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Dernière
modification le 12 février 2006.
Chevillet
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Ma
Vie Militaire
1800-1810
par
J. Chevillet
Trompette
au 8e régiment de chasseurs à cheval
Publiée
d'après le manuscrit original
par
Georges Chevillet, petit-fils de l'auteur
Avec
une préface par Henry Houssaye, de l'Académie française.
Paris,
Librairie Hachette
1906 |
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Le titre original du manuscrit
portait :
Dix ans de service
militaire à l'école de l'expérience ou Ma Vie militaire
Rédigée par Chevillet fils, après son retour de l'armée
A Pontoise année 1811
Le tout écrit de sa main gauche.
Chevillet, à
peine âgé de 14 ans, s’engage en 1800
en tant qu’élève trompette à l’école de cavalerie
de Versailles.
En 1801, il est affecté au 8e régiment de chasseurs à
cheval en garnison à Thionville. Fin 1803, le régiment est
dirigé vers la Hollande.
En 1805, il est dirigé vers l’Allemagne et prend part à
la campagne d’Allemagne, puis est dirigé vers l’Italie, où
il reste jusqu’en 1809, époque où il prend part à
la campagne d’Autriche.
Blessé à Wagram, Chevillet sera amputé du bras droit
et se retire à Pontoise, doté d’une pension de 500 francs,
où il obtient un emploi de garde-champêtre.
C’est alors que, aidé sans doute de notes qu’il avait prises au
jour le jour, il entreprend d’écrire, de la main gauche, les souvenirs
de sa vie militaire. Pour leur donner une forme plus vivante, il décide
de les rédiger sous forme de lettres, écrites soit à
son père, soit à un ami.
Lettre
du 5 juillet 1805.
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Du
camp de Zest, le 5 juillet 1804 (an XII). |
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Mon cher père, me voilà, à l'âge de 18
ans, dans une des plus agréables situations où je me
suis jamais vu; je ne crois pas qu'on puisse être plus heureux
dans le métier militaire; aussi je sais tirer bon parti de
mon état. |
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Depuis
le mois de mai dernier, toute l'armée de Hollande s'est réunie
aux ordres du général en chef Marmont (depuis duc de
Raguse) qui a établi et fait former un superbe camp de plaisance
qu'on appelle le camp de Zest.
Ce camp est assis dans une belle grande plaine de bruyères
entre Utrecht et Amersfort ; il se compose d'environ 40 mille hommes,
non compris les dépôts et les troupes qui sont restées
pour faire le service des places fortes, puisque l'armée française
en Batavie se monte à plus de 60.000 hommes. Le détachement
dont je fais partie a quitté Utrecht vers le 20 avril dernier
avec le général Boudet ; nous sommes venus cantonner
dans un village nommé Dorn, où nous sommes très
bien logés chez les plus riches paysans.
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Marmont
Camp
de Zeist
Boudet
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A
une portée de carabine de ce village, se trouve le château
de Moesberg, où loge notre général ainsi que
notre lieutenant. Ce dernier est un brave homme, un officier de mérite
qui n'est pas trop fier, auquel je puis vous assurer être bien
attaché parce qu'il m'aime bien, puisque je suis son favori
et son confident. Tous les matins, je vais le voir pour boire la goutte,
puis lui faire sa queue, vu qu'il n'y a pas de perruquier au détachement
et que c'est moi qui suis le coiffeur de mon lieutenant. Souvent aussi
il me fait déjeuner avec lui, après toutefois me l'avoir
fait gagner; c'est-à-dire que M. Faigard est un amateur, il
est musicien et bon tireur; il joue de la clarinette, et, comme j'ai
toujours pratiqué cet instrument, je me trouve dans le
cas de le seconder - nous répétons souvent ensemble
des duos et différents morceaux de musique de fantaisie. D'autres
fois, comme je commence aussi à tirer proprement des armes
et que mon lieutenant possède une paire de fleurets et de masques
et qu'il aime cet exercice autant que moi, nous poussons une botte
ensemble, et, comme il est surtout beaucoup plus fort que moi, je
me perfectionne avec lui ; je puis dire avoir un appui et un bienfaiteur.
Oh! mon cher père, que je suis heureux et content! Je garderai
toujours le souvenir de Moesberg.
Ayant déjà eu beaucoup d'occasions de parcourir le camp,
je profite du loisir que j'ai aujourd'hui, étant de service
à la tente de notre général, pour vous en donner
ici une petite description.
