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janvier 1815 : l'affaire Exelmans

 

     
En décembre 1814, Louis XVIII nomma le maréchal Soult ministre de la guerre en remplacement du général Dupont. Soult affichait alors un royalisme outré, et pour l'affirmer davantage, il s'en prit aux officiers en demi-solde, nombreux à Paris, en leur enjoignant de quitter la capitale pour aller séjourner au lieu de leur naissance ; cette mesure révolta l'opinion, puisqu'un grand nombre de ces officiers n'avaient plus d'attaches dans leur province d'origine. Pour faire un exemple, Soult s'en prit au général Exelmans, sur base d'une lettre interceptée.
Exelmans résista ; menacé d'arrestation, il s'enfuit et devint un héros aux yeux des officiers de l'ancienne armée et de tous les opposants au régime de la Restauration. Le conseil de guerre de la 16e division militaire ayant été saisi de l'affaire, Exelmans se rendit à Lille où l'affaire devait être jugée, et il y fut acquitté. L'arrêt du conseil de guerre, présidé par le général d'Erlon, retentit comme une victoire pour l'opposition et fut un grave contrecoup pour les Bourbons.
L'affaire du général Exelmans était révélatrice du mécontentement grandissant en France, ce qu'observait, au moyen de ses informateurs, Napoléon relégué à l'île d'Elbe.  
L'affaire est expliquée dans ce passage de la "Biographie des hommes du jour", extrait de l'article consacré, dans cet ouvrage, au général Exelman s:
 

 

 

 

 

Sarrut G. et Saint-Edme B., Biographie des hommes du jour, tome 1, Paris 1835.

   
 

En novembre 1814, le docteur Andral (1) quittant Paris pour se rendre auprès du roi de Naples dont il était le médecin, le général Excelmans le chargea d'une lettre pour ce prince. Divers soupçons ayant porté la police française à s'emparer des papiers du voyageur, on y trouva des lettres particulières dont on viola le secret : celle du général Excelmans était du nombre. Après avoir témoigné à Murat sa reconnaissance des bontés qu'il avait eues pour lui, et félicité S. M. de ce que presque tous les rois de l'Europe avaient reconnu son titre, le général ajoutait : « Qu'à la vérité il en était bien qui ne l'avaient pas encore reconnu, mais qu'il croyait que ceux-là n'étaient nullement à craindre pour elle. » Puis, le général félicitait Murat de la tournure qu'avaient prise ses affaires, et terminait par ces mots : « Quant à moi, je serais heureux de pouvoir vous prouver que je conserve à jamais la plus vive reconnaissance des bienfaits que j'ai reçus de V. M. »
Le roi Louis XVIII, sous les yeux duquel cette lettre fut mise, chargea le général Dupont, ministre de la guerre, d'inviter le général Excelmans à être plus circonspect à l'avenir ; mais, quelques semaines après, le maréchal Soult ayant remplacé le général Dupont au ministère de la guerre, Excelmans reçut, le 10 décembre, la lettre suivante :
« Monsieur le comte,
«J'ai l'honneur de vous informer que le roi vous a admis au traitement de demi-activité de votre grade. L'intention de S. M. est que vous en jouissiez à Bar-sur-Ornain, département de la Meuse, lieu de votre domicile, et que vous vous rendiez immédiatement dans cette ville.
Je vous invite à m'informer de votre départ, afin que j'en puisse rendre compte à S. M.
« Le maréchal duc De Dalmatie. »
A cet ordre, le général répondit : 1° Que madame Excelmans étant dans son lit prête à accoucher, il craignait que son départ précipité pour un motif aussi fâcheux ne lui portât un coup mortel; 2° que ne possédant rien nulle part, son domicile était à Paris où il s'était marié en 1808.
M. Soult ne tint aucun compte de ces raisons et des explications que le général offrait, il exigea le départ. Le général Excelmans fort de ce qu'il considérait comme son droit, refusa d'obéir et en donna avis au ministre. Le ministre répliqua par l'injonction de partir sous vingt-quatre heures, prévenant le général qu'à son arrivée à Brest, il recevrait de nouveaux ordres. Vingt-quatre heures après avoir reçu cette lettre, M. Excelmans, fidèle à sa déclaration, était encore dans son hôtel ; le ministre écrit au gouverneur de Paris, et lui ordonna de faire arrêter le général Excelmans,et de le conduire à Soissons pour y rester sous la surveillance de la gendarmerie, jusqu'à ce qu'il soit donné des ordres pour sa mise en jugement.
D'après le refus du général d'obéir à un ordre aussi arbitraire, le gouverneur de Paris dut l'y contraindre par la force ; un piquet d'infanterie et de cavalerie se présenta, à trois heures après minuit, au domicile du général ; l'autorité menaça d'enfoncer les portes, mais se retira sur l'observation du général qu'on ferait feu sur les premières personnes qui entreraient. M. Excelmans fit respecter son domicile. Enfin, le 20 décembre au matin, le général Grundler se présenta accompagné d'un piquet de gendarmerie; on s'empara de la personne du général, il fut mis au secret, i-sans qu'aucun ordre écrit lui fut notifié. Le général dut craindre d'être enlevé dans la nuit ; il trompa la vigilance de ses gardiens et s'évada. A peine les gendarmes se furent-ils aperçus de son évasion, qu'ils se livrèrent, dans la maison, aux plus minutieuses comme aux plus inutiles perquisitions ; elles furent renouvelées, deux heures plus tard, par l'adjudant-général Laborde, qui ne justifia auprès de madame Excelmans d'aucun ordre écrit ; l'adjudant-général Laborde s'oublia jusqu'à décacheter des lettres adressées au frère de madame Excelmans, et dans son zèle, il crut devoir interdire l'entrée de la maison au médecin de la malade. L'hôtel, la cour et le jardin restèrent pendant deux jours entourés de troupes ; enfin, l'on plaça un planton dans l'antichambre de l'appartement particulier de madame Excelmans... Le général était donc bien coupable, pour que son ancien frère d'armes, M. Soult, se portât à de tels excès à son égard ? Un conseil de guerre est appelé à décider ; le général Excelmans demande à la chambre des pairs et à celle des députés des juges compétents, s'engageant à se constituer prisonnier aussitôt qu'il sera légalement cité ; et en effet, le 14 janvier 1815, il se rend volontairement à Lille, où le conseil de guerre devait s'assembler. Le 23, le conseil de guerre acquitta le général à l'unanimité.
Au retour de Napoléon de l’île d'Elbe, il fut nommé d'abord commandant en chef du second corps de cavalerie, et appelé le 2 juin à la chambre des pairs ; mais son véritable poste était en face de l'ennemi. Il se rendit à l'armée du Nord, où il donna de nouvelles preuves de bravoure et d'habileté. Après la désastreuse journée de Waterloo, il ramena sa division sous les murs de la capitale, et continua à résister un des derniers aux armées coalisées ; il eut encore, vers la fin de juin, une affaire des plus brillantes à Versailles, où il battit et détruisit presque entièrement une division de la cavalerie prussienne : ce fut le dernier exploit de nos braves. Peu de temps après, Louis XVIII était de nouveau à Paris. (...)

(1) Quelques personnes prétendent que la lettre dont nous parlons fut saisie dans les papiers d'un voyageur anglais, le comte Oxford, qui se rendait à Naples.

     

 

 

Voir : Janvier 1815

     

 

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