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Recrue
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Faut-il dire « un
recrue » ou « une recrue » ?
Le
général Bardin s’est longuement étendu sur le sujet, dans son « Dictionnaire
de l’Armée de Terre » :
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RECRUE,
ou BISOGNE suivant Roquefort, ou CONSCRIT comme disaient les soldats,
ou JEUNE SOLDAT comme l'a mis en vogue le ministre Gouvion, ou RECREUE
comme l'écrivait JOINVILLE au temps de Saint-Louis, ou SOLDAT
DE RECRUE comme l'appelaient Bombelles (1746, A), et, à son
instar, les règlements du temps. - Le mot Recrue est d'une
orthographe équivoque et d'un genre douteux. Quelques-uns,
l'employant au masculin , l'ont écrit RECRU, ce qui était
plus rationnel que le mode que l'Académie a adopté.
L'ordonnance de 1766 (ler janvier) et l'arrêté de l’an
douze (19 vendémiaire) le faisaient masculin, en lui conservant
l’e muet qui le termine; c'était la syncope du terme jusque-là
en usage, HOMME DE RECRUE, terme qu'employait encore l’ordonnance
de 1855 (2 novembre, art. 96). L'ordonnance de 1823 (19 mars, art.
5 et 526) le faisait féminin. - Pour remédier aux incertitudes,
aux contradictions, convenons qu'une RECRUE est une levée ;
ainsi le comprenait Joinville, de là les locutions aller, envoyer
en recrue ; qu'un RECRUE est un homme, de là l'emploi du terme,
sous cette forme, depuis 1766, ainsi que dans l'ordonnance de 1818
(13 mai) et dans l'instruction de 1822 (3 juillet, art. 166). - Le
caprice du soldat a jeté ce mot, comme tant d'autres, dans
la langue militaire ; il était d'abord analogue au participe
accru , et venait du latin recrudescere, ou du verbe recroître
suivant Leduchat. Racine, dans une lettre qu'il écrivait à
son fils en 1691 (15 novembre) , blâmait, comme barbare, le
verbe recruter. Le substantif Recrue répond aux termes
latins junior et tyro et à l'italien tirone
qu'on a traduit par tiron, tyron. - Il a produit, sous forme
estropiée, les expressions recrutement, RECRUTEUR, RECRUTER;
ce dernier terme n'était pas du bel usage du temps de Furetière,
comme il le témoigne. - Audouin (t. II p.32 supposait que cette
expression provenait de recrant, recreus ; d'autres, avec
moins d'invraisemblance, la tiraient du latin recrudescere,
renouveler. Ménage rapportait ce mot aux anciens usages de
l'armée hollandaise, et prenait l'adjectif recru dans le sens
d'accru et comme l'opposé de décru ; mais il vient du
verbe italien reclutare, reclutato d'où le substantif
féminin recluta. Ce terme, emprunté à
la composition des milices de l'Italie ne signifiait d'abord que l'action
du recrutement à prix d'argent, que l'appel adressé
à des volontaires. L'usage du terme se répandait surtout
sous Louis treize ; il figure dans l'ordonnance de 1628 (18 août).
Par synecdoque, il a ensuite désigné, non plus l'action
de lever des troupes, de grossir des cadres, mais l'homme enrôlé
; et, de nos jours , la langue a admis cette acception, toute corrompue
et mal imaginée que fût la location. - Les Romains employaient,
dans le sens de Recrue ou d'étudiant en tactique, les substantifs
tyro, tyrunculus, dont nos ancêtres eussent mieux fait
d'approprier aux troupes la traduction tyron. Les Espagnols
se servaient de l'expression bisono, dont le vieux français
avait fait bisoigne bisogne, qu'on retrouve dans Brantôme
(1600, A). On disait, jadis, s'enforçair de gens,
dans le sens de faire des recrues. - Bussy Rabutin raconte,
dans ses Mémoires secrets, que deux gentilshommes, qu'il nomme
et qui vivaient de filouteries, ayant su qu'il avait touché
douze mille livres pour faire les recrues de son régiment,
c'est-à-dire les levées ( car alors, homme
et recrue n'étaient pas encore synonymes), parvinrent
à lui voler une partie de cette somme. - Dans la bouche du
soldat et dans quelques règlements (car la législation
s'est pliée à admettre le parler défectueux du
soldat) recrue signifie homme de nouvelle levée
dont la taille a été constatée sous la toise,
dont le signalement été dressé; soldat faisant
son noviciat et non encore aguerri, fantassin qui n'est pas encore
entré à l'école de bataillon. - Les miliciens
de Louis Quatorze étaient des recrues forcés. Ce prince,
dans ses dernières guerres, ne sachant plus comment avoir des
recrues, faisait poursuivre et traquer hommes, à la manière
de la presse anglaise. –La guerre de 1741 avait épuisé
les moyens de recrutement et les recrues. - Les derniers recrues de
la France impériale n'avaient que le souffle. Bombelles (1746)
et ses contemporains empruntaient à la langue de la vénerie
le terme ameuter les hommes de recrue ; c’était les plier au
joug, les assouplir à la vie de soldat. Les capitaines, étant
autrefois propriétaires de leurs compagnies, étaient
chargés d’en faire chercher et d’en trouver les recrues. L’ordonnance
de 1762 (10 déc.) les dispensa de ce soin : mais chaque officier
en semestre était tenu de faire, pour le régiment, deux
hommes. |
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