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Henri
Bernard, En lisant "Aventure, Bonaparte en Italie",
par Guglielmo Ferrero,
critique historique et histoire militaire.
Revue belge de philologie et d’histoire. 1961, tome XXXIX, n°
2. (suite)
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Austerlitz.
On nous enseignait autrefois, de la façon suivante, le plan
initial de Napoléon pour la journée d'Austerlitz :
l'empereur, s'étant rendu compte, avant la bataille, du vide
qui séparait le Corps russe Bagration, de la masse principale
austro-russe, avait conçu, à priori, l'idée
de plonger avec la majorité de ses forces dans ce vide, de
réaliser ainsi la rupture au centre et de rejeter la masse
principale ennemie dans la Littawa et ses marais légèrement
gelés (carte 5).
La réalité est toute autre. C'est ce que nous a montré,
de façon irréfutable, après une étude
détaillée de tous les ordres donnés au cours
de la
campagne, M. Michel de Lombarès (1). Napoléon avait
conçu, non pas la rupture au centre mais le débordement
par le nord de toute l'armée austro-russe. Il ne savait pas
que Bagration était en force sur la route de Brünn.
La tentative d'enroulement de l'aile droite ennemie, commence le
2 décembre 1805 à l'aube. Mais le Corps français
de gauche, commandé par Lannes, se heurte à l'action
intelligente et tenace du prince Bagration. Celui-ci fait échec
à la manœuvre de l'empereur. Par contre, au centre, les progrès
de l'armée française sont satisfaisants. En conséquence,
Napoléon modifie son plan vers midi. C'est alors qu'il conçoit
la rupture au centre. Celle-ci sera favorisée par le vide
que l'ennemi a imprudemment consenti en cet endroit. La manœuvre
réussira brillamment. Toutefois la légende des...
20.000 Russes engloutis dans les lacs, trouve son origine dans le
Bulletin de la Grande Armée. Le nombre de noyés fut
infime. Quant à Bagration, il se replia en bon ordre.
Austerlitz fut une bataille remarquablement conçue, modifiée
à propos, et bien exécutée. La réalité
ne minimise en rien les talents de l'empereur. On peut même
dire qu'elle montre mieux que l'ancienne version, la rapidité
de ses réflexes. Mais la légende de Napoléon
exigeait qu'il ne se soit jamais trompé, qu'il ait un instinct
de divination, qu'il ait donc vu clair a priori et connu la présence
de Bagration. Aussi, conclut M. de Lombarès, «faite
pour la propagande impériale, la relation officielle de la
bataille ne pouvait être qu'un récit légendaire...
Le texte de la proclamation d'avant Austerlitz a été
truqué ; la fameuse phrase prophétique si souvent
citée, cette phrase qui est gravée sur le monument
de la butte du bivouac, a été écrite après
la bataille ».
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(1) Revue Historique de l'Armée, 1947, n° 3, Paris.
Suite : Iéna-Auerstädt
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