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20
juillet 1804 : Désastre à Boulogne |
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Le
22 juillet 1804, le maréchal Soult écrit au maréchal
Berthier la lettre suivante :
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Soult,
maréchal de l’Empire, colonel général de la
Garde de Sa Majesté l’Empereur, commandant en chef le camp
de Saint-Omer, à M. le maréchal Berthier, ministre
de la guerre.
Au
quartier général, à Boulogne, le 3 thermidor
an XII (22 juillet 1804)
J’ai l’honneur
de vous rendre compte, Monsieur le maréchal et Ministre,
d’un événement extrêmement malheureux qui a
occasionné la perte de quelques militaires et a donné
lieu aux avaries que des bâtiments de la flottille ont éprouvées.
Le 1er de ce mois, dans l’après-midi, les vents étant
passés avec violence au nord-est, les bâtiments de
la flottille qui étaient en rade, ont reçu l’ordre
de rentrer. Une grande partie a exécuté ce mouvement
; mais ceux qui étaient sous le vent, ayant eu leurs câbles
cassés, ont dû appareiller et se diriger sur Etaples,
où 42 sont arrivés ; 4 canonnières, 2 péniches,
2 caïques ayant été entraînés par
les courants, ont échoué sur la côte ; l’équipage
et les garnisons des quatre premiers bâtiments sont sauvés,
mais, malheureusement, partie de ceux des quatre derniers a péri
et nous croyons que ce désastre nous a occasionné
la perte d’une cinquantaine d’hommes. Les rapports qui me seront
faits à ce sujet me mettront à même de vous
rendre un compte plus exact et de vous faire connaître une
infinité de braves qui se sont dévoués pour
porter du secours à leurs camardes naufragés.
Sa Majesté Impériale elle-même a passé
la nuit sur la côte et dans les flots pour faire donner des
secours aux malheureux dont les bâtiments étaient en
détresse et sa présence auguste a été
la plus douce consolation qu’ils pussent recevoir.
J’ai l’honneur de vous saluer.
Soult. |
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On
trouve dans les Mémoires de Constant la version
suivante de cet événement :
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Un matin, en
montant à cheval, Napoléon annonça qu'il passerait
en revue l'armée navale, et donna l'ordre de faire quitter
aux bâtiments qui formaient la ligne d'embossage leur position,
ayant l'intention, disait-il, de passer la revue en pleine mer. Il
partit avec Roustan pour sa promenade habituelle, et témoigna
le désir que tout fût prêt pour son retour, dont
il désigna l'heure. Tout le monde savait que le désir
de Napoléon était sa volonté ; on alla, pendant
son absence, le transmettre à l'amiral Bruix, qui répondit
avec un imperturbable sang-froid qu'il était bien fâché,
mais que la revue n'aurait pas lieu ce jour-là. En conséquence,
aucun bâtiment ne bougea.
De retour de sa promenade, l’Empereur demanda si tout était
prêt ; on lui dit ce que l'amiral avait répondu. Il se
fit répéter deux fois cette réponse, au ton de
laquelle il n'était point habitué, et frappant du pied
avec violence, il envoya chercher l'amiral, qui sur-le-champ se rendit
près de lui.
L’Empereur, au gré duquel l'amiral ne venait point assez vite,
le rencontra à moitié chemin de sa baraque. L'état-major
suivait Sa Majesté et se rangea silencieusement autour d'elle.
Ses yeux lançaient des éclairs. Monsieur l'amiral, dit
Napoléon d'une voix altérée, pourquoi n'avez-vous
point fait exécuter mes ordres?
Sire, répondit avec une fermeté respectueuse l'amiral
Bruix, une horrible tempête se prépare... Votre Majesté
peut le voir comme moi. Veut-elle donc exposer inutilement la vie
de tant de
braves gens ?
En effet, la pesanteur de l'atmosphère et le grondement sourd
qui se faisait entendre au loin ne justifiaient que trop les craintes
de l'amiral.
