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8 mars 1815     Jeudi 9 mars 1815    10 mars 1815

Début de la série : 
       

 

On lit dans le Journal des Débats de ce jeudi 9 mars 1815 :

 
  Paris, 8 mars 1815.
Tous les journaux du temps ont rapporté les adieux de Buonaparte à ses soldats, au moment de son départ de Fontainebleau ; nous allons citer ses propres paroles :
« Avec vous et les braves qui me sont restés fidèles, j’aurais pu entretenir la guerre civile pendant trois ans ; mais la France eût été malheureuse, ce qui était contraire au but que je m'étais proposé. »
C'est le 20 avril 1814 que Buonaparte adressait ces paroles aux soldats restés fidèles à sa cause. Il était alors entouré d'un grand nombre de généraux et de quarante mille hommes, l'élite de l'armée la plus brave et la plus aguerrie qui fut jamais. C'est sous ces apparences de patriotisme, d'humanité, de désintéressement, qu'il essayait d'en imposer encore à l'opinion, de dissimuler les sentiments honteux qui lui faisaient préférer l'ignominie de l'exil au danger d'une mort glorieuse.
Une année ne s'est pas encore écoulée ; et cet homme, qui prétendait vouloir épargner à la France les horreurs d'une guerre civile vient rallumer parmi nous le flambeau de la guerre ! Et ce qu'il n'a pas osé faire avec 40.000 Français, il essaie aujourd'hui avec mille bandits, en grande partie Polonais, Napolitains, Piémontais ! Comment expliquer sa lâcheté en 1814, sa témérité en 1815 ? Que veut-il ? Qu'espère-t-il ? Il faut le dire : une centaine de misérables auxquels le nouvel ordre de choses a enlevé l'affreux privilège de piller, de voler, de se gorger des dépouilles de la France et de l'Europe, ne peuvent s'accoutumer à n'être plus arbitres de nos destinées. Rentrés dans l'obscurité de la vie privée, ils crient à l'oppression, parce qu'ils ne peuvent plus être oppresseurs. Ces hommes n'ont jamais cessé d'entretenir des correspondances criminelles avec l'exilé de l'île d'Elbe. Ils n'ont cessé de l'entretenir des plus folles espérances ; ils lui ont répété tous les jours qu'il était l'objet de tous les regrets, qu'il n’avait qu'à se montrer, que soldats et citoyens voleraient se ranger autour de sa personne. Un tyran chassé d'un trône qu'il regrette n'est pas difficile à persuader ; et voilà le poltron de1814 qui se précipite en 1815 dans l'entreprise la plus absurde, mais aussi la plus téméraire qui jamais ait été conçue ! Il débarque et les portes des villes qui devaient s'ouvrir devant lui restent toutes fermées ! Les soldats qui devaient le saluer encore une fois Empereur, ne répondent aux clameurs de la révolte que par le cri de vive le Roi ! Les paysans courent aux armes, et assomment de toutes parts les brigands qui viennent désoler leurs paisibles campagnes. Le grand homme qui n'est fort que lorsqu'il est poussé par le vent de la prospérité, tout étonné d'une semblable réception se trouble, et se repent sans doute ; mais que va-t-il faire ?
Il essaiera de faire ce qu'il a fait en Egypte, ce qu'il a fait en Russie, ce qu'il a fait en Saxe : il abandonnera les huit cents malheureux qu'il a attirés dans les champs du carnage ; et, pour me servir d'une expression consacrée dans ses anciens Bulletins, il se sauvera de sa personne, sans songer au sort de ses compagnons d'armes. Puisse la Providence, lassée de ses crimes, tromper cette fois les vils calculs de sa lâcheté, et l'abandonner à la vengeance des lois, qu'il a si souvent violées et foulées aux pieds !
Qui pourrait douter un moment du résultat d'une entreprise aussi criminelle? Qui pourrait croire que la France ira se jeter dans tous les malheurs de la guerre civile et de la guerre étrangère ? car on n'en peut douter, le triomphe de Buonaparte aurait pour premier résultat de ramener en France tous les soldats de l'Europe. Et pourquoi ? Est-ce que le peuple français gémit sous un gouvernement oppresseur ? Est-ce que notre monarque est un despote ombrageux, violent et cruel ? Est-ce que le pouvoir arbitraire a remplacé le règne des lois ? Est-ce que d'innombrables prisons regorgent d'innombrables victimes ? Est-ce que le sang coule par torrent sur les échafauds? Est-ce que nos braves soldats, transformés en bourreaux, sont condamnés à diriger leurs armes contre des malheureux désarmés ? Est-ce que l'honneur de la France a été compromis par Louis XVIII ? Est-ce lui qui a attiré tous les soldats de l'Europe sur le territoire de la France, au sein même de la capitale ? Est ce que le fléau de la conscription désole
encore nos villes et nos campagnes? S'il y a encore des malheureux en France, quel est l'auteur de leurs misères ? est-ce Louis XVIII ou Buonaparte ? Les fauteurs de l'usurpateur ne pouvant accuser le présent, ont l'impudence de calomnier l'avenir ; et par exemple, une de leurs calomnies les plus familières est de semer des inquiétudes parmi les acquéreurs des domaines nationaux ; ils leur prédisent sans cesse que tôt ou tard le Roi, infidèle à ses propres lois, reprendra ce qu'ils ont acquis; et il faut en convenir, ces perfides insinuations ont jeté du trouble dans quelques esprits. On pourrait se contenter d'opposer à ces pervers la sainteté de la parole royale qui n'a jamais trompé personne, mais les faits ne parlent-ils donc pas un langage assez clair, assez intelligible ? Comment, au moment où j'écris, Louis XVIII fait vendre dans un grand nombre de départements les biens nationaux non encore vendus et Louis XVIII annulerait des ventes faites ou consenties par Louis XVI ! Il faut que la perversité compte d'une manière bien étrange sur la crédulité, disons mieux, sur la stupidité, pour oser mettre en avant des craintes aussi puériles, des calomnies aussi absurdes! Mais tout a un terme ; la droiture et la raison finissent toujours par triompher chez un peuple qui n'est pas égaré par la fausse lueur des passions ; or, tel est maintenant l'état de la France. Le règne des passions est passé ; l'amour de l'ordre et du repos est le seul sentiment qui domine aujourd'hui parmi nous. La révolution est terminée.
Elle a été terminée le jour où la lutte des opinions a cessé, et cette lutte a cessé le jour où la volonté royale s'est rencontrée dans un point commun avec la volonté de la nation.
Le Roi veut le maintien de la Charte, la nation veut le maintien de la Charte au milieu d'un pareil concert de volonté et d'amour, il n'y a point de place pour un usurpateur, point de place pour la guerre civile.
 
