|
Fulton
(Robert), mécanicien célèbre, naquit
en 1765 dans le bourg de Little-Britain,
situé dans le canton de Lancastre de l'état américain
de Pennsylvanie. Sa famille était
d'origine irlandaise. Ayant perdu son père à l'âge
de trois ans, il ne reçut qu'une très légère
éducation, parce que sa mère était fort gênée,
n'ayant qu'un modique patrimoine pour élever ses cinq enfants.
Néanmoins, le génie de Fulton se développa
de bonne heure ; il passait le temps de ses récréations
à étudier. Arrivé à un âge où
sa mère crut devoir lui donner un état, elle le fit
entrer chez un bijoutier de Philadelphie pour y apprendre son métier.
Malgré les travaux de sa nouvelle -profession, il se livrait
à l'étude de là peinture, et la vente de ses
portraits et de ses paysages lui procura, dans l'espace de quatre
ans, un bénéfice assez considérable pour acheter
une petite ferme qu'il abandonna à sa mère. À
l'âge de 22 ans, il se rendit à Londres, et fut admis,
sur la recommandation de Samuel Scorbitt, dans l'atelier de West,
qui avait déjà acquis une grande réputation.
Après avoir passé plusieurs années sous la
direction de ce maître, il se convainquit que la peinture
n'était pas sa véritable vocation. Il quitta donc
la palette pour s'adonner entièrement à la mécanique,
et il sut par ses travaux à Exeter, dans le Devonshire, s'attirer
le patronage du duc de Bridgewater et du comte de Stanhope. A son
retour à Londres, il y rencontra son compatriote James Ramsey,
mécanicien fort, distingué ; la conformité
du goût de ces deux hommes établit entre eux une grande
intimité, et c'est à cette circonstance que l'on attribue
l'essor que prirent dès ce moment les facultés inventives
de Fulton. On a un manuscrit, daté de 1793,
où Fulton expose déjà avec confiance ses idées
sur l'application de la vapeur à la navigation. Ce fut en
1794 qu'il obtint du gouvernement britannique un brevet pour un
plan incliné double, destiné à remplacer les
écluses dans les canaux ; dans la même année,
il présenta à la Société de l'industrie
et du commerce un moulin pour scier et polir le marbre. Il inventa
ensuite une machine à filer le chanvre et le lin, et une
autre pour faire des cordes ; il inventa également une machine
à creuser la terre à une certaine profondeur. Il fut
reçu ingénieur civil en 1795, et s'occupa beaucoup
de canalisation ; son système consistait à construire
les canaux sur une échelle moins grande, et à substituer
aux écluses des plans inclinés sur lesquels des bateaux
de petite dimension, jaugeant de huit à dix tonneaux, sont
élevés ou descendus, ainsi que leur chargement, d'un
niveau à un autre, au moyen de machines mues par la vapeur
ou par l'eau. En 1797, il passa
en France pour y proposer aussi l'application de son système
de canaux. L'année suivante parurent ses lettres au comte
de Stanhope sur la liberté du commerce, sur l'instruction
du peuple. Pendant les sept années que Fulton résida
à Paris, il habita constamment chez le poète américain
Joël Barlow, qui avait conçu pour lui la plus vive amitié.
C'est à. cette époque qu'il devint un des intéressés
dans l'entreprise des Panoramas, pour lesquels il exécuta
le premier tableau qui fut livré à la curiosité
publique.
Fulton se livra pendant fort longtemps à chercher un moyen
de détruire le système de guerre maritime européenne
; en 1797, il fit sur la Seine l'expérience d'une explosion
sous l’eau, produite par une espèce de bombe qu'il appelait
torpille ou torpedo. Ce fut aussi à cette époque
qu'il imagina son nautilus ou bateau sous-marin : il l'offrit
au Directoire exécutif, mais, sans succès, ce qui
ne le rebuta pas ; il renouvela une seconde fois son offre, mais
il éprouva un nouveau refus. Il essuya également un
refus de la part de la république batave.
Bonaparte, devenu premier consul, nomma une commission pour faire
un rapport sur 1'invention de Fulton : cette commission était
composée de Volney, La Place et Monge. Fulton leur communiqua
le résultat de deux excursions sous-marines qu'il venait
de faire au Havre avec son bateau. Dans une de ces excursions, il
était resté sous l'eau trois heures sans renouvellement
d'air ; dans la seconde, cinq hommes y étaient demeurés
six heures et étaient sortis à cinq lieues du point
de départ. Sur le rapport favorable rendu par la commission,
Fulton reçut ordre du gouvernement de se rendre à
Brest pour y continuer ses expériences sur une plus grande
échelle. Ce fut dans ce port, qu'en présence de l'amiral
Villaret il alla, avec son bateau sous-marin, attacher un torpédo
contre le flanc d'un vieux navire que l'on avait disposé
à cet effet dans le milieu de la rade, et qui sauta bientôt
après par l'effet de cette machine infernale. Il consuma
plusieurs mois, attendant chaque jour l'occasion de tenter son expérience
contre un des nombreux vaisseaux anglais en croisière sur
les côtes, mais aucun d'eux ne s'approcha suffisamment de
terre. Bonaparte, fatigué de ces lenteurs, retira bientôt
sa protection à Fulton, regardant son invention comme étant
d'un emploi impossible. Alors celui-ci s'attacha à son ancien
projet d'appliquer à la navigation la vapeur, dont on connaissait
parfaitement, depuis Papin (voy.)*, les propriétés.