- Monsieur, répond Napoléon de plus en plus irrité,
j'ai donné des ordres. Encore une fois, pourquoi ne les avez-vous
point exécutés? Les conséquences me regardent
seul. Obéissez!
- Sire, Je n obéirai pas.
- Monsieur, vous êtes un insolent!
Et Napoléon, qui tenait encore sa cravache à la main,
s'avança sur l'amiral en faisant un geste menaçant.
L'amiral Bruix recula d'un pas, et mettant la main sur la garde de
son épée :
- Sire! dit-i! en pâlissant; prenez garde!
Tous les assistants étaient glacés d'effroi. Napoléon,
quelque temps immobile, la main levée, attachait ses yeux sur
l'amiral, qui de son côté, conservait sa terrible attitude.
Enfin, Napoléon jeta sa cravache à terre. Bruix lâcha
le pommeau de son épée, et, la tête découverte,
il attendit en silence le résultat de cette horrible scène.
- Monsieur le contre-amiral Magon, dit Napoléon, vous ferez
exécuter à l'instant le mouvement que j'ai ordonné.
Quant à vous, monsieur, continua-t-il en ramenant ses regards
sur l'amiral Bruix, vous quitterez Boulogne dans les vingt-quatre
heures, et vous vous retirerez en Hollande. Allez.
Napoléon s'éloigna aussitôt. Quelques officiers,
mais en bien petit nombre, serrèrent en partant la main que
leur tendait l'amiral.
Cependant le contre-amiral Magon faisait faire à la flotte
le mouvement fatal exigé par Napoléon.
A peine les premières dispositions furent-elles prises, que
la mer devint effrayante à voir. Le ciel, chargé de
nuages noirs, était sillonné d'éclairs, le tonnerre
grondait à chaque instant, et le vent rompait toutes les lignes.
Enfin, ce qu'avait prévu l'amiral arriva et la tempête
la plus affreuse dispersa les bâtiments de manière à
faire désespérer de leur salut.
Napoléon, soucieux, la tête baissée, les bras
croisés, se promenait sur la plage, quand tout à coup
des cris terribles se firent entendre. Plus de vingt chaloupes canonnières
chargées de soldats et de matelots venaient d'être jetées
à la côte, et les malheureux qui les montaient, luttant
contre les vagues furieuses, réclamaient des secours que personne
n'osait leur porter. Profondément touché de ce spectacle,
le cœur déchiré par les lamentations d’une foule immense
que la tempête avait rassemblée sur les falaises et sur
la plage, l’Empereur, qui voyait ses généraux et officiers
frissonner d'horreur autour de lui, voulut donner l’exemple du dévouement,
et malgré tous les efforts que l’on pût faire pour le
retenir, il se jeta dans une barque de sauvetage en disant : «
« Laissez-moi ! laissez-moi ! il faut qu’on les tire de là.
» En un instant sa barque fut remplie d’eau. Les vagues passaient
et repassaient par-dessus, et l’Empereur était inondé.
Une lame encore plus forte que els autres faillit jeter S. M. par-dessus
le bord et son chapeau fut emporté dans le choc. Electrisés
par tant de courage, officiers, soldats, marins et bourgeois se mirent,
les uns à la nage, d’autres dans des chaloupes, pour essayer
de porter secours. Mais, hélas ! on ne put sauver qu’un très
petit nombre des infortunés qui composaient l’équipage
des canonnières, et le lendemain la mer rejeta sur le rivage
plus de deux cents cadavres, avec le chapeau du vainqueur de Marengo.
Ce triste lendemain fut un jour de désolation pour Boulogne
et pour le camp. Il n’était personne qui ne courût au
rivage cherchant avec anxiété parmi les corps que les
vagues amoncelaient. L’Empereur gémissait de tant de malheurs,
qu’intérieurement il ne pouvait sans doute manquer d’attribuer
à son obstination. Des agents chargés d’or parcoururent
par son ordre la ville et le camp, et arrêtèrent des
murmures tout près d’éclater.
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La relation
des Mémoires de Constant est-elle fiable ?
Les Mémoires de Philippe de Ségur
confirment l'épisode. |
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(A
suivre.) |
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