 
  Post-Scriptum.
Les dernières nouvelles de Buonaparte sont d'hier 7, de Lyon. A cette date, Buonaparte était toujours aux environs de Digne, dont on lui avait refusé les portes. Personne ne s'était réuni à lui. Par la marche des différents corps partis de divers points pour l'attaquer, il devait dans le moment être entièrement cerné. On a sonné le tocsin dans tous les villages, et les paysans se sont armés pour courir sus.
Une circonstance remarquable, et qui prouve que Buonaparte avait compté sur la défection, c'est qu'un bâtiment chargé d'armes et d'autres effets à son adresse est entré le 2 dans le port d'Antibes, où il a été pris. Ce fait prouve à quel point l'ont aveuglé et se sont aveuglés eux-mêmes quelques intrigants qui ont pu croire que leurs fureurs étaient partagées par toute la France, et que les modèles de l'honneur, les officiers français seraient capables de trahir leur devoir et leurs serments.
 
 

  On lit dans le Journal de Paris de ce jeudi 9 mars 1815 :      
  Paris, 9 mars 1815.
- Nous avons retardé jusqu'à ce jour à donner des nouvelles du débarquement de Buonaparte sur les côtes de la Provence, parce que les dépêches télégraphiques qui l'ont d'abord fait connaître ne donnaient encore aucuns détails.
Buonaparte est sorti de Porto-Ferrajo le 26 février, à neuf heures du soir, par un temps extrêmement calme, et qui s'est soutenu jusqu'au 1er mars. Il montait un brick, et était suivi de quatre autres bâtiments, tels que pinques et felouques, portant de 1000 à 1100 hommes au plus, composés d'une petite partie de Français, le reste de Polonais, Corses, Napolitains, et d'hommes de l'île dElbe.
Les bâtiments sont venus mouiller dans la rade du golfe de Juan, près de Cannes, le 1er mars; les troupes mirent pied à terre. Cinquante hommes se portèrent le même jour à Cannes, ou ils pressèrent le maire d'aller prendre les ordres de celui qu ils nommaient le général en chef, au golfe Juan. Mais le maire s'y refusa absolument; il reçut de suite l'ordre de préparer trois mille rations pour le soir même.
Le même jour, 15 hommes de l'expédition s'étaient présentés devant Antibes, demandant à y entrer comme déserteurs de l'île d'Elbe. Le général baron Corsin , militaire distingué et couvert d'honorables blessures, qui commande cette place, les reçut en les faisant désarmer. Peu de temps après, un officier vint sommer la place, au nom de Bonaparte; il fut arrêté et mis en prison. Enfin un troisième émissaire se présenta au commandant pour réclamer les quinze hommes retenus, et l'inviter, au nom du général Drouot, à se rendre au golfe Juan avec les autorités civiles; cet émissaire, pour toute réponse, a été arrêté.
Le lendemain , les hommes débarqués se mirent en route pour Grasse; mais ils évitèrent de passer par la ville, et ils suivirent la route de Digne où l'on assure que leur troupe a bivouaqué le 4.
Le 2, le général Morangier, qui commande dans le département du Var, avait réuni à Fréjus la garnison de Draguignan, et les gardes nationales des communes environnantes. Toutes les routes qui auraient pu permettre aux hommes débarqués des communications avec la mer, ou la possibilité de retourner sur leurs pas, sont bien gardées, et entièrement interceptées.
Une dépêche du maréchal prince d'Essling annonce qu'il a dirigé sur Aix un corps sous les ordres du général Miollis, pour couper la route que l'expédition a suivie.
Le général Marchand à réunit à Grenoble des forces imposantes avec lesquelles il pourra agir suivant les circonstances.
Les premières nouvelles des ces événements sont arrivés à Paris dans la journée du 5, et Monsieur est parti la nuit suivante pour Lyon où S.A.R. doit arriver ce soir.
( Moniteur du 8 mars).
 
 

 
  Le duc de Valentinois , qui allait prendre possession de la principauté de Monaco, a été arrêté par un détachement de la petite bande de Bonaparte. Ce chef de brigands, après avoir eu avec le duc une conversation, dans laquelle il lui a demandé des nouvelles de Paris, lui a laissé continuer sa route. Sa troupe paraissait se diriger vers Briançon, et tout porte à croire qu'elle cherchait à gagner le col de Fenestre. On assure que les felouques qui l'ont transportée de l'île d'Elbe en France étaient génoises.
 
 

 

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