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SWEBACH,
dit FONTAINE (Jacques-François-Joseph), peintre, naquit à
Metz le 19 mars 1769, d'un père à qui furent familières
toutes les inspirations des arts, mais qui, sans études,
et livré seulement à la fougue de son imagination
ardente, embrassa tous les genres, et se montra tour à tour
peintre, sculpteur, graveur, mécanicien et minéralogiste.
Les premiers essais de cet homme, qu’on peut appeler extraordinaire,
quoiqu’il ne fût que rarement supérieur, promettait
à la France une célébrité de plus ;s’il
trompa son espoir, c’est à son esprit vagabond et divers,
à la facilité prodigieuse qu’il avait à concevoir,
à imiter, à exécuter, qu’il faut attribuer
cette déception fâcheuse. Toutefois, il a rempli sa
carrière en véritable artiste ; et le caractère
le plus aventureux l’engagea souvent dans des entreprises où
auraient échoué des hommes habiles et timides. Ainsi,
on le vit à l’âge de treize ans, enluminer à
fresque l’église d’une petite ville, où son nom triomphe
au milieu de l’ocre et du rouge brun qu’avait prodigué son
pinceau sans expérience, mais non pas sans facilité.
Plus tard, l’Académie de Metz complice de son audace, l’admit
au concours qu’elle proposait, et dont le sujet était un
ouvrage complet sur les antiquités du pays Messin. Swebach
se présenta hardiment, et produisit quelques dessins exécutés
avec facilité. On voulut connaître les moyens d’exécution
qu’il avait comme graveur ; tout autre que lui aurait été
déconcerté de cette circonstance : Swebach n’en
tint compte ; il avait pressenti l’ignorance de ses juges.
Il comparut à leur tribunal, muni de quelques estampes d'Audran,
dont il avait fait disparaître le nom. Dupe de ce manège
téméraire, l’Académie encouragea cet intrépide
oseur. Swebach ne se montra pas indigne de cette faveur.
Il ne savait aucun des secrets de la gravure ; il les apprit
dans un livre, et parvint à terminer d’une manière
satisfaisante un ouvrage assez volumineux. L’art d’écrire
sur l’archéologie lui était étranger :
les moines du pays, qu’il amusait par ses saillies vives et spirituelles,
et qu’il étonnait par sa courageuse persévérance,
composèrent le texte qu’il avait promis aux académiciens.
Il obtint le prix et le titre de membre de l’Académie des
sciences de Metz. Audaces fortuna juvat : Swebach
l’éprouva pendant le cours de sa vie.
Le fils d’un homme aussi singulièrement organisé ne
devait pas être un esprit froid. Swebach, celui que la mort
vient de frapper, fut doué d’une très grande vivacité
qui rapprochait son caractère de celui de son père,
mais aussi d’une raison précoce qui le mit à l’abri
de quelques chances fâcheuses, auxquelles s’était laissé
entraîner l’auteur de ses jours. Le goût des arts se
manifesta de bonne heure chez le jeune Swebach. A l’âge de
quinze ans, il fut couronné à l’exposition de la place
Dauphine. Sa famille possède encore le dessin qui lui valut
cette flatteuse distinction. Destiné à la gravure
pour laquelle il se sentait assez peu de dispositions, il passait
les nuits entières à se faire un talent plus conforme
à sa vocation. A l’âge de dix-neuf ans il quitta son
père, et de ce moment ses progrès furent immenses.
Deux ans à peine s’étaient écoulés depuis
cette époque, qu’il obtint un second grand prix de peinture.
En l’an X, la grande médaille du Salon lui fut décernée ;
alors sa réputation grandit et le classa parmi les peintres
les plus estimés dans le genre où il comptait tant
de succès. Spirituel dans ses conceptions, précieux
par le fini de sa touche et la grâce de son pinceau, Swebach
excella dans la composition ; il connut à tel point
la magie de la perspective, que les sujets où il fut obligé
d’admettre un très grand nombre de personnages peuvent être
cités comme des modèles dans l’art de disposer les
groupes et de faire agir la foule. Ses tableaux les plus remarquables
sont : la Bataille de Rivoli, le Passage du Danube, la Calèche,
la Malle-poste, et de très beaux morceaux qui n’ont
point encore été exposés, et qu’il venait d’achever,
quand il fut attaqué par le dernier période de la
maladie qui l’a enlevé, à l’âge de cinquante-quatre
ans, le 10 décembre 1823.
Swebach laisse, outre ses ouvrages peints, un grand nombre de dessins
et une collection d’études et de compositions gravées
par lui et recueillies en quatre volumes. En 1814, l’Empereur de
Russie le nomma directeur de sa fabrique impériale de porcelaine.
Forcé par sa santé de quitter un pays dont le climat
avait pour lui des dangers, il revint en France décoré
du titre de chevalier de l’ordre de Sainte-Anne de Russie, troisième
classe. Une foule de souvenirs honorables s’attachent à la
mémoire de cet artiste ; le trait particulier de son
caractère était la franchise et le plus grand mépris
pour la plupart des usages du monde, qu'il fuyait avec une grande
attention. En mourant, ce peintre a pu emporter la consolation de
se voir revivre dans un fils, M. Édouard Swebach, héritier
du talent et de la fortune que son père avait acquise par
un zèle soutenu et un travail de tous les instants. (Extrait
de la Pandore, du 13 décembre 1823.) |
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