Entre
toutes, cette bataille est une énigme, a écrit Victor Hugo…
Et pourtant…
Napoléon a dicté
trois récits de la bataille :
1.- Le premier
est le bulletin dicté à Laon le 20 juin 1815 (sous
le titre de bataille de Mont-Saint-Jean), publié dans un
supplément du Moniteur le 21 juin 1815.
2.- Le second
se trouve dans l'ouvrage publié à Londres en 1818
sous le nom du général Gourgaud, et intitulé
"Campagne de 1815, ou Relation des opérations militaires
qui ont eu lieu pendant les cent jours, écrite à Sainte-Hélène"
;
3.- Le troisième
figure dans un ouvrage anonyme publié à Paris en 1820,
et intitulé "Mémoires pour servir à l'Histoire
de France en 1815". L'attribution de ce texte à Napoléon
ne fait pas de doute, et il a été repris dans la Correspondance
de Napoléon Ier publiée sous le Second Empire.
Ces trois textes
présentent entre eux de grandes divergences. Dans le premier,
l'Empereur a voulu dire (d’après son secrétaire, Fleury
de Chaboulon) toute la vérité. Les deux autres ont
été dictés par Napoléon à ses
compagnons d'exil (Gourgaud et Bertrand) et constituent une réécriture
complète de la bataille.
D'autres documents
(les conversations de Sainte-Hélène notées
par Gourgaud, Bertrand, Montholon, O'Meara, un récit de la
bataille par le général Gourgaud) permettent de comprendre
comment Napoléon a vécu la bataille, comment il s'est
renseigné par la suite sur les dispositions de ses adversaires,
comment il a intégré ces éléments dans
son récit, se présentant comme le général
à qui rien n'échappe, trahi par ses lieutenants, par
les éléments et par la fatalité.
Constatation
surprenante : Aucun historien n'a jamais comparé les trois
récits de Napoléon, ni relevé les contradictions
qu'ils présentent entre eux, en cherchant à les expliquer.
Tous (Thiers, Siborne, Houssaye, Lachouque, Margerit…) se basent
sur le troisième, le plus abouti dans la réécriture
de la bataille, et prennent comme autant d'éléments
indiscutables des faits qui se révèlent au moins discutables,
sinon faux ou impossibles. C'est même ce récit qui
est devenu étalon de la fiabilité, faisant rejeter
comme douteux les témoignages qui ne concordent pas avec
lui.
Il est pourtant
évident qu'une étude comparée des trois textes
de Napoléon devait permettre de comprendre l’évolution
de sa pensée sur la bataille, son analyse, les conclusions
qu’il en a tirées.
Même
si cette affirmation peut paraître osée, force est
de constater que l’histoire de la bataille de Waterloo n’a jamais
été faite de façon rigoureuse et scientifique.
Napoléon
est parvenu à imposer à l’histoire son récit,
tel que lui l’a voulu… et peu conforme à la réalité.
Il a imposé des données qui sont fausses, à
partir desquelles cette bataille demeure incompréhensible
et mystérieuse.
Il n’est pas
trop tard pour essayer de comprendre ce qui s’est réellement
passé à Waterloo. Mais pour rendre à l’histoire
ses droits, il faut la débarrasser des légendes accumulées
autour de la bataille, et renforcées par leur répétition
même. Il faut disposer des textes et documents originaux.
Waterloo par
Napoléon donnera pour la première fois l’ensemble
des textes écrits ou dictés par Napoléon sur
la campagne de 1815, les notes de ses compagnons de Sainte-Hélène
sur le sujet, ainsi que le premier récit du général
Gourgaud, et les observations critiques sur les récits de
Napoléon rédigés par des officiers français.
Il permettra
d’analyser ce que Napoléon a su de la situation au moment
même, ce qu’il a appris par la suite, les conclusions qu’il
en a tirées, comment et pourquoi il a réécrit
l’histoire.
|