Dans l'avant-propos
à ses Mémoires, Pasquier, en expliquant l'état
d'esprit dans lequel il a entrepris la rédaction de ses
Mémoires en 1822, donne un intéressant aperçu
de son évolution politique :
"J'ai
commencé à écrire en 1822 ; il est hors de
doute que mes opinions sur les matières politiques avaient
dû subir de grandes modifications depuis 1787, époque
de mon entrée au Parlement ; mes idées, mes sentiments,
avaient fait route dans un sens qui n'est pas celui dans lequel
les esprits marchent le plus communément. Ainsi, les jeunes
gens sont presque toujours enclins aux idées d'indépendance
et de liberté ; il n'est pas rare qu'ils les adoptent avec
passion, avec emportement.
L'âge plus mûr leur apporte la démonstration
de certains besoins sociaux qui sont très favorables au
développement du pouvoir, et quand la vieillesse arrive,
ce pouvoir, fort habituellement, les trouve enrôlés
sous sa bannière.
J'ai, comme les autres, obéi en commençant ma carrière,
aux inspirations de mon jeune âge ; mais les scènes
des mois de juillet et d'octobre 1789 m'ont promptement rejeté
dans le parti de la royauté, sinon absolue, du moins très
prépondérante.
Les horreurs de 1793 et 1794, le dégoûtant spectacle
du gouvernement du Directoire ne pouvaient que m'y maintenir ;
par une conséquence naturelle, la toute puissance du chef
de l'Etat, sous le gouvernement impérial, ne m'est d'abord
apparue que comme une garantie dont l'ordre social ne pouvait
se passer.
C'est alors, aussi, que je me suis décidé à
rentrer dans les affaires ; mais, bientôt, elles ont fait
luire à mes yeux un jour tout nouveau ; je n'ai pas tardé
à reconnaître les écueils où venait
presque nécessairement se briser le pouvoir absolu.
Apprenant, d'ailleurs, à mieux apprécier les conséquences
de la Révolution, à mieux connaître la situation
réelle, et par conséquent les besoins de la France,
j'ai salué la Restauration comme une ère qui devait
enfin la replacer dans la condition qui pût lui convenir,
celle d'un gouvernement monarchique, mais tempéré,
tel enfin que la charte de Louis XVIII n'a pas tardé à
le promettre.
Une fois entré dans cette voie, mes jugements, mes actes
ont été constamment d'accord avec mes opinions.
Voilà comment s'explique en 1822, au moment où j'ai
pris la plume, la disposition d'esprit qui a dicté toutes
mes paroles, qui a dirigé toutes mes actions. "
Voir :
Les
Mémoires de Pasquier
1.Le
grand Sanhédrin.
Portrait
du préfet de police Dubois par Pasquier