|
Juchereau
de Saint-Denis (Antoine, baron), général
et diplomate français, né à Bastia (Corse),
le 14 septembre 1778. Juchereau de Saint-Denis, dont le père
était colonel d'artillerie, fut destiné de bonne heure
à la carrière des armes et envoyé à
l'école militaire de Brienne, d'où il passa, quelques
années après, à l'école du génie
de Mézières. Son père ayant été
victime du régime de la terreur, le jeune officier se vit
contraint de quitter la France, et passa en Angleterre, où,
grâce à l'appui d'un de ses oncles, qui s'était
fixé au Canada, il fut admis à l'académie du
génie et de l'artillerie de Woolwich. C'est là qu'il
acheva ses études, commencées à Mézières
; après quoi il alla rejoindre son oncle en Amérique.
La paix d'Amiens permit à Juchereau de Saint-Denis de rentrer
en France ; mais n'y retrouvant plus le patrimoine paternel, qui
avait été confisqué comme bien national, il
dut, pour assurer son existence, accepter à Constantinople
une position qui lui fut offerte. La Porte ottomane était
alors dépourvue d'officiers instruits, et ses connaissances
spéciales firent bientôt admettre Juchereau comme directeur
et instructeur en chef du génie militaire. Il obtint la confiance
et l'estime de Sélim III, qui le chargea de l'inspection
générale des fortifications de l'empire turc. Au moment
où la guerre allait éclater entre ce pays et la Russie
et l'Angleterre, il fut spécialement chargé de fortifier
la ligne du Danube, et de mettre en état de défense
Constantinople et les deux mers qui l'environnent, le Bosphore et
le canal des Dardannelles. Son zèle lui valut, de la part
du sultan, la décoration de commandeur de l'ordre du Croissant.
La lutte entre le parti des janissaires et Sélim III, qui
tentait de remplacer cette milice indisciplinée par un nouveau
corps, vint compromettre la position de Juchereau de Saint-Denis.
Et après la proclamation de Mustapha IV, Napoléon,
avec l'agrément duquel il servait l'empire ottoman, le rappela
dans sa patrie. Il l'envoya en Espagne, auprès de son frère
Joseph, qui l'employa avec le grade de colonel du génie.
C'est en cette qualité que Juchereau prit part au siège
de Cadix, et qu'il fortifia diverses places du midi de la péninsule.
Il contribua, par les fortifications passagères élevées
sous sa direction, à la victoire de Bornos. Lorsque, en 1814,
l'armée du maréchal Soult fut appelée au secours
de la France envahie, Juchereau continua d'y être employé
comme colonel du génie ; et, en 1815, il était chef
d'état-major du deuxième corps, commandé par
le comte de Lobau, et assistait aux batailles de Ligny et de Waterloo.
La restauration laissa Juchereau en activité de service,
et le comprit dans le corps de l'état-major. De 1816 à
1825, il fut placé comme chef d'état-major, en Corse
et dans plusieurs autres divisions militaires. Il utilisa les loisirs
que lui laissaient ses fonctions, en publiant, en 1819, sous le
titre de Tableau historique des révolutions de Constantinople
en 1807 et 1808, un ouvrage rempli de renseignements curieux
sur la Turquie, et qui reçut les éloges des hommes
compétents. Peu de temps après, la croix de commandeur
de la Légion d'honneur lui était conférée.
Lors de la campagne d'Espagne, en 1835, Juchereau fut attaché
au corps du maréchal Molitor. Il fut envoyé près
de Torijos et de ses compagnons, pour les engager à faire
leur soumission au gouvernement français, sut les persuader,
et signa la capitulation, qui fut approuvée par le général
Bonnemains. Également versé dans la connaissance de
l'artillerie et dans celle du génie, Juchereau reçut
la mission, en 1826, de se rendre en Angleterre, pour y étudier
le nouveau système d'artillerie qu'on y avait adopté,
et rechercher en même temps quels étaient les avantages
de l'arme à la vapeur, inventée par Perkins. De retour
en France, il adressa au ministre de la guerre un rapport, dans
lequel il proposait l'adoption, avec quelques modifications, de
plusieurs des perfectionnements introduits en Angleterre, mais se
montrait peu favorable à l'usage de l'arme à la Perkins.
La connaissance profonde que Juchereau avait acquise des ressources
de l'empire ottoman, les vues exactes qu'il avait portées,
dès 1819, sur la probabilité d'une insurrection hellénique,
le désignèrent au choix du gouvernement pour aller
remplir en Grèce les fonctions de ministre résident.
En 1828, il apporta au nouveau royaume, de la part de sa patrie,
un premier secours de cinquante mille francs, et s'employa avec
zèle à consolider la nationalité renaissante.
Vers la fin de 1829, il revenait en France ; c'était le moment
où le pouvoir méditait une expédition en Algérie.
Juchereau, que son séjour près de la Porte avait mis
à même de bien apprécier le caractère
des populations musulmanes, fut consulté par le ministre
de la guerre sur ce qu'il y avait à faire pour préparer
cette grande entreprise. Il était, peu de temps après,
attaché à l'armée d'expédition comme
sous-chef d'état-major général, fonctions qu'il
occupa depuis la prise d'Alger jusqu'à sa rentrée
en France, en novembre 1850. Il résuma son opinion, touchant
la nouvelle conquête, dans une brochure qu'il publia la même
année, sous le titre de Considérations statistiques,
politiques et militaires sur la régence d'Alger, 1850, opinions
généralement conformes à celles du maréchal
Clausel. En décembre 1851, Juchereau, qui comptait de si
longs services comme colonel, fut enfin élevé au grade
de maréchal de camp. Mais il fut laissé longtemps
en disponibilité, et en 1844 il passait dans le cadre de
réserve. Libre de son temps, cet officier général
concentra alors tous ses travaux sur la Turquie, et il fit paraître,
en 1844, une Histoire de l'empire ottoman depuis 1792 jusqu'en 1844,
5 vol. in-8°. Dans ce livre, l'auteur, frappé de la position
précaire où se trouvait la Turquie, et pressentant
les événements qui se sont accomplis depuis, proposait
un système de fédération entre les différentes
nationalités placées sous la domination du sultan.
Mais cet ouvrage de Juchereau n'obtint pas le même succès
que sa première publication, malgré les vues excellentes
qu'il renferme, l'attention publique étant alors distraite
par d'autres préoccupations. Les événements
de 1848 appelèrent le baron Juchereau à la retraite.
Il mourut le 19 septembre 1850. A. M—Y ( ) |
|
|
|