En 1803, il fit construire un
bateau à vapeur, et son expérience eut lieu avec succès
sur la Seine. L'Angleterre s'émut au bruit de cette découverte;
lord Stanhope en entretint la chambre des Lords, et lord Sidmouth,
alors ministre, invita Fulton à venir à Londres. N'étant
plus encouragé par la France, il la quitta en 1804; mais
son système de guerre sous-marine ne trouva pas plus de sympathie
en Angleterre, et la commission nommée par le ministère
anglais fut si longtemps à faire son rapport qu'elle lui
prouva par cette lenteur que le gouvernement attachait peu de prix
à ses découvertes.
Alors le dégoût s'empara de Fulton; il se décida
à abandonner l'Europe et retourna dans sa patrie. Lorsqu'il
arriva à New York, en 1806, tout faisait présager
une rupture prochaine entre les États-Unis et l'Angleterre
; l'attaque de la frégate américaine Chesapeake
en 1807, par le vaisseau anglais le Léopard, en
était un indice certain. Fulton perfectionna aussitôt
son système de torpedo, dont les expériences, faites
aux frais du gouvernement central dans le port de New York, réussirent
parfaitement ; il ajouta à son système de guerre un
appareil au moyen duquel il était parvenu à couper
le câble d'un bâtiment à l'ancre. En 1810, le
congrès vota une somme de 25.000 fr. pour continuer ses recherches.
Fulton donna en même temps suite à ses travaux sur
l’emploi de la vapeur comme moteur dans la marine. En 1807, il fit
lancer un navire de son invention pour naviguer sur l’Hudson ; sa
vitesse était de deux lieues à l'heure. Ce jour-là
fut le plus beau de sa vie. Les huées de la foule compacte
qui garnissait les quais pour voir le départ de ce bateau
à vapeur accompagnaient Fulton lorsqu'il monta sur le pont
; mais bientôt, à son ordre, la machine fut mise en
mouvement ; le bateau sortit du port de New York au milieu des cris
d'étonnement et d`admiration de ce peuple tout à l'heure
si insolent. Le 11 février 1809, un brevet d'invention lui
fut décerné pour cet objet. Consulté sur le
projet de canal à construire entre le Mississipi et le lac
Pontchartrain, il conseilla de joindre les lacs de l’ouest avec
l'Hudson par un canal. En 1810, il fut désigné par
la législature pour en tracer la direction, et cette gigantesque
entreprise, qui réunit les eaux des lacs Erié et Ontario
à celles de l'Océan a depuis reçu son exécution.
En 1813, Fulton acquit le privilège exclusif de sa découverte
des batteries sous-marines, tirant avec succès le canon sous
l'eau. En 1814, il proposa à
la législature de construire des frégates à
vapeur pour la défense de la rade de New York, et l'assemblée
affecta à cette construction 1.600.000 fr. Le 20 juin Fulton,
posa la quille de la première frégate ; au mois d'octobre
suivant elle était à flot. La machine fut mise à
bord dans le mois de mai 1816, et le 4 juillet la frégate
manoeuvra sur l'Océan. Ce bâtiment fut nommé
le Fulton ; il avait 145 pieds de long sur 55 de large;
il était formé de deux bateaux réunis séparés
par un espace de 66 pieds de long sur 15 de large : c'était
dans cet espace que se trouvait placée la roue ; la machine
était garantie par un bordage de 6 pieds d'épaisseur.
Sur le pont, un rempart mettait à couvert plusieurs centaines
d'hommes, qui pouvaient, sans nul danger, manoeuvrer librement.
Le navire avait deux beauprés et quatre gouvernails, ce qui
lui permettait d’avancer ou de reculer à volonté.
Trente embrasures laissaient la facilité à autant
de pièces de 32 de lancer des boulets rouges. L’avant et
l’arrière étaient garnis de deux énormes pièces
de 100 livres, pour battre les flancs du navire ennemi à
dix ou douze pieds au dessous de la ligne de flottaison. Des faux
mises en mouvement par la machine armaient les côtes de ce
vaisseau et le rendaient inabordable, et de grosses colonnes d’eau
bouillante et d’eau froide, vomies par une innombrable quantité
de bouches de fer, inondaient et brûlaient tout ce qui se
trouvait sur le pont, dans les hunes et dans les sabords du navire
attaquant.
Fulton ne fut pas à l'abri des chagrins et des contrariétés
de tous genres. Malgré le privilège exclusif de navigation
qu'il avait acquis, il vit un grand nombre de bateaux s’établir
sur les eaux qui lui avaient été concédées
; ce qui le força à soutenir beaucoup de procès.
En revenant de Trenton, où se plaidait une de ses causes,
il fut obligé de traverser l'Hudson alors gelé : pendant
ce trajet, il faillit perdre son ami et son défenseur Emmet.
Fulton fit des efforts inouïs pour arracher cet ami à
la mort ; étant resté pendant plusieurs heures exposé
aux rigueurs de la saison, il fut pris d'une fièvre inflammatoire
très grave, qu'il parvint cependant à dompter. Mais
en janvier 1815, à peine convalescent il voulut inspecter
les travaux de sa frégate ; la fièvre le reprit avec
redoublement, et Fulton succomba le 24 février suivant, âgé
de cinquante ans, sans avoir vu manoeuvrer sa frégate. Le
jour de sa mort fut celui d'un deuil public que la législature
de l'état se hâta de proclamer. Fulton avait épousé
en 1804 la nièce du chancelier Robert Livingston, ministre
des États-Unis en France, et il eut d'elle un fils et trois
filles. A. P-T.
On peut consulter
sur ce célèbre Mécanicien : Life of. Robert
Fulton par Cadwallader D. Colden, et la Notice sur la vie et les
travaux de R. Fulton, par M. de Montgéry, Paris 1825, in-8°.
|
|
|
|