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   Annuaire 1789-1815   >    Faits et événements  > 1788

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1788 : Décembre

     
         
  Jeudi 25 décembre 1788.
Versailles. - La Cour a pris pour une durée de 28 jours le deuil de Charles III, roi d'Espagne et des Indes, né le 20 janvier 1716 et mort à Madrid le 13 décembre, dans sa 73e année. Le deuil de 15 jours que la Cour devait prendre à l'occasion du décès de l'Infant d'Espagne Don Gabriel, mort de la petite vérole, sera confondu dans celui du Roi son père.
En ce jour de Noël, Leurs Majestés et la Famille Royale ont entendu la Grand’messe chantée par la Musique du Roi, dans la chapelle du Château, pendant laquelle la Marquise de Molac a fait la quête. L'après-midi, le sermon prononcé par l'Abbé d'Amalric, Vicaire général de Tulle, et les Vêpres et le Salut chantés par la musique du Roi.
 

Charles III roi d'Espagne

 

 

 
 

Paris. - Le Prince de Condé envoie 12.000 livres à M. Moussier, maire de Dijon, pour secourir les pauvres de la ville. "Tout ce qui me revient de la souffrance des peuples de mon gouvernement me fait la plus vive peine, écrit-il, je voudrais bien qu'il me fût possible de les secourir tous ; mais puisque son étendue ne me le permet pas, je me vois forcé à me restreindre à la ville de Dijon."

 

Prince de Condé

 

 
         
 

Vendredi 26 décembre 1788.
Paris. La Seine est entièrement prise par les glaces. Beaucoup de personnes la traversent à pied du jardin du Roi à l'Arsenal. On assure même qu'il y passe des voitures toutes chargées.
Au Palais des Tuileries, cérémonie solennelle de la remise des Grands Prix, honorée de la présence des Princes de la Maison d'Orléans. La maîtrise d'orfèvre a été remise au sieur Montalent, celle d'imprimeur en taille-douce au sieur Caron, celle de bourrelier au sieur Gerbod, et celle de serrurier au sieur Laporte. Six grands prix, quatre prix de persévérance, 12 accessits et 96 premiers prix de quartiers ont été délivrés au cours de la même séance.

 

Paris

 

 

 
       
  Samedi 27 décembre 1788.
Versailles. - Le Conseil d'Etat du Roi tient séance pour régler l'importante question de la représentation du Tiers aux Etats-Généraux. Le bruit court à Paris qu'il a été décidé dans le Conseil que chaque ordre continuerait à avoir un nombre égal de députés, et que de ce fait les deux Ordres privilégiés, Clergé et Noblesse garderaient leur prépondérance, contre le vœu unanime du Tiers-Etat, c’est-à-dire de la presque totalité de la Nation. On dit aussi que les Etats-Généraux se tiendront à Versailles dans la salle des Menus-Plaisirs, et que l'ouverture s'en ferait le lundi 20 avril 1789.
 

Conseil d'Etat du Roi

Etats-Généraux

 
 

Paris. - Le Journal de Paris publie une lettre du curé de la paroisse Ste Marguerite qui rappelle qu'à côté des innombrables pauvres qu'on rencontre dans les rues et qui demandent du pain, il y a d'autres malheureux à secourir: il s'agit de "bons artisans, qui, pour la première fois dans leurs vies, se trouvent, faute d'ouvrage, réduits à la dernière extrémité, souffrent patiemment dans des greniers ce que la faim & le froid ont de plus rigoureux, plutôt que de se faire connaître ou de descendre dans la classe des mendiants, & se faire repousser durement aux portes des administrateurs des charités publiques par des valets insolents." D'après cet ecclésiastique plusieurs de ces indigents meurent presque tous les jours de froid ou de faim.
Dans le Haut-Vivarais, au pied de la montagne de Rezin, les chemins sont obstrués de neige. Plusieurs personnes y périssent.

 

 

 

Journal de Paris

L'hiver 1788-1789

 

 
  Dijon. - La Noblesse de Bourgogne déclare qu'elle désire supporter tous les impôts avec le Tiers-Etat, et affirme qu'elle consentira à la suppression de ses exemptions pécuniaires à la première assemblée des Etats de la Province. Mais les Nobles entendent toujours délibérer par Ordre aux Etats-Généraux, alors que le Tiers réclame le vote par tête. Malgré cette divergence, la Noblesse propose une assemblée des 3 ordres le 31 décembre afin de régler les points de divergence et de déclarer que l'union la plus intime règnera entre les 3 ordres.      
         
