Louis XVIII, rétablir la vérité ; mais ce prince
lui demanda de n’en rien faire, et il se soumit à sa volonté…
Je puis dire aujourd'hui comment les choses se passèrent
: Mon père fut envoyé par Louis XVI pour ordonner
à l’Assemblée nationale de se séparer ; il
entra couvert : tel était son devoir, puisqu’il parlait au
nom du roi. De grandes clameurs se firent entendre à sa vue
; on lui cria de se découvrir ; mon père s’y refusa
énergiquement. Alors Mirabeau se leva, et ne lui dit point
: « Allez dire à votre maître, etc…, mais Nous
sommes ici par le vœu de la nation ; la force matérielle
seule pourrait nous faire désemparer. » Mon père
prit aussitôt la parole et, s’adressant à Bailly :
« Je ne puis reconnaître, dit-il, en M. de Mirabeau
que le député du bailliage d’Aix, et non l’organe
de l’assemblée. » Puis il se retira quelques minutes
après, et alla rendre compte au roi de cet incident. Voilà
exactement, Messieurs, comment les choses se passèrent ;
j’en appelle aux souvenirs des membres de cette chambre qui siégeaient
à l’Assemblée nationale. »
Le marquis de Brézé n’abandonna pas dans le malheur
le prince dont il avait partagé la fortune : jusqu’à
la journée du 10 août, il resta constamment près
de sa personne, et ce ne fut que du moment où il désespéra
de le servir en France, qu’il suivit le cours de l’émigration.
Plus tard, par déférence pour les ordres de Louis
XVIII, qu’il était allé rejoindre à Vérone,
il rentra dans sa patrie. A la Restauration, il courut à
Calais recevoir le chef des Bourbons, reprit ses fonctions de grand
maître des cérémonies, et en cette qualité
pourvut avant tout à la sépulture des cendres des
rois de France. Il présida plus tard aux cérémonies
du sacre de Charles X. A la chambre des pairs, il suivit la ligne
qu’il crut lui être tracée par son éducation,
sa position sociale et les liens qui l’attachaient à la famille
royale. Il mourut avant sa chute, en 1829, laissant plusieurs enfants.
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