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Juchereau de Saint-Denis

     

 

Biographie universelle ancienne et moderne (Michaud), tome 21 (1858) :

   
 

Juchereau de Saint-Denis (Antoine, baron), général et diplomate français, né à Bastia (Corse), le 14 septembre 1778. Juchereau de Saint-Denis, dont le père était colonel d'artillerie, fut destiné de bonne heure à la carrière des armes et envoyé à l'école militaire de Brienne, d'où il passa, quelques années après, à l'école du génie de Mézières. Son père ayant été victime du régime de la terreur, le jeune officier se vit contraint de quitter la France, et passa en Angleterre, où, grâce à l'appui d'un de ses oncles, qui s'était fixé au Canada, il fut admis à l'académie du génie et de l'artillerie de Woolwich. C'est là qu'il acheva ses études, commencées à Mézières ; après quoi il alla rejoindre son oncle en Amérique. La paix d'Amiens permit à Juchereau de Saint-Denis de rentrer en France ; mais n'y retrouvant plus le patrimoine paternel, qui avait été confisqué comme bien national, il dut, pour assurer son existence, accepter à Constantinople une position qui lui fut offerte. La Porte ottomane était alors dépourvue d'officiers instruits, et ses connaissances spéciales firent bientôt admettre Juchereau comme directeur et instructeur en chef du génie militaire. Il obtint la confiance et l'estime de Sélim III, qui le chargea de l'inspection générale des fortifications de l'empire turc. Au moment où la guerre allait éclater entre ce pays et la Russie et l'Angleterre, il fut spécialement chargé de fortifier la ligne du Danube, et de mettre en état de défense Constantinople et les deux mers qui l'environnent, le Bosphore et le canal des Dardannelles. Son zèle lui valut, de la part du sultan, la décoration de commandeur de l'ordre du Croissant. La lutte entre le parti des janissaires et Sélim III, qui tentait de remplacer cette milice indisciplinée par un nouveau corps, vint compromettre la position de Juchereau de Saint-Denis. Et après la proclamation de Mustapha IV, Napoléon, avec l'agrément duquel il servait l'empire ottoman, le rappela dans sa patrie. Il l'envoya en Espagne, auprès de son frère Joseph, qui l'employa avec le grade de colonel du génie. C'est en cette qualité que Juchereau prit part au siège de Cadix, et qu'il fortifia diverses places du midi de la péninsule. Il contribua, par les fortifications passagères élevées sous sa direction, à la victoire de Bornos. Lorsque, en 1814, l'armée du maréchal Soult fut appelée au secours de la France envahie, Juchereau continua d'y être employé comme colonel du génie ; et, en 1815, il était chef d'état-major du deuxième corps, commandé par le comte de Lobau, et assistait aux batailles de Ligny et de Waterloo. La restauration laissa Juchereau en activité de service, et le comprit dans le corps de l'état-major. De 1816 à 1825, il fut placé comme chef d'état-major, en Corse et dans plusieurs autres divisions militaires. Il utilisa les loisirs que lui laissaient ses fonctions, en publiant, en 1819, sous le titre de Tableau historique des révolutions de Constantinople en 1807 et 1808, un ouvrage rempli de renseignements curieux sur la Turquie, et qui reçut les éloges des hommes compétents. Peu de temps après, la croix de commandeur de la Légion d'honneur lui était conférée. Lors de la campagne d'Espagne, en 1835, Juchereau fut attaché au corps du maréchal Molitor. Il fut envoyé près de Torijos et de ses compagnons, pour les engager à faire leur soumission au gouvernement français, sut les persuader, et signa la capitulation, qui fut approuvée par le général Bonnemains. Également versé dans la connaissance de l'artillerie et dans celle du génie, Juchereau reçut la mission, en 1826, de se rendre en Angleterre, pour y étudier le nouveau système d'artillerie qu'on y avait adopté, et rechercher en même temps quels étaient les avantages de l'arme à la vapeur, inventée par Perkins. De retour en France, il adressa au ministre de la guerre un rapport, dans lequel il proposait l'adoption, avec quelques modifications, de plusieurs des perfectionnements introduits en Angleterre, mais se montrait peu favorable à l'usage de l'arme à la Perkins. La connaissance profonde que Juchereau avait acquise des ressources de l'empire ottoman, les vues exactes qu'il avait portées, dès 1819, sur la probabilité d'une insurrection hellénique, le désignèrent au choix du gouvernement pour aller remplir en Grèce les fonctions de ministre résident. En 1828, il apporta au nouveau royaume, de la part de sa patrie, un premier secours de cinquante mille francs, et s'employa avec zèle à consolider la nationalité renaissante. Vers la fin de 1829, il revenait en France ; c'était le moment où le pouvoir méditait une expédition en Algérie. Juchereau, que son séjour près de la Porte avait mis à même de bien apprécier le caractère des populations musulmanes, fut consulté par le ministre de la guerre sur ce qu'il y avait à faire pour préparer cette grande entreprise. Il était, peu de temps après, attaché à l'armée d'expédition comme sous-chef d'état-major général, fonctions qu'il occupa depuis la prise d'Alger jusqu'à sa rentrée en France, en novembre 1850. Il résuma son opinion, touchant la nouvelle conquête, dans une brochure qu'il publia la même année, sous le titre de Considérations statistiques, politiques et militaires sur la régence d'Alger, 1850, opinions généralement conformes à celles du maréchal Clausel. En décembre 1851, Juchereau, qui comptait de si longs services comme colonel, fut enfin élevé au grade de maréchal de camp. Mais il fut laissé longtemps en disponibilité, et en 1844 il passait dans le cadre de réserve. Libre de son temps, cet officier général concentra alors tous ses travaux sur la Turquie, et il fit paraître, en 1844, une Histoire de l'empire ottoman depuis 1792 jusqu'en 1844, 5 vol. in-8°. Dans ce livre, l'auteur, frappé de la position précaire où se trouvait la Turquie, et pressentant les événements qui se sont accomplis depuis, proposait un système de fédération entre les différentes nationalités placées sous la domination du sultan. Mais cet ouvrage de Juchereau n'obtint pas le même succès que sa première publication, malgré les vues excellentes qu'il renferme, l'attention publique étant alors distraite par d'autres préoccupations. Les événements de 1848 appelèrent le baron Juchereau à la retraite. Il mourut le 19 septembre 1850. A. M—Y ( )

     
         

 

 

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