 

Dimanche 28 décembre 1788.

Versailles. - Leurs Majestés et la famille royale ont signé le contrat de mariage du Prince de Croï, fils aîné du Duc de Croï, avec demoiselle de Rochechouart de Mortemart. Ce même jour, la Comtesse de Piré a eu l'honneur d'être présentée à Leurs Majestés et à la Famille royale par la Duchesse de la Rochefoucauld.

     
  Paris. - 17 prélats se sont assemblés chez l'Archevêque de Paris, Après délibération, ils ont proposé que le Clergé paie des impositions comme les deux autres Ordres, malgré l'avis d'un grand nombre, qui tient à ce que le Clergé conserve le précieux privilège de s'imposer et de percevoir lui-même.      
         
         
         
 

Lundi 29 décembre 1788
Rennes. - Ouverture de l'Assemblée des Etats de Bretagne. Traditionnellement, le Tiers-Etat n'est représenté aux Etats que par 47 députés; chaque membre de la noblesse, par contre, a le droit d'y assister dès qu'il a 25 ans accomplis, et ils sont près de 1.200 à la séance. Aussi le Tiers, qui réclame une plus juste proportion des représentations, et qui ne reconnaît d'ailleurs pas ses 47 représentants qui n'ont pas été librement choisis, a-t-il envoyé 223 députés. Mais l'Ordre de la Noblesse a refusé de les recevoir, et déclaré ne vouloir admettre le Tiers en plus grand nombre qu'après que les Etats généraux auront prononcé un règlement à cet égard.

 

Caisse d'Escompte

 

de Boufflers

 
  Arras. - Ouverture de l'assemblée générale des Etats de la province d'Artois, présidée par le duc de Guines.      
  Versailles. - Par un arrêt pris en son Conseil d'Etat, le Roi a prorogé de six mois les dispositions de l'Arrêt du l8 août dernier qui a suspendu le cours ordinaire des paiements de la Caisse d'Escompte. Les bons résultats de l'établissement, dus à la conduite circonspecte des administrateurs et au retour graduel de la confiance qui s'en est suivi permettraient de rétablir le cours ordinaire des paiements ; mais le roi préfère attendre l’époque où, de concert avec les Etats-Généraux, un ordre universel et stable aura été introduit dans les finances.      
  Paris. Réception, à l’Académie française, du chevalier de Boufflers à la place de Mgr de Montazet, archevêque de Lyon. On a fort applaudi dans le discours du récipendiaire un passage sur les Etats-Généraux, ainsi qu’un éloge du Roi qui prépare, a dit l’orateur, le bonheur de la France par leur convocation.  
Boufflers
 
         
 

Mardi 30 décembre 1788
Guise. - Claude Thierry, employé des Fermes du Roi, coupable d’avoir assassiné et coupé par morceaux le nommé Jean Acaut, de l'avoir porté par morceaux et à différentes fois dans un saloir proche, et d'avoir assassiné le lendemain la femme Acaut à coups de hache, est rompu vif sur la grande place de la ville, après qu'on lui ait préalablement appliqué la question ordinaire et extraordinaire.

 

     
  Paris. - Le Parlement enregistre les lettres patentes du Roi, données à Versailles le 28 octobre 1788, qui confirment et homologuent les délibérations de l'Assemblée Générale du Clergé de France des 2 et 15 juillet 1788, au sujet de la somme de dix-huit cent mille livres de Don Gratuit accordée à Sa Majesté par ladite Assemblée.
L'enregistrement porte "sans que le présent enregistrement puisse préjudicier au droit des Etats-Généraux de fixer la part contributoire de chaque Ordre dans les charges de l'Etat".
 
