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Nous
avons parlé plusieurs fois de Passwan-Oglou, chef d’un parti de
rebelles qui a déjà affranchi une partie des pays dépendants de
la cour de Constantinople. Voici quelques détails qui prouvent qu’il
n’est point un homme ordinaire :
Passwan-Oglou
est né à Widin, où ses pères et lui
ont servi dans le corps des janissaires
; il est âgé de trente-six ans, d’une stature moyenne, le teint
pâle, le visage allongé et le corps d’une maigreur excessive. Il
crache le sang, et il ne doit le peu de santé qui lui reste qu’à
l’exercice fréquent qu’il fait à cheval. On ne l’approche qu’à une
certaine distance. Sa mère seule prépare ses repas. Il contient
dans le respect le plus craintif tout ce qui est sous ses ordres,
et il n’a admis jusqu’ici à lui parler librement qu’un évêque grec,
homme d’esprit, et un barataire français. Il a du caractère et une
grande confiance dans son étoile. Il prend, dit-il, les Français
pour modèle, et il veut être un second Bonaparte.
Les
troupes de Passwan-Oglou sont bien entretenues, et on les évalue
maintenant à trente-cinq mille hommes au moins, dont douze mille
de cavalerie. Chaque fantassin reçoit dix sous par jour et chaque
cavalier le double ; mais ils doivent rejoindre l’armée tout équipés.
Toutes ces troupes ont en outre des rations. Son banquier, qui est
juif de Widin, porte sa dépense actuelle à un million cinq cent
mille livres par mois.
Passwan-Oglou
ne prélève dans sa marche que les contributions dues au grand-seigneur.
Il diminue les impôts qui pèsent trop sur le peuple, et il surcharge
d’autant les riches. Chacun vaque à ses affaires avec sécurité.
La plus légère vexation est punie de mort. Il est seul son conseil
; il ne reçoit d’avis de personne. Il fait marcher en ce moment
un corps d’armée sur la ville de Rostchioulk.
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