D'abord, ce camp ressemble à peu près à une grande
ville fortifiée. Chaque division, chaque régiment occupe
un terrain parallèle, formé carrément et divisé
par quartiers, lesquels se trouvent limités et entourés
de redoutes élevées en terre et gazons, si bien que
toute l'artillerie s'y trouve logée: dans l'enceinte de chaque
quartier, les divers régiments ont construit en bois de sapin
et gazon des rangées de baraques parallèles, ce qui
forme de longues rues, larges et bien alignées; derrière
ces rues principales, il y a une seconde ligne de rues formée
de tentes de toile bien disposées, également bien alignées;
dans les intervalles, de place en place. L'on y voit quantité
de baraques et tentes plus élégantes les unes que les
autres; ce sont celles des officiers, et puis des cafés, des
cantines où l'on se procure tout ce que l'on peut désirer.
Puis, à la droite de chaque régiment, se trouvent les
tentes plus élégantes des colonels ; et puis à
la droite de chaque division, l'on voit les tentes encore plus jolies
des généraux et de leurs états-majors; ces dernières
ressemblent à des lieux enchantés, elles réunissent
tout ce que l'art et le bon goût peuvent avoir de plus agréable
; en général tout se distingue par grades, par la richesse
des ornements, la beauté, la variété des couleurs,
les tapis de verdure et de fleurs, les ombrages, les guirlandes de
feuillage, etc.; enfin, derrière les tentes et les baraques
sont établies les cuisines à des distances convenables
- et les magasins de vivres se trouvent disposés pour chaque
division hors l'enceinte du camp. Il n'y a que trois régiments
de cavalerie, le 6e hussards, le 8e chasseurs et le régiment
de hussards hollandais, le tout se trouve cantonné à
Amersfort à deux lieues du camp et dans les environs.
La saison est charmante, et je prends une part active aux agréments
de cette campagne ; tous les dimanches l'armée sort du camp
et va se ranger dans la plaine, où le général
en chef la passe en revue, et ensuite il fait exécuter des
grandes manoeuvres, des exercices à feu, ou la petite guerre,
et, à la fin de chaque revue, toute l'armée, infanterie,
cavalerie, artillerie, défile devant les généraux,
au son d'une bruyante musique. Je suis tous ces mouvements avec plaisir,
toujours accompagnant notre général; je n'avais jamais
vu tarit de troupes réunies ; c'est un bonheur pour moi de
considérer une armée en mouvement ; voilà ce
qui offre un des plus beaux coups d'œil que l'on puisse voir.
A propos de coup d'œil, j'en ai vu un dernièrement qui m'a
paru curieux et bien risible. Voici comment: pendant que l'on faisait
la petite guerre, des canonniers ont mis le feu en plusieurs endroits
aux bruyères qui sont très épaisses et très
étendues dans la plaine où l'on manoeuvrait ; alors
l'incendie se communiqua en peu de temps dans l'étendue d'environ
une lieue carrée, si bien que les troupes se trouvèrent
comme enveloppées, et sur le point d'être atteintes par
les flammes, ce qui mit une espèce de confusion dans les rangs
et empêcha d'entendre et de suivre le commandement. Puis l'épaisseur
de la fumée, qui enveloppait les colonnes, empêchait
de voir leurs mouvements, si bien que la plupart des régiments
se désunirent et se retirèrent chacun pour leur compte
les uns d'un côté, les autres de l'autre; l'armée
se trouva bientôt pêle-mêle, afin de se tirer au
plus vite de la plaine enflammée ; c'était un charivari
et une déroute complète dans toute l'armée ;
ce qui fit rire tous les généraux et leurs états-majors,
ainsi que tous ceux qui se plaisent à voir un beau désordre.
Ce qui était plus farce encore, c'était d'entendre les
cris d'une foule d'habitants des environs, surtout des dames hollandaises
qui était venues au camp par curiosité pour
voir les manoeuvres et qui se trouvaient perdues et confondues dans
la foule des soldats. Enfin il n'arriva aucun accident fâcheux
; les régiments se rallièrent sur un autre terrain.
Ainsi finit cette journée; chacun rentra dans son logement.
Pour conserver la mémoire de ce camp, le général
en chef y fait élever par l'armée une belle pyramide
; je vous en dirai quelque chose plus tard quand elle sera finie. |
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