 
  Rouen. - Le thermomètre est descendu à 17° 4 lignes au-dessous de la congélation. Ce degré de froid est le plus considérable, qu'on ait jamais éprouvé en Normandie. Le 2 février 1776, le thermomètre n'était descendu qu’à 16° 1/2. Ce moment de grand froid, qui est arrivé vers les dix heures du soir, a été précédé de l'extinction lugubre de tous les réverbères, au moment où le thermomètre marquait 15°. L'horizon occidental s'était chargé de nuages rougeâtres au coucher du soleil, et le lendemain, l'Orient était tout en feu aux premiers rayons de l'aurore.
   
  Bordeaux. - Dans la nuit, la Garonne a été entièrement prise par les glaces, et tout le commerce maritime est arrêté. On craint les plus grands ravages aux navires, dont plusieurs se sont échoués sur les vases la veille.      
         
 

Mercredi 31 décembre 1789.

Paris. - Jamais le thermomètre n'est descendu si bas, et il y fait un froid horrible. Le thermomètre de l'observatoire marque -18° (Réaumur). Dans le faubourg Saint-Jacques, un père qui sortait avec son fils âgé de 7 ans et demi, fort étonné de l' entendre faire comme une espèce de hoquet, le prend dans ses bras. Mais l'enfant meurt aussitôt, suffoqué par la vivacité de l'air. On apporte à l'Hôtel-Dieu des hommes à demi gelés et mourant de faim.
Près du Pont-Neuf, un père et une mère, à bout de ressources et d'espoir ont conduit leurs 5 enfants sur le bord de la rivière, et pour attirer la compassion et la pitié sur ces petits malheureux qu'ils ne parvenaient plus à nourrir, ils se sont jetés dans la Seine en se tenant entrelacés. On les a rapidement retirés de l'eau, mais ils étaient déjà morts. Quelques personnes charitables ont emmené ces pauvres petits orphelins, qui poussaient des cris lamentables.

   
  - Un arrêt du Parlement de Toulouse homologue une ordonnance des Capitouls de la Ville, en date du 23 décembre, qui dispense les boulangers de faire des gâteaux des rois. Cette mesure, prise en raison de la cherté du grain, produira une diminution de deux sols par marque de pain en faveur des pauvres.      
  - Un aigle commun, de six pieds d'envergure, poussé par la faim et la fatigue, est allé tomber au village de Rurange près de Metz, où il a été pris vivant. C'est la première fois, de mémoire d'homme, qu'on voit un de ces oiseaux dans cette province. On a également capturé à Metz une alouette de Sibérie, oiseau rarissime, et 24 ortolans de Sibérie, qui vivent l'été dans les glaces du Spitzberg et se retirent en hiver dans les neiges de la Sibérie.      
 

Rennes. - Le Tiers Etat présente à l'Assemblée des Etats de Bretagne un mémoire dans lequel il demande la répartition égale des impôts entre les 3 ordres, la suppression des rouages, le doublement de sa représentation aux Etats-Généraux, et la liberté d'élire son président. Le Tiers a d'ailleurs remercié son président actuel, M. de Bory, qui est gentilhomme, et l'a remplacé par M. Gandon. Les députés du Tiers ont déclaré aux deux autres ordres qu’ils n’avaient pas de pouvoir de délibérer sur d’autres objets, avant qu’il eût été répondu à chacune de ces demandes. Mais le clergé et la Noblesse refusent de les prendre en compte, et affirment qu’elles sont contraires à la constitution de la province. Le comte de Thiard écrit au roi et lui expose la situation dans laquelle se trouvent les Etats, suite à la fermentation des esprits.

     
  Romans. – L’assemblée générale des Etats du Dauphiné approuve, à l’unanimité des suffrages, le mandat spécial des députés, c’est-à-dire le résumé de la conduite qu’ils devront tenir aux Etats Généraux. Ce mandat, qui est en grande partie l’ouvrage de M. Mounier, secrétaire des Etats, leur impose de ne jamais se séparer en ordres particuliers, de ne délibérer qu’en trois ordres réunis, que le Tiers y sera en nombre égal aux deux premiers ordres réunis, at que les suffrages seront comptés par tête. L’assemblée déclare qu’elle désavouera ses députés dans le cas où ils contreviendraient à ce mandat. Le discours de M. Mounier excite l'enthousiasme au point que son auteur est nommé, par acclamation, député aux Etats-Généraux, avant même que ne commence le scrutin.  
Mounier
 
      Suivant : Janvier 1789  

 

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