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Waterloo battle 1815

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Waterloo par Erckmann-Chatrian

     
 

     
  Voir présentation et un extrait de l'ouvrage : Waterloo par Erckmann-Chatrian  
 

 

Revue trimestrielle (Bruxelles) -1865

   
 

Waterloo, suite du Conscrit de 1813, par Erckmann-Chatrian. In-12 de 374 pages. Paris, Hetzel et Lacroix, éditeurs.
Nous avons exprimé, dans le dernier volume de la Revue, toute l'admiration que nous inspirait le Conscrit de 1813 ; il nous semblait que ce chef-d'œuvre, devenu si vite et à si juste titre vraiment populaire, ne serait jamais égalé par d'autres romans du même genre, et nous étions bien près de déplorer que MM. Erckmann et Chatrian se fussent avisés d'écrire une suite à cet ouvrage. Les suites ne sont, d'ordinaire, qu'une exploitation plus ou moins habile d'un premier succès. D'autre part, le sujet de la campagne de 1815 était hérissé de difficultés de toute espèce, l'appréciation historique de ces événements était encore faite très diversement, la critique n'avait pas dit son dernier mot, nonobstant la polémique engagée entre M. Thiers et le colonel Charras ; enfin, il y avait là tant de préjugés et d'erreurs, malheureusement trop populaires, qu'un roman aspirant à la popularité devait tomber dans ces mêmes erreurs et ces mêmes préjugés, s'en rendre complice et, de toute manière, s'y fourvoyer.
Notre surprise a été bien douce. Nous hésitions, nous tremblions en ouvrant le Waterloo; il nous en eût coûté de rabattre quelque peu de l'estime, de la sympathie profonde que nous avions pour les deux auteurs. Disons-le bien vite : non seulement toutes nos appréhensions étaient vaines, mais nous avons éprouvé une sorte de remords de nos doutes et de nos défiances. C'est avec une supériorité incontestable de talent, de bon sens et de moralité que MM. Erckmann et Chatrian ont traité ce formidable sujet. Sans doute les travaux récents de critique historique leur sont venus en aide, et l'on pourrait même affirmer que sans le Waterloo de Charras, le Waterloo d'Erckmann-Chatrian eût été impossible. Mais il s'agissait toujours de faire avec ces discussions et ces controverses, avec ces partis pris déjoués, avec ces préventions battues eu brèche, avec ces traditions controuvées et ces amours-propres nationaux obstinés, implacables, une œuvre qui eût ce cachet d'unité, de simplicité, de franchise et de conviction, qui entraîne et commande la popularité.
Ainsi, tout est exact, tout est vrai, et, chose plus importante ici, tout est vraisemblable. Les faits se sont passés de cette manière et non d'une autre, chaque lecteur en sera convaincu, bien mieux peut-être qu'à la suite des savantes polémiques engagées sur les assertions vagues et hasardées du Mémorial de Sainte-Hélène. Il n'y a pas moyen, pour ainsi dire, de douter de la sincérité de Joseph Bertha. C'est le triomphe de l'art du romancier.
Les scènes intimes qui précèdent et accompagnent le mariage du conscrit sont d'un charme exquis et forment un poignant contraste avec les sombres tableaux que va dérouler la nouvelle guerre. La réaction politique et religieuse qui se déchaîna pendant la première restauration est si bien caractérisée, que nous entrons dans les sentiments de l'époque même, et que nous saluons, avec tous les gens sensés d'alors, le retour de Napoléon comme l'avènement d'un temps meilleur. L'histoire a pu s'étonner de voir la France applaudir successivement et dans un court espace, au départ de l'empereur et à l'arrivée de Louis XVIII, puis au départ de Louis XVIII et au retour de l'empereur, puis encore au retour de Louis XVIII et au second départ de l'empereur. Pour les hommes qui ont vécu à cette époque ces contradictions ne sont qu'apparentes : le peuple, également malheureux sous les divers gouvernements, confondait ses espérances avec ses souvenirs, prenait ses illusions pour des regrets, et, cherchant toujours un bien-être impossible, n'aboutissait, après bien des efforts, qu'à se retourner sur son lit de douleur. Tout cela se comprend lorsqu'on lit Waterloo. Puis vient le récit de la campagne de 1815, que l'on peut se figurer après celui qu'ont tracé les mêmes auteurs de la campagne de 1813. Il nous a semblé qu'il y avait encore progrès dans la manière si individuelle de MM. Erckmann et Chatrian. Le point de vue du témoin narrateur est complété par des renseignements qui lui sont venus depuis et qu'il cite de la manière la plus naturelle. La tuerie de Ligny est là tout entière, dans toute son horreur, plus des détails d'une vérité saisissante. Waterloo enfin est esquissé de main de maître, et l'on jurerait que les auteurs ont assisté à ce grand événement. Tout y est au moins nettement indiqué, et l'on y voit poindre jusqu'à ces jugements erronés qui passèrent bientôt à l'état de tradition inattaquable. Les affirmations pseudo-historiques sur l'attente du corps de Grouchy, sur la panique, sur la trahison, s'y rencontrent réfutées par elles-mêmes en quelque sorte et dans leur véritable jour.
C'est là, pour le dire en résumé, une œuvre éminemment utile, une œuvre de haut enseignement, un traité de philosophie, de morale et de politique selon le bon sens : et ce n'en est pas moins une œuvre d'art, dans l'acception la plus brillante de ce terme.
                                                                                       E. V. B*

     
  * Eugène Van Bemmel.      

 

 

 

 

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